CSDHI – « Je m’appelle Mostafa Naderi. J’ai été arrêté en 1981 et j’ai passé douze ans dans les prisons des mollahs en Iran ».
Mostafa qui a passé sept de ces douze années en isolement total, a encore du mal à raconter et dans sa voix qui se veut neutre, on sent peser une peine immense. Il lui suffit de pointer le doigt sur un visage, une des nombreuses photos des victimes qui recouvrent le mur d’une exposition à la marie du 2e arrondissement de Paris le 24 aout, pour que les larmes affleurent et que la voix se brise.
Mostafa est un survivant du massacre des prisonniers politiques de 1988 ordonné par Khomeiny, adepte de la solution finale pour son opposition démocratique en Iran, l’OMPI. Le dictateur voulait asseoir son pouvoir de guide suprême sur un trône de sang.
Aujourd’hui, la mise en ligne d’une cassette ultra secrète datant de l’époque même du génocide, fait trembler le pouvoir intégriste en Iran. Les langues se délient, les Iraniens demandent des comptes et le radeau de la tyrannie craque de toutes parts.
« Durant le massacre, raconte Mostafa, j’étais au cachot mais à cause des tortures que j’avais subies, on m’avait emmené au dispensaire. Par la suite on m’a ramené dans ma cellule. A l’époque, quand ils voulaient exécuter des gens, ils les mettaient d’abord à l’isolement et ensuite ils les pendaient.
« Parmi les souvenirs qui me hantent, il y a celui de Yaghoub Hassani, qui était dans la cellule voisine. J’avais déjà eu l’occasion de le voir dans la section générale. Il m’a demandé : mais qu’est-ce qui se passe ? Je lui ai dit que je ne savais pas. Il me parlait depuis la fenêtre. Et pui il a dit: ils sont en train d’exécuter tout le monde.
« Quand on m’emmenait à la torture, en passant par le couloir des cellules d’isolement, je voyais bien que tous les gars avaient été emmenés à la potence et il y avait leurs sacs alignés dans les cellules avec leurs noms, pour les rendre aux familles. J’avais les yeux bandés mais par-dessous, je voyais bien ces sacs et ces noms. »
« Dans la soirée, Yaghoub s’est mis à tambouriner la porte de sa cellule en criant : vous m’avez oublié ! Alors ils ont ouvert sa porte et ils l’ont emmené. Ils l’ont exécuté.
« A la prison d’Evine et de Gohardacht, nous, les prisonniers survivants, on a compté qu’on avait été environ 12.000 et qu’il n’en restait plus que 250 vivants. Et ces 250, c’était des gens comme moi qui étaient encore sous interrogatoire, sous la torture et qui étaient évanouis lors de l’appel pour l’exécution, ou qui se trouvaient ailleurs.
« Ensuite Khomeiny a donné l’ordre d’arrêter les exécutions. En fait, c’est parce que la nouvelle du masssacre avait fuité à l’extérieur et par peur des condamnations internationales, il a suspendu les exécutions.
« Quelques prisonniers qui sont sortis ont pu donnerl’alerte. Certains sont partis à l’étranger et ont dénoncé ce bain de sang. »
Mostafa se tourne vers le mur couvert de photos de victimes. « Je les connais bien, nous étions ensemble en prison. » Et les larmes montent…