CSDHI – « Je m’appelle Razieh Parandak-Bigham, je suis la mère d’Amir-Mehran Bigham. Il a été arrêté alors qu’il était en terminal, le 20 juin 1981 dans une manifestation à Karadj (en banlieue de Téhéran). » La voix ferme, mais le regard lointain où affleure une douleur intacte de mère, Razieh raconte son calvaire semblable à celui de dizaines de milliers de familles en Iran.
Elle s’exprimait lors d’une conférence des associations iraniennes de toute l’Europe qui s’étaient réunies le 3 septembre à Auvers-sur-Oise, au siège du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI) afin de rejoindre la campagne pour la justice en faveur des victimes du massacre de 30.000 prisonniers politiques de 1988 en Iran. Des personnalités comme le gouverneur américain Ed Rendell, Bernard Kouchner, le juriste Tahar Boumedra et le politicien britannique Struan Stevenson entouraient Maryam Radjavi, la dirigeante de l’opposition iranienne qui a lancé ce mouvement pour la justice.
« Ils l’ont d’abord gardé deux à trois semaines au Komiteh, raconte Razieh Parandak-Bigham. Après l’avoir jugé et condamné, ils l’ont envoyé à la prison de Ghezel-Hessar. Là, ils lui ont créé des problèmes et en guise de punition, ils l’ont envoyé à la prison de Gohardacht. Il y est resté trois ans. Il a été libéré en 1986.
« Il n’a pas fallu un mois pour qu’un beau matin, il est allé signer un acte de présence au poste des pasdaran et il n’est pas rentré la maison. Nous l’avons beaucoup cherché. On a remué ciel et terre, on a frappé à toutes les portes où l’on pensait pouvoir obtenir des nouvelles. En vain.
On l’a tellement cherché qu’un des nôtres a proposé de faire une annonce sur le journal Etelaat, avec son nom et sa photo. Il pensait que le journal devait être distribué en prison et que peut-être comme ça des prisonniers pourraient nous donner des informations.
Alors c’est ce que nous avons fait. Au bout de deux ou trois semaines, deux personnes que nous ne connaissions pas sont venues nous voir pour nous dire qu’il ne fallait pas chercher Mehran, qu’il était incarcéré à la prison de Gohardacht, sous une torture violente et au cachot.
Alors je suis retournée au tribunal de la révolution de Karadj, à plusieurs reprises, sans obtenir de réponses, et puis ils ont fini par dire quelque chose. Ils ont été obligés de dire que « oui, il est ici. Votre fils voulait traverser la frontière, nous l’avons arrêté. »
Nous n’avons pas vu Mehran. Mais sur mon insistance, on a pu donner un sac avec des affaires de premières nécessité et des sous, 500 tomans. Ils ont accepté de le lui donner et m’ont fait signer un papier comme quoi j’avais donné 500 tomans.
Après ça, il avait été convenu que tous les 15 jours je vienne prendre de ses nouvelles. Mais j’ai eu beau me présenter, je n’ai eu droit ni à le voir, ni à une lettre, ni à un coup de téléphone.
Jusqu’à ce qu’arrive l’année 1988. Cette année-là j’ai continué à demander des visites et j’ai vu des familles dont les enfants étaient en prison, et qui me disaient que leurs visites avaient été suspendues.
Nous n’avions aucune nouvelles de Mehran. Comme tous ceux qui avaient perdu la trace de leurs enfants, nous le cherchions sans répit. Jusqu’à la fin novembre. Ce mois-là, je suis allée avec son père à la prison pour qu’on nous donne des nouvelles.
Ils nous ont répondu:
– La nouvelle, c’est qu’on l’a exécuté.
– Vous l’avez exécuté ? Mais sur quelles charges? Montrez-nous un papier disant que vous l’avez exécuté. Et si vous l’avez exécuté, il avait des affaires, un testament, donnez-les nous. Et où a-t-il été enterré? Où est sa tombe?
– Passez la semaine prochaine on vous rendra son sac. Mais si vous voulez savoir où est sa tombe, ça sera 150.000 tomans et on vous la montrera.
Mon mari a répondu: « Je ne veux pas d’une tombe que je dois acheter. Aujourd’hui aucun (des exécutés) n’a de tombe. Quand on trouvera les tombes de tout le monde, alors on trouvera aussi la tombe de mon fils. »
Je demande à l’ONU et aux organisations internationales de condamner ces criminels. Quoi qu’il arrive, je veux qu’ils soient jugés par un tribunal tribunal international et qu’ils soient condamnés par toutes les instances internationales.
J’appelle toutes les familles de ces martyrs à se donner la main, donnons-nous la main et dans une grande chaine humaine, trainons ce régime devant un tribunal, il faut le contraindre à répondre de tout ce sang innocent versé.
Jamais nous ne pardonnerons, ni nous n’oublierons. On entend certains dire « oh la, la, c’est fini, il y a si longtemps, pardonnez-leur ! » Jamais ! Jamais nous ne ferons cela. Ils ont versé le sang de nos enfants innocents. Quoi qu’il arrive, ils doivent être jugés.