CSDHI – « Je m’appelle Zohreh Bijanyar. Ma sœur Zahra Bijanyar a été massacrée en 1988 avec 30.000 autres prisonniers politiques. »
Elle s’exprimait lors d’une conférence des associations iraniennes de toute l’Europe qui s’étaient réunies le 3 septembre à Auvers-sur-Oise, au siège du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI) afin de rejoindre la campagne pour la justice en faveur des victimes du massacre de 30.000 prisonniers politiques de 1988 en Iran. Des personnalités comme le gouverneur américain Ed Rendell, Bernard Kouchner, le juriste Tahar Boumedra et le politicien britannique Struan Stevenson entouraient Maryam Radjavi, la dirigeante de l’opposition iranienne qui a lancé ce mouvement pour la justice.
« J’ai dû quitter l’Iran dans les années 1980, avec mes deux jeunes enfants. En France, mon pays d’accueil, je suis devenue chef d’une petite entreprise.
En 1988, l’année du massacre des prisonniers politiques, dont a fait partie ma sœur Zahra, j’étais en Iran, à Téhéran. Aujourd’hui je voudrais donner mon témoignage et raconter mon vécu.
Ma sœur a passé 7 ans en prison, elle a été torturée de nombreuses fois. Comme les autres prisonniers politiques, ma sœur n’a jamais eu le droit de se défendre avec l’aide d’un avocat.
Lors de son arrestation, elle était enceinte, mais elle a perdu son bébé sous la torture.
Durant ces sept années de prison, à chaque visite je voyais de nouvelle trace de torture et de maltraitance sur elle, mais elle a toujours su garder le moral. Elle souriait et nous disait que la vie était belle et que nous devions sourire aussi.
Dans sa cellule en 1988, m’ont dit ses amies, elle imitait les membres du comité de la mort et notamment le mollah Rey-Chahri, pour faire rire les autres prisonnières. C’était sa façon à elle de résister à la terreur.
Quand l’Iran a accepté le cessez-le-feu de l’ONU en aout 1988, le lendemain je suis allée voir ma soeur en prison, elle était très inquiète. Elle disait: « Dieu nous aidé plusieurs fois ». Elle disait : « ils préparent quelque chose, ils nous déplacées, ils nous ont regroupées. » C’est la dernière fois que je l’ai vue.
Après quoi, ils ont formé un groupe de trois mollahs pour appliquer cet ordre de Khomeiny de massacrer des prisonniers politiques. Les visites des familles ont été arrêtées. Les familles sont restées dans une ignorance totale.
Dans toutes les villes d’Iran, le bruit du massacre des prisonniers politiques envahissait les rues. Chaque jour les familles se rendaient devant les portes des prisons, dont celle d’Evine à Téhéran pour avoir des nouvelles de leurs proches mais, elles se heurtaient à la violence physique, verbale et morale et à de nombreuses humiliations de la part des tortionnaires.
J’ai personnellement entendu dire à une mère âgée: « nous faisons le ménage de printemps comme vous ! »
Personne ne voulait ni ne pouvait imaginer ou même croire à de telles violences. Beaucoup de prisonniers politiques ont été exécutés par pendaison collectives et beaucoup d’autres par d’autres moyens barbares.
Dans le quartier où je vivais à Téhéran, je peux nommer au moins 20 personnes exécutées à ce moment.
Après les exécutions, ils nous ont rendus les affaires de ma sœur et ils nous ont refusé des droits simples, comme de faire le deuil, de savoir où elle était enterrée et surtout de savoir pour quelle raison après des années de prison, ils l’avaient exécutée. Nous n’avons jamais su à quelle date avait eu lieu l’exécution.
A partir de septembre 1988, les familles ont été contactées par téléphone pour être informées de la mort de leurs proches afin de pouvoir récupérer leurs effets personnels.
Ils ont indiqué sur les documents d’état civil de ma sœur qu’elle était « décédée au domicile de ses parents de mort naturelle ».
Des milliers de familles, comme la mienne, sont toujours dans l’ignorance 28 ans après ce massacre de ce qui est arrivé à leurs proches.
Le régime des mollahs avait planifié l’élimination des prisonniers politiques avant cette date. Il disait que si un seul de ces Moudjahidine du peuple sortait vivant de prison, il allait renforcer la résistance et rejoindre les autres. C’est pourquoi le régime craignait et craint toujours cette résistance.
On n’oubliera jamais les prisonniers politiques massacrés en 1988 et on ne pardonnera jamais aux assassins et aux criminels tant qu’ils ne seront pas jugés devant un tribunal international pour crime contre l’humanité.