CSDHI – De nombreuses ONG de divers pays ont appelé « la Rapporteuse spéciale de l’ONU sur la situation des droits humains en Iran, Asma Jahangir, à mener une enquête sur le massacre de 1988 dans le cadre de son mandat ».
Dans une déclaration écrite A/HRC/34/NGO/181 enregistrée à la 34e session du conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève, ces ONG d’Italie, de France, d’Australie et des Etats-Unis appellent également « le Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme et le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à inscrire ce massacre à leur ordre du jour et, dans une première étape, à nommer une commission internationale chargée d’enquêter sur ce crime atroce ».
Le texte rappelle que « Le 9 août 2016, un enregistrement confidentiel d’une réunion tenue le 15 août 1988 entre l’ayatollah Montazeri, alors successeur de l’ayatollah Khomeiny, et des membres des ministères de la Justice et du Renseignement en Iran, a été rendue publique au bout de 28 ans, donnant des détails sur la plus grande vague d’exécutions politiques au monde après la Seconde Guerre mondiale. Dans ce fichier audio, les auteurs du massacre de 1988 confirment les exécutions de leur propre voix. Les exécutions massives de prisonniers politiques en Iran ont commencé en 1981. »
« Sur la base de la fatwa de Khomeiny, des comités, appelés «commissions de la mort» par les prisonniers, ont été mis sur pied. Beaucoup des exécutés dans cette vague d’exécutions avaient été condamnés par les tribunaux de la révolution à plusieurs années de prison et purgeaient leur peine. Certains avaient terminé leur peine, mais n’avaient pas été libérés ou avaient été emprisonnés sans fondement. D’autres avaient été relâchés, mais avaient été de nouveau arrêtés pour être exécutés pendant le massacre. »
Ces ONG, notamment Nonviolent Radical Party, Transnational and Transparty, France Libertes : Fondation Danielle Mitterrand, International Educational Development, Inc., ou encore le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, ont évoqué le fait que « le 9 août 2016, un enregistrement confidentiel d’une réunion tenue le 15 août 1988 entre l’ayatollah Montazeri, alors successeur de l’ayatollah Khomeiny, et des membres des ministères de la Justice et du Renseignement en Iran, a été rendue publique au bout de 28 ans, donnant des détails sur la plus grande vague d’exécutions politiques au monde après la Seconde Guerre mondiale. Dans ce fichier audio, les auteurs du massacre de 1988 confirment les exécutions de leur propre voix. Les exécutions massives de prisonniers politiques en Iran ont commencé en 1981. »
Le Comité de soutien des droits de l’homme en Iran partage les opinions exprimées dans cette déclaration, dont voici le texte complet, publié le 21 février 2017 :
Le massacre des prisonniers politiques de 1988 en Iran constitue un crime contre l’humanité
Le 27 novembre 2016, un tribunal spécial de la ville iranienne de Qom a condamné Ahmad Montazeri, fils de feu le grand ayatollah Hossein Ali Montazeri, à 21 ans d’emprisonnement et d’être privé de tout pouvoir clérical pour avoir rendu publique une cassette de conversations de son père dénonçant le massacre de prisonniers politiques de 1988 en République Islamique d’Iran.
Le 9 août 2016, un enregistrement confidentiel d’une réunion tenue le 15 août 1988 entre l’ayatollah Montazeri, alors successeur de l’ayatollah Khomeiny, et des membres des ministères de la Justice et du Renseignement en Iran, a été rendue publique au bout de 28 ans, donnant des détails sur la plus grande vague d’exécutions politiques au monde après la Seconde Guerre mondiale. Dans ce fichier audio, les auteurs du massacre de 1988 confirment les exécutions de leur propre voix. Les exécutions massives de prisonniers politiques en Iran ont commencé en 1981.
Après le cessez-le-feu Iran-Irak en juillet 1988, l’ayatollah Khomeiny a publié une fatwa (ordonnance religieuse) déclarant :
«Comme ces traîtres de Monafeghine (OMPI) ne croient pas en l’islam et que ce qu’ils disent relève de la tromperie et de l’hypocrisie, comme leurs chefs ont admis être devenus des renégats et comme ils font la guerre à Dieu (…) il est décrété que ceux qui sont dans les prisons à travers le pays et qui demeurent résolus dans leur soutien aux Monafeghine (OMPI) font la guerre à Dieu et qu’ils sont condamnés à être exécutés. À Téhéran, Monsieur l’hodjatoleslam Nayeri, juge de la charia, Monsieur Eshraqi (procureur de Téhéran) et un représentant du ministère du Renseignement décideront du sort avec un vote majoritaire. Dans les prisons situées dans les capitales provinciales, le juge de la charia, le procureur de la révolution et le membre du ministère du Renseignement prononceront le verdict. Les responsables des verdicts ne doivent pas hésiter ni douter et doivent être des plus féroces face aux infidèles ».
Lorsque le chef du pouvoir judiciaire lui demande si cette fatwa doit s’appliquer à ceux qui ont déjà été condamnés à la prison, l’ayatollah Khomeiny déclare :
« Dans tous les cas mentionnés ci-dessus, si la personne à toute étape ou à tout moment maintient son soutien aux hypocrites (OMPI), elle sera condamnée à être exécutée. Annihilez immédiatement les ennemis de l’islam. En ce qui concerne les cas, utiliser le critère qui accélère l’application de la peine. »
Sur la base de la fatwa de Khomeiny, des comités, appelés «commissions de la mort» par les prisonniers, ont été mis sur pied. Beaucoup des exécutés dans cette vague d’exécutions avaient été condamnés par les tribunaux de la révolution à plusieurs années de prison et purgeaient leur peine. Certains avaient terminé leur peine, mais n’avaient pas été libérés ou avaient été emprisonnés sans fondement. D’autres avaient été relâchés, mais avaient été de nouveau arrêtés pour être exécutés pendant le massacre.
Dans le fichier audio, on entend l’ayatollah Montazeri parler de la commission de la mort. Parmi les personnes présentes figurent Mostafa Pour-Mohammadi, alors représentant du ministère du Renseignement, Hossein-Ali Nayeri, alors juge religieux, Morteza Eshraqi, alors procureur de Téhéran, et Ebrahim Raïssi, alors procureur adjoint de Téhéran. Pour-Mohammadi est actuellement le ministre iranien de la Justice, Nayeri est le chef de la Cour Suprême de Discipline pour les Juges, et Raïssi est membre de l’Assemblée des Experts et chef de la Fondation Astan Qods-e Razavi, un des conglomérats politiques et économiques les plus importants affiliés au pouvoir en Iran. Il est également candidat à la succession de Khamenei.
Les points suivants ont été soulevés lors de cette réunion :
Montazeri: « Dans d’autres villes, ils ont commis toutes sortes de choses (crimes) … et à Ahwaz c’était vraiment horrible. Ce juge-ci, ce juge-là, dans cette ville-ci, cette ville-là, ils avaient condamné des gens à 5 ans, 6 ans, 10 ans, 15 ans. A présent, exécuter ces personnes alors qu’elles n’ont pas eu de nouvelles activités signifie que l’ensemble du système judiciaire est erroné. »
S’adressant à Pour-Mohammadi, le représentant du ministère du Renseignement, Montazeri déclare: «Le Renseignement contrôlait (les tueries) et avait investi là-dessus. Ahmad Khomeiny (le fils de Khomeiny) disait lui-même depuis trois ou quatre ans que les affiliés à l’OMPI devaient tous être exécutés, même s’ils ne faisaient que lire ses journaux, ses publications ou ses communiqués. »
Montazeri: « Des jeunes filles de 15 ans et des femmes enceintes se trouvaient parmi les personnes tuées. Dans la jurisprudence chiite, même si une femme est «Mohareb» (ennemie de Dieu), elle ne doit pas être exécutée, je l’ai dit à Khomeiny, mais il a dit non, exécutez les femmes aussi. »
Dans certaines prisons, comme celle de Dizel-Abad à Kermanchah, Vakil-Abad à Machad, la prison de Gatchsaran, la prison de Khorramabad, la prison de Kerman et la prison de Masjed-Soleyman, aucun prisonnier politique n’a été épargné. Dans d’autres prisons, pratiquement tous ceux qui étaient affiliés à l’Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI) ont été exécutés. Dans l’une des sections de femmes de la prison de Gohardacht (Rajaïchahr) à Karaj, seules quatre personnes sur 200 ont survécu.
Dans une lettre adressée à Khomeiny le 31 juillet 1988, Montazeri proteste contre les exécutions de masse et dévoile « la mort de plusieurs milliers de personnes en quelques jours ». Dans une autre lettre, Montazeri qualifie les tueries de « massacre » et écrit que l’OMPI représente une «idéologie» et une «école de pensée» qui ne peut être éliminée par des exécutions.
Peu de temps après le début du massacre des Moudjahidine du peuple, des prisonniers affiliés à d’autres groupes politiques ont également été exécutés.
Les procédures des «Commissions de la mort»
Selon de nombreux rapports, la procédure des commissions de la mort était très simple. La première question était: «Quelle est votre appartenance politique?» Ceux qui répondaient «Moudjahidine» étaient envoyés à la potence. La réponse «correcte» était «Monafeghine» (hypocrites, terme péjoratif utilisé par le pouvoir pour qualifier l’OMPI). Selon Montazeri dans certaines villes, cette réponse n’a pas suffi et les détenus ont été testés pour savoir s’ils étaient prêts à exécuter d’autres membres de l’OMPI ou à donner des interviews télévisées condamnant le groupe. Une réponse négative signifiait l’exécution.
Charniers
Ceux qui ont été exécutés à Téhéran et dans d’autres villes ont été enterrés dans des charniers. Les dirigeants iraniens ont tenté d’en effacer toutes les traces. À la fin de 2008 et au début de 2009, des bulldozers ont aplati le site des charniers dans le cimetière de Khavaran à l’est de Téhéran. Dans une déclaration du 20 janvier 2009, Amnesty International a insisté pour que ces cimetières soient conservés intacts pour les enquêtes.
Le Rapporteur sur les exécutions arbitraires de la Commission des droits de l’homme de l’ONU déclarait dans son rapport de 1989 : « Les 14, 15 et 16 août 1988, 860 corps ont été transférés de la prison d’Evine [de Téhéran] au cimetière de Behecht-e-Zahra. » Cependant, la majorité des morts ont été enterrés dans des charniers du cimetière de Khavaran.
Reza Malek, ancien haut fonctionnaire du ministère du Renseignement qui est devenu un dénonciateur et a passé douze ans en prison, a secrètement envoyé une vidéo à Ban Ki-moon depuis sa prison, révélant que 33 700 personnes avaient été exécutées lors du massacre de 1988.
Le Dr. Mohammad Maleki, premier doyen de l’Université de Téhéran après la révolution de 1979 et dissident en Iran, a souligné dans une interview accordée à Dorr TV le 14 août 2016 que Reza Malek, qui s’occupait des documents et des archives du ministère du Renseignement, avait déclaré que plus de 30 400 des prisonniers exécutés appartenaient à l’OMPI, et 2000-3000 étaient de gauche et marxistes.
Dans un récent article sur le Rwanda, Mohammad Nourizad, un proche collaborateur de l’ayatollah Ali Khamenei avant la répression de l’insurrection de 2009 à Téhéran, écrit : «Ici, en l’espace de 2 ou 3 mois, 33.000 hommes, femmes, jeunes et vieux ont été emprisonnés, torturés et exécutés. Leurs corps ont été emmenés au cimetière de Khavaran et des terrains vagues en camions et enterrés dans des fosses communes, satisfaits de ce qu’ils avaient fait. »
Rapports indépendants
Le juriste britannique Geoffrey Robertson, président du Tribunal spécial des Nations Unies pour la Sierra Leone, a publié en 2010 un rapport approfondi et documenté sur ce massacre, bien qu’il n’ait pas eu accès à toutes les preuves. Dans son livre intitulé «Mullahs without Mercy» [les mollahs sans pitié], il déclare que ces meurtres sont des crimes contre l’humanité et peuvent être qualifiés de génocide. Robertson conclut que l’inaction et l’insensibilité de la communauté internationale à ce crime ont permis au gouvernement iranien de se sentir libre de continuer à violer le droit international et les droits humains. Il conclut :
« En Iran, les massacres des prisons, en vertu de leur cruauté calculée conçue par les dirigeants politiques et judiciaires de l’État, sont plus répréhensibles que leurs comparateurs … Les deux dirigeants qui ont conseillé et mis en oeuvre les massacres de 1988, Khamenei et Rafsandjani sont respectivement le guide suprême et le président du Conseil de discernement et les juges de la commission de la mort sont toujours dans le judiciaire. Ils méritent d’être jugés devant un tribunal international, de ceux qui ne peuvent être établi que par le Conseil de sécurité. » (Page 104)
L’Assemblée générale a adopté la résolution A / RES / 71/204, le 19 décembre 2016, dans laquelle elle demande à l’Iran « de lancer un processus général d’imputabilité pour tous les cas de violations graves des droits humains et (…) afin de mettre fin à l’impunité pour de telles violations ». L’Iran n’a toutefois pas respecté cet appel.
Ce qui s’est passé dans les prisons iraniennes en 1988 laisse une cicatrice profonde sur le corps et l’âme du peuple iranien. La seule façon de calmer cette blessure serait une enquête approfondie pour identifier ceux qui ont abusé de leur pouvoir pour exécuter des milliers d’opposants idéologiques.
Le 2 novembre 2007, pour marquer l’anniversaire de ce massacre, Amnesty International avait publié une déclaration qualifiant ce jour de « massacre des prisonniers », avant d’ajouter que « Amnesty International pense qu’il s’agit d’un crime contre l’humanité » Dans le rapport du 25 décembre 2005 de Human Rights Watch, ces homicides sont également qualifiés de « crimes contre l’humanité ».
Le 20 septembre 2013, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) a qualifié les événements de 1988 d’exécutions extrajudiciaires et arbitraires et de crimes contre l’humanité.
Depuis l’été 2016, de nombreux parents de victimes du massacre de 1988 en Iran se sont publiquement prononcés et ont demandé justice pour leurs proches.
Le 3 novembre 2016, Amnesty International a lancé une action urgente déclarant que la détenue d’opinion Maryam Akbari-Monfared, qui purge une peine de 15 ans à la prison d’Evine de Téhéran, se voit refuser l’accès à des soins médicaux et fait face à des représailles pour avoir déposé une plainte formelle demandant une enquête officielle sur les assassinats massifs de prisonniers politiques en 1988, y compris ses frères et soeurs.
« Justice pour les victimes du massacre de 1988 en Iran», une association de familles des victimes du massacre, d’anciens prisonniers politiques, d’avocats internationaux des droits humains et d’anciens responsables de l’ONU et gouvernementaux, mène une campagne pour la vérité, la justice, la réparation et les garanties de non-récidive. Selon les conventions internationales, il n’y a pas de prescription pour les crimes contre l’humanité. Il incombe à la communauté internationale, y compris au Conseil des droits de l’homme et au Conseil de sécurité, de s’occuper de cette question et de veiller à ce que les responsables rendent des comptes. Ce qui est urgent, c’est que le massacre et le génocide de 1988 ne se sont pas terminés et se poursuivent – par exemple, le Haut-commissaire Zeid Ra’ad Al Hussein a publié une déclaration déplorant les «exécutions de masse» en Iran suite à l’exécution de 25 sunnites le 2 août 2016. De plus, les auteurs du massacre de 1988 occupent toujours des postes clés et continuent d’assassiner leurs opposants.
Recommandations
En conclusion, nous recommandons:
1) que le Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme et le Conseil des droits de l’homme de l’ONU inscrivent ce massacre à leur ordre du jour et, dans une première étape, nomment une commission internationale chargée d’enquêter sur ce crime atroce ;
2) que la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits humains en Iran, Asma Jahangir, mène une enquête sur le massacre de 1988 dans le cadre de son mandat;
3) que le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, Pablo de Greiff, mène une enquête sur le massacre de 1988 dans le cadre de son mandat.