UPI, le 18 décembre 2018 – Entre juillet et septembre 1988, des sources de l’opposition ont déclaré que 30 000 prisonniers avaient été exécutés sous les ordres directs du dirigeant de l’époque, le Guide suprême Ruhollah Musavi Khomeiny.
« Lorsque je suis entré, les responsables ont déclaré : « Nous avons amené la dernière personne ». Un des responsables a dit : « Vous savez que nous avons envoyé tous vos amis dans l’autre monde, n’est-ce pas ? ». J’ai dit : « Non, je ne le sais pas ». Il a dit : « Vous êtes la dernière personne … Maintenant, prenez votre décision. Que voulez-vous faire ? » J’ai demandé : « Que devrais-je décider ? ». Il a dit : « Voulez-vous rester en vie ou voulez-vous aller où vos amis sont allés ? »
Cet ancien prisonnier politique a été interrogé en septembre 1988 dans la prison principale de Semnan, en Iran, où il a purgé une longue peine de prison pour son soutien à l’Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI ou MEK), principal mouvement d’opposition. Comme il l’avait appris des années plus tard, les scènes de terreur vécues à Semnan au cours de l’été 1988 s’inscrivaient dans le cadre d’une vaste campagne visant à assassiner des dissidents et des prisonniers politiques dans tout le pays.
Amnesty International a récemment publié le rapport intitulé « Des secrets imprégnés de sang – Pour quelles raisons les massacres perpétrés dans les prisons de 1988 en Iran constituent des crimes contre l’humanité », dénonçant l’ampleur du massacre et l’impunité dont jouissent les coupables.
Le rapport explosif met non seulement en lumière la réelle ampleur des crimes commis au cours de ces mois, mais souligne également la brutalité persistante subie par les familles des victimes, harcelées et tourmentées pour avoir recherché vérité et justice pour leurs proches.
Entre juillet et septembre 1988, des sources de l’opposition ont déclaré que 30 000 prisonniers avaient été exécutés sous les ordres directs du Guide suprême de l’époque, Ruhollah Musavi Khomeiny, qui avait publié une fatwa ordonnant l’exécution de tous les prisonniers restés « fermes » dans leur soutien à l’OMPI. Dans tout le pays, les prisonniers politiques ont été conduits devant des « comités de la mort » qui les interrogeraient sur leurs loyautés politiques et religieuses. Ceux qui manifestaient une loyauté constante envers l’OMPI, ou même ceux qui, selon le comité de la mort, n’étaient pas assez fidèles à la République islamique, ont été sommairement exécutés et, dans la plupart des cas, enterrés dans des fosses communes anonymes. Pendant des mois et parfois des années, les familles ont été laissées dans l’ignorance, se demandant si leurs proches étaient encore en vie, tandis que les autorités iraniennes démentaient systématiquement les meurtres commis à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
Depuis 1988, le régime iranien a non seulement harcelé et attaqué les familles des victimes en quête de justice, mais a nié que le massacre ait eu lieu. Même certains responsables de massacres occupent aujourd’hui des postes à responsabilité importante dans la République islamique. Selon le rapport d’Amnesty, des personnalités telles que l’actuel ministre de la Justice, Alireza Avaei, le précédent ministre de la Justice (2013-2017), Mostafa Pour Mohammadi, l’actuel président de la cour suprême des juges, Hossein Ali Nayyeri, et le candidat à la présidence en 2017, Ebrahim Raisi ont tous été directement impliqués dans cette campagne sanglante.
En 2016, après la divulgation d’une cassette audio enregistrée en août 1988 où l’ayatollah Hossein Ali Montazeri, alors numéro 2 du régime, reconnaît et dénonce le massacre comme « la plus grande atrocité de la République islamique, pour laquelle l’histoire nous condamnera », Mohammadi s’est vanté de son rôle en déclarant : « Nous sommes fiers d’avoir exécuté le commandement de Dieu « concernant l’OMPI » et il a déclaré ouvertement qu’il n’avait pas « perdu le sommeil toutes ces années » après les assassinats.
Dans ce rapport choquant, Amnesty déclare clairement : « Certains actes, notamment les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées, lorsqu’ils sont commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile en application d’une politique d’Etat ou organisationnelle, constituent des crimes contre l’humanité » et répertorient la persécution, le meurtre, l’extermination, la disparition forcée et la torture comme des crimes contre l’humanité commis par le régime iranien.
Le rapport soutient également que l’impunité absolue dont jouissent les criminels à tous les niveaux du pouvoir en font un cas de crimes contre l’humanité d’actualité et insiste, comme nous l’avons demandé à maintes reprises au Comité international à la recherche de la justice, pour que cela relève de l’obligation de la communauté internationale de rendre justice aux victimes.
Amnesty International clôt son rapport en recommandant vérité, justice et réparation. Après plus de 30 ans, il se fait attendre depuis longtemps. Sachant très bien que les institutions de la République islamique ne garantiront jamais une enquête juste et approfondie, nous demandons à des organismes internationaux tels que les Nations Unies et la Cour pénale internationale de garantir des enquêtes pénales indépendantes. L’Union européenne ne doit pas fermer les yeux sur les atrocités commises en Iran sous le prétexte d’un accord sur le nucléaire. Malheureusement, la haute représentante de l’Union Européenne, Federica Mogherini, est pleinement engagée dans la construction de relations étroites avec la théocratie au pouvoir, au lieu de se ranger du côté du peuple iranien qui a commencé un soulèvement en décembre 2017.
Nous, en Europe, nous savons que rendre justice aux victimes d’un crime contre l’humanité signifie non seulement justice pour les personnes touchées, mais aussi que cela constitue une leçon d’histoire à retenir pour tous. Nous rendons justice non seulement pour clore une affaire, mais aussi pour nous rappeler, ainsi qu’aux générations suivantes, que les crimes contre l’humanité ne peuvent en aucun cas être laissés impunis, afin qu’ils ne puissent plus jamais se reproduire.
Alejo Vidal-Quadras, professeur espagnol de physique atomique et nucléaire, est président du Comité international pour la recherche de la justice, basé à Bruxelles. Il a été vice-président du Parlement européen de 1999 à 2014.