AFP, Genève, 24 avril – Un juge d’instruction suisse a indiqué ce week-end poursuivre son enquête sur la mort de Kazem Radjavi, le leader de l’opposition iranienne banni, assassiné en Suisse il y a exactement quinze ans ce dimanche.
« C’est une affaire qui continue d’être instruite de manière prioritaire. C’est une enquête qui sera conduite jusqu’au bout » a déclaré à la Télévision Suisse romande (TSR) Jacques Antenen, le magistrat du canton de Vaud (sud-ouest) chargé de l’affaire.
Kazem Radjavi avait été tué dans sa voiture à Coppet, un village près de Genève le 24 avril 1990, sans doute par des agents du gouvernement iranien, qui se sont ensuite enfuis de la Suisse.
Kazem était le frère de Massoud Radjavi, chef historique des Moudjahidine du peuple, principal groupe d’opposition armée au régime islamique. Kazem Rajavi était le représentant en Suisse du Conseil national de la résistance islamique, vitrine politique du mouvement.
Depuis, les autorités suisses n’ont traduit personne en justice pour cette affaire. La plupart des 13 suspects se sont enfuis ou ont obtenu des passeports diplomatiques, tandis que le régime islamique iranien n’a pas répondu aux demandes d’entraide judiciaire.
Deux suspects ont été ensuite arrêtés à Paris en 1992, mais le gouvernement français a ignoré la demande d’extradition suisse, qui avait eu l’appui de la justice française. La France avait évoqué « l’intérêt national » pour les expulser en Iran en décembre 1993.
En 1997, le magistrat suisse alors chargé de l’affaire, avait écrit au parquet général suisse, en précisant qu’il avait « suffisamment de preuves » pour lancer un mandat d’arrêt international contre Ali Fallahian, le ministre iranien de l’Information de l’époque, selons les documents publiés par le quotidien suisse Le Matin Dimanche.
Finalement, le juge d’instruction avait décidé de ne pas lancer de poursuites contre le ministre iranien, en raison du risque de représailles contre la Suisse. Par contre, un mandat d’arrêt avait été délivré par l’Allemagne contre M. Fallahian, accusé d’être impliqué en 1992 dans le meurtre de quatre opposants Kurdes au régime iranien.
Selon Stéphane Radjavi, le fils de l’opposant assassiné, la peur des autorités de froisser l’Iran aurait plus tard gêné l’enquête en Suisse.
« Je pense que la justice possède tous les éléments qui permettrait de lancer effectivement un mandat d’arrêt contre M. Fallahian. Il y a simplement un manque de volonté » a-t-il souligné.
Le juge Antenen, qui a repris récemment l’affaire, doit bientôt se rendre en Argentine, où les autorités ont également lancé un mandat d’arrêt contre M. Fallahian après un attentat en 1994 d’un centre juif à Buenos Aires qui a fait 84 mort.
Le magistrat n’a pas l’intention pour le moment de lancer un mandat d’arrêt contre le ministre iranien.
« Tant que les autorités iraniennes ne collaboreront pas à notre enquête, une telle démarche risque fort d’avoir un effet symbolique. (…) je préfère viser l’efficacité et continuer à récolter des éléments béton dans cette enquête aux ramifications internationales », a expliqué M. Antenen au Matin dimanche.
Le juge d’instruction a affirmé ne subir aucune pression politique.
Pays neutre, la Suisse représente les intérêts américains à Téhéran, puisque Washington a cessé ses relations diplomatiques avec l’Iran.
Entre 200 et 250 personnes ont participé dimanche à Genève à une cérémonie à la mémoire de Kazem Radjavi, au cours de laquelle l’un des ministre de la Ville de Genève Chritian Ferrazino a posé une plaque commémorative sur un immeuble où a vécu l’opposant iranien.
Au nom de la ville de Genève, il a rendu hommage à un « défenseur des droits humains, tombé pour la liberté et la démocratie en Iran ».