CSDHI – Dans un rapport publié en 2014et intitulé « condamnations à mort et exécutions en 2013, Amnesty dresse un tableau sans concessions des terribles violations des droits humains en Iran qui ne connaissent aucun répit sous le nouveau président des mollahs, Rohani. Voici des extraits du rapport concernant l’Iran :
« Les exécutions ont encore augmenté en Iran en 2013. L’élection à la présidence d’Hassan Rouhani, le 14 juin, a été suivie d’un certain nombre d’initiatives en vue de rehausser l’image du pays, comme la remise en liberté de prisonniers politiques (peut-être des dizaines). L’un d’entre eux était sous le coup d’une condamnation à mort. Il n’est pas apparu toutefois que l’élection avait entraîné des changements dans la façon dont l’Iran applique la peine de mort.
Les autorités ou des médias contrôlés ou autorisés par l’État ont reconnu officiellement 369 exécutions (358 hommes et 11 femmes), soit une hausse de 18 % par rapport à 2012. Il existe toutefois des éléments crédibles montrant qu’un grand nombre d’exécutions ont eu lieu en secret et, selon des sources fiables, au moins 335 autres exécutions ont eu lieu (concernant des femmes dans 18 cas au moins). Ceci porterait le nombre total d’exécutions à 704 au moins pour l’année 2013. Selon les informations recueillies, au moins 11 des prisonniers exécutés avaient peut-être moins de 18 ans au moment des crimes pour lesquels ils avaient été condamnés. Au moins 44 exécutions se sont déroulées en public, le plus souvent par le moyen d’une grue soulevant dans les airs le condamné auquel on avait passé une corde autour du cou, devant une foule de spectateurs. Quatre-vingt-onze nouvelles condamnations à mort ont été signalées, mais il est pratiquement certain que le nombre réel est beaucoup plus élevé.
La majorité des exécutions pratiquées en 2013 ont concerné des personnes condamnées pour meurtre, trafic de drogue, viol, espionnage, « inimitié à l’égard de Dieu » ou « corruption sur terre », ces deux dernières infractions étant définies en des termes vagues. L’« inimitié à l’égard de Dieu » vise principalement l’insurrection armée. Dans la pratique, toutefois, ce chef est utilisé contre des personnes n’ayant pas pris les armes mais à qui l’on reproche des liens avec des organisations interdites en Iran. Le champ d’application de la peine de mort en Iran restait large et comportait, entre autres, le meurtre, l’« adultère par une personne mariée », l’« apostasie » et la « sodomie », autant d’actes qui n’entrent pas dans la catégorie des « crimes les plus graves » à laquelle font référence les normes internationales et qui ne devraient même pas être considérés comme des infractions. En mai, le président Ahmadinejad a promulgué une loi modifiant le Code pénal islamique. La peine de lapidation pour le « crime » d’« adultère » était maintenue dans les nouvelles dispositions.
La majorité des prisonniers exécutés avaient été condamnés pour des infractions à la législation sur les stupéfiants, qui sont jugées par les tribunaux révolutionnaires dans le cadre de procédures qui, le plus souvent, ne satisfont aucunement aux normes internationales d’équité. Les procès se tiennent fréquemment à huis clos et ne durent parfois que quelques heures, voire quelques minutes. Les juges ont tout pouvoir pour restreindre l’accès de l’avocat à l’accusé. Par ailleurs, la loi iranienne relative à la lutte contre les stupéfiants ne prévoit pas de droit à un recours véritable. Face au problème de l’application croissante de la peine de mort dans les affaires d’infraction à la législation sur les stupéfiants, le Danemark et l’Irlande ont mis un terme, en avril et novembre respectivement, à leur soutien financier à un programme de lutte contre la drogue en Iran mené sous l’égide de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime.
Les condamnations à mort sont généralement prononcées à l’issue de procédures qui bafouent les normes d’équité. Détention au secret, durée de détention provisoire très supérieure à celle prévue par la législation iranienne, obtention d’« aveux » par la torture et d’autres mauvais traitements lors de séances qui dans certains cas sont diffusées à la télévision avant la tenue des audiences figurent parmi les pratiques relevées dans la phase précédant le procès. Des tribunaux qui avaient reconnu que des prévenus avaient rétracté leurs « aveux » passés sous la contrainte ont malgré tout accepté ceux-ci comme élément de preuve. Les allégations de torture ne font généralement pas l’objet d’une enquête. Dans bien des cas les prévenus ne peuvent pas être représentés par un avocat de leur choix.
En ce qui concerne les exécutions, des avocats signalent qu’ils ne sont pas toujours informés au préalable de l’exécution de leur client, malgré l’obligation légale de les avertir 48 heures à l’avance. Les familles n’ont pas toujours la possibilité de rendre une dernière visite à leur proche. Elles ne sont pas systématiquement informées de l’exécution à l’avance, ni même parfois après. Très souvent, le seul indice de l’imminence d’une exécution est le transfert d’un condamné à mort vers une cellule d’isolement, appelée la « salle d’attente de l’exécution ». Il arrive que le corps de la personne exécutée ne soit pas rendu à sa famille, et que celle-ci ne soit pas informée du lieu où il a été inhumé.
Amnesty International a rassemblé des informations sur de nombreux cas dans lesquels la peine de mort a semble-t-il été utilisée comme moyen de répression contre des représentants politiques ou culturels des minorités ethniques du pays – Arabes ahwazis, Baloutches et Kurdes notamment.
Depuis les troubles qui ont eu lieu en 2005 dans la province du Khuzestan, les autorités iraniennes se montrent de plus en plus suspicieuses vis-à-vis des Arabes ahwazis. En janvier 2013, la Cour suprême a confirmé la condamnation à mort de cinq membres de la minorité arabe ahwazie : Hadi Rashedi, Hashem Shabani Amouri, Mohammad Ali Amouri, Sayed Jaber Alboshoka et son frère Sayed Mokhtar Alboshoka. Ils avaient été arrêtés en compagnie de trois autres hommes début 2011, peu avant le sixième anniversaire des manifestations de 2005, en raison semble-t-il de leur implication dans l’organisation d’activités culturelles. Ils avaient été condamnés à mort en 2012 par un tribunal révolutionnaire après avoir été déclarés coupables de plusieurs chefs, dont celui d’« inimitié à l’égard de Dieu ». Avant leur procès, une chaîne de télévision d’État avait diffusé les « aveux » de Hadi Rashedi et Hashem Shabani Amouri. Le 7 décembre 2013, ces deux hommes ont été transférés de la prison de Karoun, à Ahvaz (province du Khuzestan), vers un lieu inconnu. Quatre autres Arabes ahwazis ont été exécutés, en novembre ou décembre 2013, après avoir été transférés de la prison de Karoun vers un lieu inconnu le 3 novembre89.
Les autorités iraniennes ont procédé à 20 exécutions en l’espace d’un week-end à la fin octobre. Le prisonnier politique kurde Habibollah Golparipour figurait parmi les suppliciés. Il avait été arrêté en 2009 et condamné à mort en 2010 lors d’un procès qui avait duré cinq minutes, sur le chef d’« inimitié à l’égard de Dieu » lié à sa collaboration supposée avec le Parti pour une vie libre au Kurdistan (PJAK). Sa famille n’a pas été informée au préalable de son exécution. Les autorités ont refusé de lui restituer le corps.
En mars, le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Iran s’est déclaré alarmé par le nombre élevé d’exécutions, en particulier en l’absence de garanties de procès équitable, l’application de la peine capitale pour des infractions qui ne correspondent pas aux « crimes les plus graves » auxquels font référence les normes internationales, et le maintien de la pratique des exécutions publiques90. En juin le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies s’est dit préoccupé par le fait que les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe sont incriminées et que les personnes reconnues coupables risquent la peine de mort91.
Hamid Ghassemi-Shall, qui possède la double nationalité iranienne et canadienne, a été remis en liberté en septembre et renvoyé vers Toronto en octobre. Son frère, Alborz Ghassemi-Shall, et lui-même avaient été condamnés à mort en 2008 pour espionnage et collaboration avec l’Organisation des moudjahidin du peuple d’Iran (OMPI), organisation politique qui a été interdite en 1981. Hamid Ghassemi-Shall avait été déclaré coupable d’avoir obtenu des renseignements militaires par l’intermédiaire de son frère, qui travaillait auparavant comme ingénieur mécanique dans l’armée iranienne. Au cours des différentes étapes de la procédure, les deux frères n’ont pas bénéficié d’un accès régulier à un avocat de leur choix. Ce n’est que lorsque leur affaire a été examinée par la Cour suprême qu’ils en ont eu un. Alborz Ghassemi-Shall est mort dans des circonstances non élucidées à la prison d’Evin, à Téhéran, en 2009.
En octobre, un homme désigné sous le nom d’« Alireza M. » et qui avait été condamné à mort pour infraction à la législation sur les stupéfiants aurait survécu à la pendaison dans la prison de Bojnourd, dans le nord-est de l’Iran. Un médecin a constaté son décès après la pendaison, qui a duré 12 minutes. Pourtant, lorsque la famille du prisonnier s’est rendue à la morgue pour récupérer son corps le lendemain, il respirait encore. Les juges ont estimé quelques jours plus tard que l’on pourrait procéder à une nouvelle exécution dès que les médecins auraient confirmé que l’état de santé d’Alireza M. s’était amélioré. Le 23 octobre, cependant, l’ayatollah Sadegh Larijani, responsable du pouvoir judiciaire, a laissé entendre que cet homme allait pouvoir déposer une demande de grâce auprès du Guide suprême.
Le 26 octobre, Ebrahim Hamidi, responsable du système judiciaire de la province de Sistan-e Baloutchistan, a annoncé que 16 personnes avaient été exécutées à la suite d’une attaque menée la veille près de la frontière pakistanaise par un groupe armé sunnite. L’attaque avait fait 14 morts chez les gardes-frontières selon les autorités. Les hommes qui ont été exécutés avaient été condamnés à mort il y a plusieurs années, la moitié pour appartenance présumée à un groupe armé dans la région, l’autre pour des infractions à la législation sur les stupéfiants. Il n’a été suggéré à aucun moment que ces hommes, qui étaient emprisonnés au moment de l’attaque, y avaient pris part d’une manière ou d’une autre.
Sept condamnations à mort (informations officielles) au moins ont été prononcées en Jordanie en 2013. Dans les sept cas il s’agissait de ressortissants jordaniens déclarés coupables de meurtre. Une femme figure parmi les personnes condamnées. Dans le cadre de l’Examen périodique universel au Conseil des droits de l’homme de l’ONU en octobre, la Jordanie a rejeté les recommandations demandant l’abolition de la peine de mort, la ratification du Deuxième Protocole facultatif se rapportant au PIDCP et la mise en place officielle d’un moratoire sur les exécutions. »