Par Sanabargh Zahedi*
CSDHI – Un ancien conseiller culturel du chef suprême du régime iranien, Ali Khamenei, qui s’est retourné contre lui à la suite de la répression des manifestations contre le pouvoir de 2009, a confirmé plus de 33.000 exécutions en 1988 lors du massacre de prisonniers politiques.
Artiste et directeur de film, Mohamad Nourizad critique maintenant ouvertement Khamenei après avoir produit et dirigé une vingtaine de films et séries TV en faveur du régime, et avoir publié des articles dans le quotidien Kayhan, organe de Khamenei.
Depuis sa rupture avec le régime, Nourizad – qui entretient des liens étroits avec de hauts responsables, en particulier dans son cercle restreint – a écrit des lettres ouvertes à Khamenei pour protester contre la répression en Iran.
Dans un article publié sur son site le 13 avril dernier sous le titre : « Ceux qui vont perdre », où il se réfère au 20ème anniversaire du massacre rwandais, il écrit : « Dans notre pays (l’Iran) aussi nous avons commis ce genre de massacres ; massacres qui, en raison des lignes rouges de l’Etat et du silence imposé, n’ont jamais figuré dans les statistiques officielles nationales ou internationales. »
« Dans notre Iran aussi, poursuit-il, c’est une minorité qui gouverne sur une majorité enchaînée. Ici aussi en l’espace de deux à trois mois, ils ont battu et tué 33.000 hommes, femmes, garçons et filles en prison et ont transporté leurs cadavres en camions-bennes jusqu’à Kharavan (un cimetière du sud-est de Téhéran) et dans des déserts inconnus, les ont enterrés dans des fosses communes et s’en sont frottés les mains de joie. »
Dans un de ses courriers il écrit : « La société est au bord d’une terrible explosion et le calme apparent ne l’est qu’à cause de la crainte de coups et de la menace des fusils.»
Ses écrits lui ont valu d’être arrêté et incarcéré. Dans une note de la prison, il est écrit : « Le procureur général de Téhéran lui a suggéré d’adresser une requête à l’ayatollah Khamenei pour implorer son pardon, mais il a rejeté cette offre. »
Durant l’été 1988, le régime iranien a exécuté sommairement et sans jugement plus de 30.000 détenus politiques dans les prisons du pays.
Le régime iranien n’a jamais reconnu ces exécutions ni fourni d’informations quant au nombre de détenus tués.
La majorité des personnes exécutées purgeaient leur peine à cause de leurs activités politiques ou l’avaient déjà purgée mais restaient maintenues en détention.
Certaines avaient été arrêtées et libérées, puis de nouveau arrêtées et tuées lors le massacre.
La tuerie de prisonniers d’opinion a débuté à la fin du mois de juillet et s’est poursuivie quelques mois sans discontinuer.
Lorsqu’elle a cessé à l’automne, quelque 30.000 détenus politiques, dont l’immense majorité était des militants de l’organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran (OMPI), avaient été exécutés.
Sur la base d’un examen minutieux de preuves irréfutables qui comportaient des milliers de rapports et de documents, et des entretiens avec les familles des victimes, la Résistance iranienne a pu déclarer que le nombre de ces exécutés en 1988 s’élevait à 30.000.
Chacun sait que ce crime colossal ayant été mené dans le plus grand secret, les organismes internationaux n’ont pu connaître l’ampleur réelle de ce crime contre l’humanité, d’autant plus que dans de nombreuses prisons pas un seul prisonnier a été laissé en vie par crainte que l’un d’eux puisse rendre compte de cette tragédie.
Au fil du temps cependant, de nombreux experts indépendants, des témoins et des personnalités politiques sont parvenus à cette vérité et en ont témoigné.
Proche des cercles intimes du régime, Nourizad témoigne des dimensions de cette horreur.
Avant lui, Reza Malek, un haut-fonctionnaire du ministère du Renseignement (Vevak) qui a passé de nombreuses années à la prison d’Evine pour avoir dévoilé des aspects des « meurtres en séries » du régime, avait envoyé en 2008, une vidéo à l’étranger adressée au Secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon.
Dans cette vidéo, M. Malek parlait des crimes commis par le régime du guide suprême, particulièrement dans les prisons.
Evoquant les massacres de détenus politiques de 1988, M. Malek disait : « Le crime de ce régime est tel qu’en 1988, juste en quelques nuits, plus de 33700 prisonniers condamnés à des peines de cinq, deux ou un an de réclusion ont été exécutés et enterrés dans des fosses communes avec des bulldozers. Face à ce régime sanguinaire et ces mollahs criminels et hypocrites, ces innocents étaient mis en terre. C’est le résultat de l’emprise absolue du guide suprême qui se considère propriétaire des biens, de l’honneur et de la vie de chacun. »
Mohammad Nourizad confirme maintenant à peu près les mêmes chiffres.
Ce qui rend les propos de Nourizad plus significatifs, c’est qu’il a, selon ses propres mots, travaillé à la division culturelle de la Défense sacrée (guerre Iran-Irak) et qu’il n’y a jamais eu de doute sur sa loyauté, son affiliation et son association avec le noyau dur de la classe dirigeante, le cercle des intimes de Khamenei.
Un exemple de sa loyauté et de son intimité avec le cercle restreint de Khamenei sous la présidence de Khatami, est le fait qu’il a travaillé activement contre la faction « réformiste » de Mohamad Khatami et qu’il a défendu Ali Khamenei et le régime du guide suprême.
Après avoir adressé plusieurs lettres directement à Khamenei, avoir été emprisonné et frappé, il vient de franchir une ligne rouge en publiant le nombre de prisonniers politiques massacrés en 1988.
Il est à déplorer qu’au fil des ans, beaucoup de ceux qui sont mus uniquement par leur intérêts économiques, ont agi pour déformer la réalité et minimiser au maximum l’ampleur du massacre des membres de l’OMPI en1988, afin d’atténuer (au moins à leurs yeux) les atrocités commises par Khomeiny, Khamenei, Rafsandjani et d’autres mollahs criminels et leurs gardiens de la révolution dans ce massacre.
Il est temps à présent que tous ceux qui ont on blanchi l’image diabolique des mollahs en minimisant le nombre d’exécutions politiques en général, et celles du massacre de 1988 en particulier, d’en demander ouvertement pardon devant l’histoire et le peuple enchaîné d’Iran.
Entre temps, et avec cette confirmation de l’ampleur de la grande tragédie de 1988, toutes les personnalités et les forces populaires devraient concentrer leurs efforts pour faire traduire les auteurs de ces crimes, c’est-à-dire tous les dirigeants du régime actuel en Iran, devant les cours de justice internationales.
*Président de la commission juridique du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI)