Paris Match – Publié le 9 août 2016 – Des militants manifestent à Londres contre l’exécution de masse de la semaine dernière en Iran. Des membres du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI) ont également entamé lundi une grève de la faim de trois jours à la date anniversaire du massacre de 30.000 prisonniers politiques en Iran en 1988.
Des militants manifestent à Londres contre l’exécution de masse de la semaine dernière en Iran. Des membres du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI) ont également entamé lundi une grève de la faim de trois jours à la date anniversaire du massacre de 30.000 prisonniers politiques en Iran en 1988. Sipa
En Iran, 20 personnes ont été exécutées le 2 août (la pire exécution de masse depuis six ans) ainsi qu’ un scientifique iranien accusé d’espionnage au profit des Etats-Unis… Environ 230 l’ont été cette année déjà. Les ONG poussent un cri d’alarme.
Avec ses 107 exécutions depuis le début de l’année, l’Arabie saoudite passerait presque pour un enfant de chœur. Il y a une semaine jour pour jour, l’Iran a pendu 20 membres d’un groupe «terroriste» sunnite accusé d’avoir mené des attaques contre des civils et des responsables religieux dans la région kurde (ouest). Ce qui porte à 230 le nombre d’exécutions jusqu’à présent en 2016 selon Human Rights Watch (HRW). Le procureur général, Mohammad Javad Montazeri, l’a annoncé jeudi dernier à la télévision d’Etat IRI. Les suppliciés avaient été mis à mort deux jours auparavant. «Ils ont commis des meurtres (…) tué des femmes et des enfants, causé des destructions, agi contre la sécurité nationale et tué des responsables religieux sunnites dans des régions kurdes», avait souligné le procureur.
Mais les organisations de défense des droits humains estiment qu’ils font en fait partie d’un groupe de 33 sunnites condamnés pour «hostilité envers Dieu», alors qu’une réforme du code pénal iranien prévoit que les peines capitales prononcées pour ce motif soient annulées lorsque les condamnés n’ont pas utilisé d’arme dans le but de commettre un crime. HRW a condamné lundi cette série de pendaisons, rappelant que le pays «reste le leader régional en matière d’exécutions». Avec «l’exécution de masse de prisonniers le 2 août dans la prison Rajai-Shahr (à l’ouest de Téhéran, Ndlr), l’Iran a atteint «un niveau bas et honteux en matière de droits de l’Homme», a vilipendé Sarah Leah Whitson, directrice de HRW pour le Moyen Orient. «La communauté internationale ne peut pas continuer à ignorer ces graves violations du droit international par les autorités iraniennes, a pour sa part tonné Karim Lahidji, président de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH). L’exécution d’un grand nombre de prisonniers sunnites kurdes basée sur des aveux forcés et des procès inéquitables est un affront aux normes les plus élémentaires des droits de l’Homme.» La France, ainsi que l’Union européenne (UE), ont déploré cette sentence, et rappelé «leur opposition à l’utilisation de la peine de mort».
Un scientifique iranien exécuté pour espionnage au profit des Etats-Unis
Quant aux Etats-Unis, ils ont encore rappelé lundi l’Iran au respect des droits de l’Homme et des procès impartiaux, tout en prenant soin de ne pas condamner explicitement l’exécution annoncée dimanche d’un scientifique nucléaire iranien pour espionnage au profit de Washington. La pendaison de Shahram Amiri, 39 ans, dont on était sans nouvelles depuis 2010, a été officialisée dimanche par le porte-parole de la justice iranienne Gholamhossein Mohseni-Ejeie. Encore mardi, six autres prisonniers ont été tués à la prison d’Oroumieh (Ouest) selon le Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI).
Ces tristes nouvelles interviennent donc moins d’une semaine après l’une des pires exécutions de masse commises dans cette république islamique, cancre des droits de l’Homme. La dernière fois, c’était en 2009 : 24 trafiquants de drogue avaient été pendus ; comme 29 autres personnes un an auparavant, pour divers chefs d’accusation -trafic de drogue, meurtre et viol. Selon l’ONU et les ONG, Téhéran a exécuté environ d’un millier de personnes en 2015. Selon Amnesty International, 89% des exécutions recensées l’an dernier l’ont été en Iran (977), au Pakistan (320) et en Arabie Saoudite (158). D’après Ensemble contre la peine de mort (ECPM), 969 prisonniers ont été mis à mort en 2015, soit entre 2 et 3 personnes chaque jour, ce qui en fait «une des années les plus sombres de l’histoire iranienne». Comme les autres défenseurs des droits, l’organisation s’inquiète de cette situation paradoxale, au moment où le pays est maintenant bien engagé dans le réchauffement de ses relations avec l’Occident.
En Iran, le meurtre, le viol, le vol à main armée, le trafic de drogue et l’adultère sont passibles de la peine capitale. Pis, l’amputation publique de mains ou de pieds est encore pratiquée légalement, rappelle ECPM. Comble de la barbarie, en mars 2015, un œil a été arraché à un détenu en vertu du «quesas» (le juste châtiment, sorte de loi du Talion, applicable conformément à la charia -la loi islamique en vigueur depuis la révolution de 1979). A noter enfin que selon le système iranien, la victime peut choisir entre cette sentence ou le pardon (et une compensation financière).
Article rédigé par Marie Desnos