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Sepideh Gholian : « Il fait noir dans cette prison. Vraiment noir ! »

Last Updated: 23 décembre 2019By Tags:

sepideh.prison sepidar iranCSDHI – Sepideh Gholian, 22 ans, étudiante vétérinaire, militante pour les droits du travail et les droits civils et journaliste, qui a passé environ une année en prison, a été arrêtée pour la première fois le 18 novembre 2018 alors qu’elle rendait compte des manifestations des travailleurs de la raffinerie de canne à sucre Haft-Tappeh au Khouzistan, en Iran.

Esmail Bakhshi, porte-parole du syndicat, et d’autres militants syndicaux ont également été arrêtés avec elle.

Plusieurs des personnes arrêtées ont été rapidement libérées, mais Gholian et Bakhshi ont été détenus sans qu’aucune accusation ne soit portée contre eux. On leur a également refusé l’accès à un avocat pendant 30 jours et ils ont été sauvagement torturés. Le 19 janvier 2019, ils ont été forcés de confesser des crimes qu’ils n’avaient pas commis à la télévision d’État iranienne. Après leur libération sous caution, ils ont tous deux nié la véracité de leurs aveux forcés et les autorités les ont rapidement à nouveaux arrêtés pour les faire taire.

Le 9 septembre, le juge Mohammad Moghiseh de la section 28 du tribunal révolutionnaire de Téhéran a condamné Sépideh Gholian à 19 ans et six mois de prison. Le juge a aussi condamné six autres militants syndicaux et, à eux sept ils ont été condamnés à une peine totale de 110 ans de prison. Sepideh Gholian a été libérée sous caution mais elle a été arrêtée de nouveau, le 16 novembre 2019, date qui a coïncidé avec les manifestations nationales en réponse à la forte augmentation des prix de l’essence. Le 3 décembre, le Syndicat des travailleurs de canne à sucre, Haft Tappeh, a annoncé que Sepideh Gholian avait été libérée.

Les autorités espéraient probablement que ses multiples arrestations la réduiraient au silence. Mais jusqu’à présent, ils n’y sont pas parvenus.

Sépideh Gholian a passé une partie de sa détention dans la prison de Sepidar à Ahwaz, la capitale de la province du Khouzistan, où les manifestations des travailleurs ont eu lieu. Elle a eu accès à Instagram et Twitter pendant cette période, et ses publications ont informé le monde extérieur du sort de ses camarades de cellule. En voici des extraits :

« Il est interdit de danser ici. Il est interdit de se tenir la main ici. Il est interdit de porter des robes serrées, des manches courtes et des chemises à cintrées.

La semaine dernière, Samieh a dansé sur l’air de l’émission de radio Song of the Rain. Le directeur du pénitencier l’a critiquée et l’a envoyée en isolement. Samieh a tenté de se suicider en quarantaine. Nous l’avons vue [après], et selon le médecin, elle serait morte s’ils l’avaient retrouvée deux minutes plus tard. Après 13 ans à ne pas danser, à ne pas embrasser et à ne pas vivre, elle a voulu y mettre fin. Elle s’est pendue avec un drap de lit.

La prière est obligatoire. Le travail est obligatoire. L’obscurité est obligatoire. Les eaux d’égout débordent. L’eau est coupée. Nous n’avons pas de douches. Nous n’avons pas d’installations sanitaires.

La mère de Maria [Maryam Hammadi] veut laver sa fille avec une fiole d’eau. Ils le remarquent sur la vidéosurveillance et l’enguirlandent. Nous ne faisons rien parce que nous ne voulons pas non plus être réprimandées. Nous la critiquons parce que nous avons été contraintes de devenir les complices des geôliers.

La plupart du temps, il n’y a pas d’eau. Nous n’avons pas d’eau potable. Personne n’ose protester. Nous avons été privées du droit de manifester. Il y a trois cabines téléphoniques pour toutes les personnes dans la prison et, si les téléphones fonctionnent, chaque personne ne peut l’utiliser que pendant 10 minutes.

Le quartier 10 est noyé dans cette morosité. Ils ont emporté la carte téléphonique de la mère de Hadis parce qu’elle portait un pantalon serré. Elle se frappe et son sang éclabousse le sol du couloir. Hadis et Maria dansent pieds nus sur le sang. Nous restons toutes silencieuses. Nous insultons toutes la mère de Hadis. Nous sommes toutes complices des geôliers.

Ici, l’obscurité est profonde. Nasa travaille dans un atelier qui appartient à une personne qui roule sur l’or. Elle travaille de l’aube au crépuscule, elle coud, elle nettoie. Le tout pour 100 000 tomans [6 € environ] par mois. Nous sommes toutes silencieuses face à cette exploitation. Nous sommes toutes complices des geôliers et de leurs capitalistes.

Nous avons été dépourvues de toutes les installations. La télévision officielle diffuse des aveux forcés de femmes arabes. Sakineh est frappée. Pendant deux jours, Samieh n’ose pas descendre du lit. Nous l’engueulons. Nous sommes tous complices des geôliers. Nous avons été contraintes de devenir complices.

Les geôliers ont battu des détenues. Ils les menottent et les enchaînent. L’eau est coupée, le téléphone est coupé, la vie est coupée. Ma seule pensée est que je dois partir. Je dois partir pour ne pas mourir.

Peu importe ce que je mange, mon estomac le rejette. Je vomis et je ne me sens pas bien. Masoumeh, qui supporte la douleur de tout le monde, s’occupe de moi jusqu’au matin. C’est une mère du sud et elle est notre mère à toutes. Moi aussi, je suis fille de « Masoumeh en noir », la mère dont personne ne connaît le nom, dont la photographie n’a jamais été diffusée dans l’un des documentaires télévisés du régime. Une mère sans nom et en deuil.

Cette prison a 10 quartiers et dans presque tous, il y a une mère ou plus avec son enfant. Il n’y a même pas de section séparée pour elles. Nous mourons toutes dans cette obscurité.

Il y a au moins 250 personnes qui peuvent recevoir des visiteurs. Les visites d’hommes ne sont pas autorisées. Nous nous réunissons toutes dans des tchadors blancs et des pantoufles. Les manteaux sont interdits ici et les tchadors blancs sont obligatoires. Nous nous dirigeons toutes ensemble vers le parloir, qui ne dispose pas de suffisamment de places pour nous asseoir toutes. Il y a tellement de tensions là-bas et ils traitent nos familles si mal que nous regrettons d’avoir rencontré nos familles.

Cette obscurité est également infligée à nos familles.

Je suis sortie de la prison Sepidar depuis des jours, mais la douleur de Sepidar prend racine en moi. Qui peut oublier cette obscurité, ce cauchemar qui dure éternellement ? Vous n’entendez rien au sujet de cette obscurité et de ce cauchemar à l’extérieur des murs de Sepidar parce qu’il concerne les femmes, parce qu’il concerne les femmes incarcérées, parce qu’il concerne les femmes incarcérées dans les provinces. Nulle part vous n’entendrez : « C’est la prison Sepidar… »

 Source : IranWire

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