Un ancien prisonnier politique accuse Ahmadinejad d'avoir été tortionnaire à la prison d'Evine de Téhéran
Télévision Léman bleu (Suisse), 20 avril 2009 – Nous avons sur ce plateau trois opposants à l’actuel régime iranien.ils s’exprimaient chez notre ami Guy Mettan à 11h30 dans le cadre du club suisse de la presse, à la villa La Pastorale. Nous avons Behzad Naziri, aussi Mostafa Naderi et Hamid Assadollahi. Vous êtes des opposants au régime. Ça date bien sûr de l’époque du chah, avant la révolution islamique de 1979. Dites-nous Behzad qui vous êtes et comment vous êtes devenus un opposant au régime islamiste en Iran depuis 30 ans ?
B. Naziri : Nous sommes du Conseil national de la Résistance iranienne. C’est avec un espoir de liberté et de démocratie que nous avons renversé la dictature monarchique du chah. Mais la dictature religieuse qui l’a remplacée a été pire parce que ce sont des atrocités, des exécutions, des lapidations, des tortures au nom de la religion. Or, les Iraniens qui sont majoritairement des musulmans, se sont actuellement opposés à ce régime et se sont rassemblés dans une opposition démocratique, une coalition qui veut un Iran pluraliste, laïque et démocratique et la fin de ce régime.
Léman Bleu : C’est important ce que vous précisez. Vous êtes les opposants de la première heure à ce régime et vous n’êtes pas pour autant des nostalgiques de l’époque impériale. C’est une troisième voie que vous souhaitez : ni chah ni mollah.
B. Naziri : Absolument. Nous pensons que la seule solution pour l’Iran, c’est la démocratie. Le régime iranien leurre l’Occident en parlant de « président de la république ». Parce qu’en Iran il n’y a ni république ni président.
Léman Bleu : Ahmadinejad est un homme de main du guide suprême, c’est l’ayatollah suprême qui est au-dessus des lois et des pouvoirs. En Iran il y a un fascisme religieux. Il faut dire les choses par leur nom.
Léman Bleu : Il y a l’ayatollah Khamenei, le guide suprême de la révolution. En même temps il y a M. Ahmadinejad. Il y a quand même chez vous des processus électoraux, il y a des élections. M. Ahmadinejad, tout diabolique qu’il soit à vos yeux, n’en a pas été pour le moins élu par le peuple iranien.
B. Naziri : Ce qu’on appelle les élections, ne sont qu’une mascarade électorale, c’est-à-dire un règlement de compte entre factions au pouvoir. Car qui dit élection, dit participation de l’opposition. Qui dit élection, dit possibilité de participation libre des candidats. Tandis que les candidats en Iran sont filtrés par le conseil des gardiens de la constitution qui empêche tout opposant et toute personne hors des gens du sérail de prendre part à ces élections. Par conséquent il n’y a rien de démocratique dans ces soi-disant élections, qui sont un leurre pour ceux qui ont l’esprit naïf et qui croient que l’Iran peut évoluer avec ce régime.
Léman Bleu : Behzad vous avez fait trois ans de prison, votre voisin, l’homme qui est à votre gauche, a fait 12 ans dans la sinistre prison d’Evine qui était la prison du chah à l’époque de la Savak et qui est devenu la prison des islamistes depuis leur arrivée au pouvoir en 1979. Mostafa parle persan, la langue iranienne. Alors Mostapha, vous avez fait 12 ans de prison dans la sinistre prison d’Evine ? Une prison qu’on connaît depuis toujours, depuis l’époque du chah. Pouvez-vous nous raconter comment vous en êtes arrivé là, comment vous avez vécu ces années ?
Mostapha Naderi : J’ai été en prison de 1981 à 1991. En 1988 il y a eu 30.000 prisonniers politiques qui ont été exécutés sur les ordres de Khomeiny. Rien qu’à la prison d’Evine il y avait 12.000 prisonniers, il n’en est resté que 200.
Léman Bleu : Vous étiez un homme politique, un opposant à ce régime des mollahs, dans quelles conditions vous avez été incarcéré ?
Mostapha Naderi : J’ai été cinq années en confinement solitaire, et j’ai été soumis à des simulacres d’exécution. J’ai reçu beaucoup de fouetté avec des câbles électriques.
Léman Bleu : est-ce que vos tortionnaires portaient des cagoules ? Alors l’un de vos tortionnaires, nous allons révéler son nom. Dans les années 80 il y a un homme qui vous torture, il porte une cagoule. Cet homme qui est-il ? Parce que vous, Moustapha, vous êtes sûr de l’avoir reconnu ?
Mostapha Naderi : cet homme qui me torturait à la section quatre de la prison d’Evine, c’était Ahmadinejad.
Léman Bleu : est-ce que vous pouvez nous affirmer cela ce soir avec certitude ?
Mostapha Naderi : Certainement, parce que dans les biographies officielles d’Ahmadinejad il y a trois années qui sont gommées, qui sont dans le flou. Ce sont ces trois années où il était tortionnaire.
Léman Bleu : Alors, durant ces trois années il aurait été tortionnaire à la prison d’Evine. C’est en effet une lacune sur son passé. Et ce qu’il y a d’autre témoin qui peuvent le reconnaître ?
Mostapha Naderi : Mehdi Vosoughian qui était mon compagnon de cellule et qui a été exécuté dans le massacre des prisonniers politiques en 1988, m’a raconté l’avoir vu de ses propres yeux. Et après cela a été encore confirmé par d’autres prisonniers qu’il était effectivement l’un des tortionnaires.
Lorsque après 12 ans vous quittez la prison d’Evine, dans quel état physique et mental êtes-vous Mostafa ?
Mostapha Naderi : Comme je suis resté cinq ans en isolement cellulaire, j’ai eu beaucoup de mal à revenir dans une vie normale et à un état normal. Après tant d’années on ne peu même plus parler, le langage et la mémoire perdent beaucoup.
Léman Bleu : Hamid Assadolahi, je voudrais vous donner la parole. Parlez-nous du regroupement des opposants iraniens en Suisse romande ?
Hamid Assadollahi : Je suis dans un comité qui s’appelle le Comité de soutien aux droits de l’homme en Iran. Nous sommes très actifs dans ce domaine en France, en Suisse et en Europe. Nous organisons des meetings, des réunions pour dénoncer les violations des droits de l’homme en Iran. Plus de 120.000 opposants iraniens ont été exécutés sous ce régime. Il y a eu des exécutions de mineurs. Actuellement on parle d’une centaine de mineurs qui attendent d’être exécutés dans le couloir de la mort.
Léman Bleu : Alors, Mostafa nous dit que l’homme qui l’a torturé dans les années 80, c’était Ahmadinejad. D’abord, est-ce que vous croyez à cette version ? Parce que c’est quelque chose d’important que nous ayons Mostafa sur ce plateau.
Hamid Assadollahi : Oui tout à fait, vous savez, sous ce régime ce n’est pas un fait étrange parce que pour bien montrer sa fidélité à ce régime, il faut participer dans ce genre de choses. Donc c’est tout à fait normal. Actuellement la plupart des responsables du régime sont des anciens pasdaran, c’est-à-dire les gardiens de la révolution, dont Ahmadinejad qui était lui-même un commandant