CSDHI – Demandez le programme ! Concerts, poésie, gastronomie et même vie associative ! Derrière une poignée de comités ubuesques, le régime iranien organise à Paris une « semaine culturelle » pour vanter Ispahan la magnifique et faire … ce qu’il y interdit.
Le dossier de presse et la campagne dans les réseaux sociaux nous annoncent la venue d’un vice-président des mollahs et du maire d’Ispahan. Un bouquet de conférences sur les jardins, l’eau, l’architecture, le cinéma, pour « faire vivre Paris au rythme d’Ispahan ». Il aura fallu dépenser des montagnes d’argent pour tisser ce tapis « culturel » sous lequel on veut cacher la réalité à grand coups de balai.
Inauguration à l’Assemblée nationale, sous l’égide du groupe d’amitié France Iran présidé par la députée Delphine O, à ne pas confondre avec le lobby officiel de l’ambassade d’Iran. La théocratie se tient derrière l’initiative à travers « le centre culturel iranien de Paris, la municipalité d’Ispahan, le ministère des Affaires étrangères des mollahs » et autres ersatz culturels. La clôture se fera au Palais du Luxembourg.
Un symbole fort d’une certaine représentation nationale aux petits soins pour la tyrannie religieuse. Entre deux bouchées à la pistache et des promesses de contrats, le lobby des mollahs n’en est pas à un paradoxe près. Il déploie des trésors d’ingéniosité pour jeter un voile sur la ségrégation sexuelle, la censure et la répression cruelle. En ces temps troublés où la rue iranienne rejette ses tyrans, il s’agit de noyer le poisson, de donner l’illusion du calme. Un marché de 80 millions d’Iraniens, vous comprenez …
Acide à volonté
Avec les mollahs, Ispahan est devenue la ville des drames. Vingt pendaisons en 2017 dont trois en public sur les places de la cité antique, un pont célébrissime aux 33 arcades qui enjambent un fleuve totalement à sec, des salles de concert condamnées, des artistes en prison. Et surtout, un nombre record d’agressions de femmes à l’acide, l’interdiction du vélo féminin et des patrouilles contre les mal-voilées. Last but not the least, la brochure consacrée à cette semaine culturelle présente des silhouettes de femmes tête nue, image totalement impossible en Iran où le voile obligatoire, en chiffon, photoshopé ou tracé au feutre sur les dessins, recouvre toutes les femmes et même les mannequins en vitrine !
Malgré des siècles de coexistence pacifique, Ispahan souffre aujourd’hui de la persécution des minorités chrétiennes et bahaïes, avec rafles des nouveaux convertis et magasins scellés en série pour raison d’intolérance fanatique, le must du pouvoir clérical. Mais le dépliant vante « la vie associative » des communautés… derrière les barreaux.
Ces questions seront-elles abordées à la Sorbonne, à l’INALCO, au musée du Louvre, à l’hôtel de Lauzun, dans les arcanes du parlement et surtout au MEDEF ? Si ce n’est pas le cas et il semble que ce ne soit pas le but du jeu, il y a comme un parfum d’indécence dans cette opération de charme, alors que le peuple iranien subit une répression cruelle. Culture et histoire, nous dit-on, mais au nom de la culture ou de l’histoire peut-on passer sous silence l’intolérance et la sauvagerie de ceux qui règnent aujourd’hui en Iran ?
Concerts et graffiti
Bien sûr, la culture est là, mais elle est l’apanage d’un grand peuple. Les mollahs incultes et barbares s’emploient à la détruire.
Un exemple. Le programme annonce un concert de santour, instrument traditionnel à cordes iranien, donné par une femme. Or à Ispahan, les concerts sont interdits, pour les hommes comme pour les femmes ; femmes auxquelles la loi ne permet pas de jouer en solo sur scène devant un public mixte. Pour les publics féminins, la réponse de la ville est tout aussi négative. On notera même qu’un chanteur du cru, Mehrzad Esfahanpour est en prison pour avoir manifesté en janvier lors du soulèvement.
La brochure de cette fameuse semaine prévoit « une sélection opérée parmi pas moins de 700 graffitis d’Ispahan ». Bonne idée, car les plus récents sont les plus instructifs. Lors des révoltes qui ont secoué 142 villes d’Iran en début d’année, Ispahan et sa banlieue ont brillé par leur courage et leurs nombreux martyrs. La foule en masse a crié « A bas Khamenei », le guide suprême, et les murs ne cessent depuis de le répéter. Question graffiti, la semaine culturelle est servie : on retrouve la même phrase dans tout le pays.
A court d’eau
Ispahan, ses roses, ses jardins, un joyau de verdure : une image du passé ? Effectivement, le fleuve Zayandeh-Roud est totalement à sec. L’exploitation anarchique par les gardiens de la révolution, à des fins militaires et pour les champs cultivés à leurs comptes, a épuisé les cours d’eau et les nappes phréatiques. Les vents qui balayent les sols arides, amène des tempêtes de poussière qui, mêlées à la pollution industrielle, rendent l’air irrespirable. Cette sécheresse, fruit amer d’une dictature obscurantiste dont la feuille de route est la destruction en profondeur des ressources humaines et naturelles du pays, a déclenché une explosion de colère sociale.
Depuis un mois, jour après jour, les agriculteurs manifestent à Ispahan pour réclamer leur droit à l’eau. Sans eau, pas de culture, sans culture pas de revenus, pas de vie, la misère et la faim, nouvelle compagne des Iraniens. La population les soutient.
Ispahan, comme le reste de l’Iran a soif. Soif d’air pur, soif d’eau et surtout, soif de liberté. Le maire d’Ispahan compte venir à Paris, avec dans ses bagages potences, censure et misogynie. Qu’on ne prenne pas les Parisiens pour des naïfs, en leur faisant le coup de la culture. Si Paris s’est battue pour se libérer du nazisme, ce n’est pas pour vivre au rythme des mollahs. Les Ispahanais, comme tous les Iraniens, se libéreront aussi du fascisme religieux.
Le respect de cette grande culture et la solidarité avec le peuple iranien appellent les Parisiens et les institutions à se désolidariser de cette sordide opération de lobbying.