CSDHI – Mardi, Al Jazeera a annoncé que des milliers d’Iraniens devraient se rassembler près du tombeau de Ruhollah Khomeiny, le fondateur de la République islamique, pour commémorer le 30e anniversaire de sa mort.
Khomeiny est mort environ 10 ans et deux mois après avoir contribué à la conclusion de la Révolution iranienne, puis dirigé la mise en place du système connu sous le nom de Velayat-e Faqih et caractérisé par l’autorité absolue des religieux.
S’appuyant sur des témoignages d’Iraniens qui ont quitté le pays quelques années après la Révolution, Al Jazeera transmet le message que ce système n’était généralement pas ce que le peuple iranien voulait, même si tous ne le savaient pas à l’époque. Beaucoup s’étaient concentrés sur l’objectif de jeter la moderne mais terriblement répressive règle du Shah, et avaient simplement tenu pour acquis que le résultat final serait une amélioration de la situation préexistante.
Le rapport note que même parmi les conservateurs, il existe un sentiment général que l’Iran est dans la même situation qu’avant la Révolution, la seule différence étant la nature précise de l’oppresseur. C’est pourquoi on estime qu’à peine 10% des 80 millions d’habitants que compte la République islamique soutiennent encore le gouvernement, aujourd’hui. Cela étant, Al Jazeera note que les rassemblements commémoratifs de cette semaine pour le fondateur du régime sont en grande partie une affaire truquée, avec une poignée de partisans fidèles voyageant ou étant transportés en bus au Behesht-e-Zahra de Téhéran.
Pendant ce temps, dans un éditorial de l’UPI, l’ancien député européen, Struan Stevenson, a écrit dans un éditorial que la semaine prochaine, une commémoration encore plus soigneusement « arrangée » devrait avoir lieu. Comme le décrit Stevenson, « les foules seront rassemblées dans le mausolée de Khomeiny » par « la gestapo du régime iranien », pour participer à « des cris orchestrés de « mort aux Etats-Unis ». Là-bas, on entendra la voix de l’actuel Guide suprême du régime, Ali Khamenei, qui exerce une autorité absolue depuis la mort de son prédécesseur, le 3 juin 1989.
Al Jazeera et Stevenson ont tous deux profité de cet anniversaire pour explorer l’héritage permanent de Khomeiny. Et bien que chacun ait adopté un ton très différent, ils semblaient tous deux affirmer la même conclusion sous-jacente. Al Jazeera a décrit un détournement fortuit de cet héritage au fil du temps, accompagné d’un élan croissant de débattre de cet héritage, malgré que débattre de ces questions est illégal. Des activités comme « insulter » le Guide suprême ou le fondateur du régime constituent des motifs de poursuites pénales en République islamique et peuvent même être passibles de la peine de mort.
Comme le souligne Stevenson, ce code juridique violent et répressif est profondément enraciné dans l’histoire de la République islamique, et plus particulièrement dans les jugements et la fatwa du fondateur. C’est l’une de ces fatwas qui a préparé le terrain, en 1988, pour l’exécution systématique d’environ 30 000 prisonniers politiques. Ce massacre, qui a entraîné la pendaison d’adolescents et de femmes enceintes, a été l’étincelle du conflit entre Khomeiny et le successeur qu’il avait initialement désigné pour occuper ce poste. « Parce qu’il avait osé se plaindre », a écrit Stevenson, « Hossein Ali Montazeri a été limogé de son poste de successeur de Khomeiny et maintenu en détention à domicile pour le reste de sa vie ».
En se basant sur cela et d’autres caractéristiques des 10 années de pouvoir de Khomeiny à la tête de la théocratie naissante, Stevenson n’hésite pas à décrire le fondateur du régime comme un « psychopathe » qui a inauguré la « destruction complète d’un pays autrefois prospère ». Al Jazeera est plus circonspect, évitant des exemples spécifiques de l’héritage répressif de Khomeiny tout en le créditant d’inspirer un certain sens de la force nationale au lendemain de la Révolution. Mais les deux articles semblent s’accorder, c’est qu’il est peu probable que l’héritage du fondateur résiste à l’épreuve du temps.
Les deux articles évoquent l’attitude des Iraniens ordinaires et des membres du mouvement de résistance organisé du pays, suggérant que le peuple iranien exerce des pressions en vue d’un nouveau changement de gouvernance. Cette conclusion est confirmée par les innombrables manifestations qui ont eu lieu au cours des derniers mois pour transmettre un message de changement de régime à travers des slogans tels que « Mort au dictateur ».
Ces slogans ont été popularisés pour la première fois fin 2017 et début 2018, lors d’un soulèvement national qui a commencé dans la ville de Mashhad avant de s’étendre à plus de 100 villes et villages. Cette révolte a inspiré une série de manifestations de moindre envergure à travers le pays et le mouvement dans son ensemble a été qualifié d’ « année de soulèvements » par Maryam Radjavi, dirigeante de l’Organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran et de sa coalition, le Conseil national de la résistance iranienne.
Quelle que soit la taille de la foule rassemblée près de la tombe de Khomeiny cette semaine ou la semaine prochaine, elle sera sans aucun doute éclipsée par l’ampleur et la diversité du mouvement de contestation antigouvernemental qui est toujours actif. Ce contraste reflète les tendances reconnues par Al Jazeera, Stevenson, etc., tendances qui permettent au plaidoyer démocratique actuel d’engloutir l’héritage du fondateur de la République islamique.
Source : INU