CSDHI – IranWire peut exclusivement signaler que les Gardiens de la révolution iraniens (les pasdarans) ont menacé les médecins iraniens de représailles si l’un d’eux divulguait des informations concernant la propagation du coronavirus en Iran.
Un groupe de médecins spécialistes a rencontré le vice-ministre de la santé, Iraj Harirchi, le samedi 22 février, au cours duquel ils ont rendu compte des dernières découvertes concernant la propagation du coronavirus à Téhéran et dans d’autres villes iraniennes. Mais peu de temps après la réunion, le Corps des gardiens de la révolution islamique (IRGC ou les pasdarans) a approché les médecins par le biais du bureau de sécurité du ministère de la santé et les a avertis de ne divulguer aucune information de leurs discussions. Les médecins ont été informés qu’en cas de fuite de détails, ils seraient tenus pour responsables et en subiraient les conséquences.
Malgré ces menaces, les informations reçues par IranWire montrent la gravité de l’épidémie du coronavirus, en particulier à Téhéran. Les médecins qui étaient présents à la réunion ont fourni à Harirchi leur évaluation d’informations et de chiffres officiels et lui ont dit que les chiffres publiés par le gouvernement ne correspondaient pas à la réalité de la situation.
Comme l’a déclaré à IranWire l’un de ces médecins – dont le nom n’a pas été divulgué en raison des menaces des pasdarans : « Les statistiques publiées par le gouvernement n’ont rien à voir avec la réalité de la situation et le nombre d’infections est beaucoup plus élevé que ce que les médias rapportent. Si les choses continuent ainsi et si la République islamique ne coopère pas avec l’Organisation Mondiale de la Santé, nous devons nous attendre à une grande catastrophe dans les mois à venir et, seulement à Téhéran, des dizaines de milliers de personnes seront infectées par le coronavirus. Cette estimation scientifique n’inclut même pas d’autres épicentres comme Qom. Si nous ne parvenons pas à mettre en place un cadre de coopération avec l’Organisation mondiale de la santé, notre situation sera bien plus grave qu’en Chine. »
Ce médecin a souligné qu’actuellement, un certain nombre de cliniques à Téhéran ont été mises en quarantaine et que les tentatives du gouvernement de garder secrète la réalité de la situation constituent un « crime » au sens juridique du terme.
« Refuser de divulguer de vraies informations aux Iraniens et à la communauté internationale est officiellement un crime car cela met en danger la vie des gens non seulement en Iran mais aussi dans d’autres pays. »
Dans de nombreux pays, dont les Émirats arabes unis, Oman, le Canada, l’Iraq, la Turquie et le Liban, les premiers cas d’infections au coronavirus ont été signalés par des citoyens iraniens ou par des voyageurs qui ont visité l’Iran. Cela a conduit de nombreux pays à fermer leurs frontières avec l’Iran, dans les airs et au sol.
Selon ce médecin, l’épidémie de coronavirus en Iran est survenue juste après l’épidémie en Chine. « Mais le problème a commencé lorsque nous n’avons pas reconnu que ce virus est le même que le coronavirus chinois », a déclaré le médecin. « Nous avons fait une erreur en l’identifiant comme une variante des virus de la grippe. … Mais, après avoir appris qu’il s’agissait d’une erreur, les responsables ont continué comme avant et n’ont pas divulgué les faits. »
Le gouvernement est désemparé
Le docteur a déclaré que le gouvernement iranien n’a aucun plan pour contenir la crise. Les responsables n’ont « pas d’autre choix que le secret », a-t-il ajouté. « Cela déshonorera la République islamique, si l’on apprend que son gouvernement n’a aucune idée de ce qui se passe. Mais cela peut conduire à une catastrophe humanitaire. »
Selon ce médecin, une fois la réunion avec le ministre de la santé terminée, les Gardiens de la Révolution (les pasdarans) ont contacté chaque médecin qui avait assisté à la réunion. « Ils nous ont dit que nous serions tenus responsables de la moindre fuite. Mais je ne pouvais plus me taire, a-t-il déclaré.
Le lundi 24 février, deux jours après la réunion et après que les médecins ont été menacés, le général Hossein Salami, le commandant en chef des pasdarans, a appelé le ministre de la Santé, Saeed Namaki et il a annoncé que les gardiens étaient prêts à fournir toute l’aide nécessaire pour combattre le coronavirus et empêcher sa propagation.
Le 25 février, dans un discours télévisé, le président Hassan Rouhani a demandé aux gens de ne faire confiance qu’aux déclarations du ministère de la santé pour obtenir des informations sur le coronavirus.
La cyber police iranienne a entre-temps annoncé avoir arrêté un certain nombre de personnes qui propageaient des « rumeurs » sur le coronavirus depuis le vendredi 21 février. Le général Hossein Rahimi, commandant de la cyber police de Téhéran, a annoncé les arrestations.
« Les fauteurs de troubles qui répandent des rumeurs sur le cyberespace doivent savoir que la police surveille leur comportement et agira fermement contre eux », a-t-il déclaré.
Plus tôt le 21 février, Gholamreza Jalali, commandant de l’Organisation iranienne de la défense civile, a accusé les médias étrangers de « créer la panique » en publiant des chiffres inexacts ou trompeurs sur les infections au coronavirus. Il a souligné que le coronavirus ne doit pas être transformé en une « crise politique ». Jalali est le même responsable qui, après les inondations qui ont ravagé de nombreuses régions de l’Iran début 2019, a fait d’étranges déclarations sur les conditions météorologiques extrêmes, accusant Israël de « vol de nuages ». Il a affirmé que les « comités mixtes de la Turquie et d’Israël » avaient volé l’humidité et la neige des nuages au-dessus de l’Iran.
Avec la République islamique et les gardiens de la révolution qui ont fait de l’épidémie de coronavirus un problème de sécurité, en traitant les chiffres de l’infection comme des secrets d’État, en arrêtant des personnes pour « propagande de rumeurs » et, maintenant, en menaçant les médecins dont le devoir est de dire la vérité sur les maladies infectieuses, il semble que les experts puissent avoir raison sur la probabilité d’une catastrophe humanitaire. Si la République islamique continue dans cette voie, nous devons nous attendre à un désastre bien plus grand que celui qui se produit en Chine – non seulement pour les Iraniens mais pour le monde entier.
Source : IranWire