AFP- Le grand bazar de Téhéran, qui joue un rôle pivot dans l'économie du pays, a durci dimanche son mouvement de grève, désormais générale, pour protester contre la décision du gouvernement d'imposer un nouvel impôt.
La grève a commencé il y a plus d'une semaine avec la fermeture partielle ou totale des bazars d'Ispahan, Tabriz et Machhad. Mercredi, les bijoutiers du bazar de Téhéran ont rejoint le mouvement, suivis par les marchands de tapis et de tissus.
Dimanche, la grève est devenue générale et les principales portes du grand bazar de la capitale, un marché couvert qui réunit de multiples échoppes aux côtés de grands commerçants générant une bonne partie du commerce du pays, ont été fermées, a constaté l'AFP.
C'est la première fois depuis la révolution islamique de 1979 que le bazar observe une grève générale.
Les commerçants protestent contre l'application d'une nouvelle taxe de 3% jugée inflationniste.
Le président Mahmoud Ahmadinejad a essayé de parer à la crise en annonçant jeudi un report de deux mois pour appliquer la TVA, mais sans succès.
"A cause de cette taxe, les prix vont augmenter de 10% à 15%. Nous voulons que le gouvernement annule cette loi", affirme un marchand devant son magasin au rideau tiré.
Les commerçants craignent que la TVA ne s'applique à chaque étape de la production et de la distribution et pas uniquement une seule fois.
"En fermant nos magasins, nous allons perdre de l'argent pendant quelques jours mais si nous ne réussissons pas, nous allons perdre de l'argent sur le long terme", dit un autre commerçant.
"J'espère que les marchands du bazar vont gagner et pas le gouvernement car les prix ont déjà augmenté à cause de la nouvelle taxe", dit un Téhéranais venu faire ses courses.
Le président de l'Assemblée des métiers d'affaires et de production de Téhéran, Mohammad Pour Mazraee, a jugé nécessaire "une suspension d'un an ou d'au moins six mois (…) pour préparer les gens", selon l'agence Ilna.
Certains médias officiels ont accusé dimanche des "voyous" d'avoir cassé les vitres d'une banque et forcé ainsi les commerçants à fermer leur magasin.
Mais le ministre du Commerce, Massoud Mirkazemi, a reconnu l'ampleur du mouvement, en affirmant que "les corporations veulent l'annulation de la loi".
Il a toutefois renvoyé la balle dans le camp du Parlement en affirmant que la loi ne pouvait être annulée par le gouvernement et qu'il revenait aux députés de le faire.
Certains analystes voient là le signe d'un mécontentement plus général, dans le contexte d'une inflation qui a atteint plus de 29% en zones urbaines à la fin septembre.
Pour les seuls produits alimentaires, la hausse est d'environ 50% sur un an.
"Les conséquences d'une inflation à 30% doivent apparaître d'une façon ou une autre. Cette grève est le signe du mécontentement de la classe moyenne en colère contre le président Ahmadinejad et sa politique économique", juge l'analyste Saïd Leylaz.
Pour un commerçant, "le commerce est déjà bien morose. Si les prix augmentent davantage, on va perdre encore des clients".
Le "mouvement va au-delà d'une revendication corporatiste", assure Mohammad Reza Behzadian, ancien président la Chambre de commerce et d'industrie de Téhéran. "Ce gouvernement a pris ses décisions sans jamais tenir compte de l'avis des experts économiques et des hommes d'affaires. C'est une réaction normale à cette attitude et à la politique économique du gouvernement plus généralement", ajoute-t-il.