Sud-Ouest, 22 juillet – L’avocat William Bourdon milite au Comité international de juristes lancé à Paris contre la répression à Téhéran. Entretien :
« Sud Ouest ». Quel est l’objet de ce Comité de juristes pour l’Iran ?
Me William Bourdon. Créer un réseau international pour tenter de briser la loi de l’impunité dont bénéficient les dirigeants iraniens, condamner les responsables et protéger les victimes et familles de victimes des exactions commises à Téhéran. Depuis les élections, on dénombre 300 manifestants tués, 10 000 arrêtés dont 5 000 sont encore en prison, torturés et mutilés. Au nom du droit international, de tels faits, surtout la torture, sont qualifiés de crimes contre l’humanité et engagent la responsabilité pénale des plus hautes autorités de l’Iran.
Quelle est la situation des droits de l’homme en Iran ?
L’Iran est au palmarès des pays les plus cruels. Il y a une situation qui perdure depuis des années, avec des exécutions sommaires de 30 000 moudjahidin dans les années 80, des tortures et une application généralisée de la peine de mort. Les événements récents ont aggravé cette situation.
Comment organiser ce Comité ?
Il regroupe une vingtaine d’avocats européens (Belgique, Suisse, Espagne, Angleterre, France) et doit s’étoffer rapidement. Nous allons mettre en place un échange d’informations et de données entre avocats du réseau pour identifier les victimes, les cas, évaluer les dispositions juridiques. Les procédures devraient être lancées cet été, les premiers cas annoncés en septembre. D’ici là, nous ferons une demande au Comité des droits de l’homme à Genève pour que des sanctions soient prises, et nous envisageons de saisir la Cour internationale de justice à La Haye.
Comment allez-vous défendre les victimes ?
Nous pouvons recevoir des mandats d’avocats iraniens à condition de rester vigilants pour leur sécurité car beaucoup sont incarcérés. Dans certains cas, la loi européenne permet de saisir le juge international à l’initiative d’associations et d’ONG de défense des droits de l’homme. Là, on n’a pas besoin de victimes directes. D’autres, au sein de la diaspora iranienne, peuvent porter plainte. Défendre les victimes, c’est leur permettre d’accéder à la justice et au droit, c’est le chemin pour identifier et poursuivre les responsables. L’organigramme de l’appareil de répression est bien connu : les acteurs de la mise en place et de l’aggravation des tortures sont identifiés. Ce qui nous donne une base factuelle et juridique nous permettant de progresser vite dans la rédaction de ces plaintes
Quelle sera la difficulté majeure ?
D’évaluer le risque de représailles de la part des services iraniens s’ils s’aperçoivent qu’une personne appartient à un groupe de plaignants dans un pays européen. Si le risque ne permet pas de porter plainte, on renoncera.
Quelle sera la marge de manœuvre dans un Iran qui se bunkérise ?
Le droit ne suffit pas, il ne faut pas exagérer sa force. Mais dès lors qu’il y a consensus public pour condamner un pays, que des procédures sont en place, cela peut contribuer à fragiliser une tyrannie. Son renversement dépend des rapports de forces politiques mais, même si c’est peu quantifiable et palpable, l’existence de ces procédures peut avoir un effet dissuasif.
Auteur : Propos recueillis par Pauline Garaude
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