CSDHI- Un tabou de plus s’est brisé depuis que la crise a éclaté en Iran : pour la première fois un ancien ministre avoue que des massacres aveugles de grandes ampleurs ont eu lieu dans les prisons iraniennes à la fin des années 88.
Attaollah Mohajerani, ministre de l’Orientation islamique et porte-parole du gouvernement Khatami, est revenue sur l’une des pages les plus sombres du régime clérical, lorsque sur un Fatwa de Khomeiny plus de 30 000 prisonniers politiques ont été exécutés en quelques semaines en Iran, dont la grande majorité étaient affiliés au mouvement de l’opposition organisée des Moudjahidines Peuple (OMPI).
Khomeiny voulait ainsi se venger des actes de résistance de ces plus farouches opposants au régime. Toute mention de cette épisode sanglante du régime islamique est une ligne rouge dont sa transgression provoque une réaction furieuse de la part des autorités dont certaines ont été directement ou indirectement impliquées dans ce « crime contre l’humanité ». Même les figure les plus en vue de la contestation depuis l'élctions présidentielles actuelles comme Moussavi n’osent l’évoquer. Pour ceux qui ont fait partie du sérail, ou ceux qui détiennent aujourd’hui les rênes du pouvoir, ce crime odieux doit à jamais rester occulté.
Dans une note paru sur son blog la semaine dernière, Mohajerani qui regrette de constater que le régime islamiste s’effrite sous le poids des dissensions internes, s’alarme de voir « le rêve devenu cauchemar. ». Il admet s’être tu comme la plupart des hommes politiques du régime sur cet terrible épisode et s’être rendu complice :
« Nombreux étaient ceux qui, ayant obtenu une haute position au sein du pouvoir, ont graduellement oublié les devises (initiales de la révolution), ou alors ils se sont tus. Les intérêts suprêmes du régime ont rongé les racines mêmes de ces devises, comme la peste, demandant plus encore. Les idéaux ont cédé la place aux intérêts et la défense des positions acquises l’a emportée sur les valeurs de la religion. Comme toute révolution, la vérité inhérente de la révolution s’est rendue à l’évidence des réalités. Le rêve est devenu cauchemar, » écrit-il.
« Comme notre silence face au massacre d’une jeunesse en 1988. Nous nous croyions en droit de conclure que le contexte de la guerre et de la menace extérieure justifiait un tel massacre de jeunes gens, rarement vu au cours de notre histoire contemporaine. Ce jour-là, une seule voix s’est élevée côté des ténors du pouvoir. Celle de l’ayatollah Montazeri qui a vivement dénoncé ce massacre et l’a payée par son éviction du pouvoir politique… Pour notre génération, comme celles à venir, l’ayatollah Montazeri reste un symbole qui dit haut et fort que l’on peut se dresser contre l’injustice en défense de la vérité et du droit, » conclu-t-il.
L’ayatollah Montazéri, aujourd’hui assigné à résidence, a été le dauphin de Khomeiny jusqu’en 1988, losrsqu’il a vivement condamné dans une lettre écrite à Khomeiny, le fait qu’on est « exécuté des milliers de gens en de quelques jours » parmi lesquels de jeunes filles et garçon arrêtés pour avoir eu procession de littératures appartenant à l’Ompi. En décembre 2000, l’Ayatollah Montazeri publiait ses mémoires. Le livre de Montazeri révèlait pour la première fois le texte de la fatwa par laquelle Khomeini a ordonné le massacre de tous les prisonniers politiques. « Ceux qui, à quelque niveau que ce soit, continuent à appartenir aux Monaféquines [Moudjahidine du peuple] doivent être exécutés. Exterminez les ennemis de l’Islam immédiatement, » a-t-il décrété.
Le Monde écrivait en mars 1989 : « L’imam Khomeini a convoqué le procureur de la révolution pour lui donner l’ordre de faire exécuter tous les Moudjahidin, qu’ils soient en prison ou ailleurs, ‘pour être entrés en guerre contre Dieu’. (…) Parmi de très jeunes Moudjahidin exécutés, se trouvait certains de ceux qui étaient emprisonnés depuis 8 ans, alors qu’ils n’étaient âgés que de 12 à 14 ans, pour avoir pris part aux manifestations publiques »
L’an dernier, à l’occasion du 20ème anniversaire du « massacre des prisons », Amnesty International a publié un rapport dans lequel elle a demandé que « les responsables du ‘massacre des prisons’ soient tenus de rendre des comptes, il ne devrait pas y avoir d'impunité pour des violations des droits humains aussi manifestes, quelle que soit la période à laquelle elles ont été commises. » « Les responsables de ces homicides – qui constituent une des pires violations des droits humains commises en Iran – doivent être poursuivis en justice et jugés par un tribunal légalement constitué offrant toutes les garanties d'une procédure régulière, conformément à ce que prévoient les normes internationales d'équité des procès, a-t-elle conclu .