CSDHI – Un courrier abondant, une foison de témoignages, permettent d’élaborer une mosaïque de scènes des manifestations du 4 novembre en Iran.
Tabriz : la population a voulu s’emparer du bâtiment de la radiotélévision, mais a dû reculer devant la fumée épaisse des gaz lacrymogène. Une poignée de miliciens est tombée, comme un fruit mûr, aux mains des manifestants qui les ont régalés d’une volée de bois vert. « Cette fois on vous pardonne, leur ont-ils dit en les laissant sur le carreau. Mais rappelez-vous que la prochaine fois, on ne vous laissera pas vivants. »
Téhéran
– Les gens n’ont plus peur. Ils ne veulent plus rentrer chez eux. Sur la place Fatemi, une jeune fille bat la mesure. Elle lance des slogans que la foule reprend en chœur, d’une seule voix, si fort qu’on peut lire le trouble et parfois la peur sur les agents qui nous entourent. Certains faiblissent, n’arrivent pas à soutenir le regard des manifestants très déterminés.
– Il est 18h30. Je rentre de la manif. On était un groupe de 6 à 7 jeunes. Sur le chemin, on a vu un milicien en train de battre une fille. On est allé à trois pour la défendre. On l’a tellement frappé, le type, qu’il n’arrivait plus à marcher. La fille nous a dit merci et elle est partie. Ce soir on va retourner dans la rue, les agents seront fatigués mais pas nous. Alors on va y retourner.
– Une femme rentre de la manifestation. A première vue elle a été durement molestée. Les forces de sécurité étaient plutôt passives aujourd’hui, me dit-elle. Sur la place 7-Tir, elles n’ont rien fait, pas réagi. Par contre les unités spéciales sont vraiment des sauvages. Ils avaient amenés des agents en civil avec des bâtons. Ils frappaient à tour de bras. Ils m’ont pris mon téléphone.
– Ils avaient vraiment amené toutes les troupes qu’ils pouvaient. Ça grouillait de partout. Je n’ai jamais vu autant de gardes. Mais Les gens n’ont plus peur. Moi je suis rentré. On a tous reçu des coups. Ils ont tiré tellement de gaz lacrymogène que des gens sont tombés à terre, ils étouffaient. Cependant on n’avait pas peur. Cette fois aussi, on a gagné.
– Je suis allé à 10h00 sur la place des Reza’i, la place 7-Tir. Elle était noire d’agents et de miliciens. Tellement pleine qu’il n’y avait pas un endroit pour se rassembler. Et puis tout à coup, c’est parti. Les gens se sont rassemblés en un éclair et ont lancé des slogans. Les pasdarans et les gardes spéciaux ont chargé comme des fous. Ils ont tiré du gaz au poivre puis des chocs électriques. Ils se sont défoulés sur les femmes. Moi, tout à coup j’ai reçu un choc dans le dos et je me suis effondré. Ils s’y sont mis à trois sur moi, à coups de matraque. Mais j’ai réussi à m’en sortir. Je suis couvert de bleus, j’ai mal partout. Je me suis échappé. C’était différent des autres fois, c’était vraiment des sauvages. Alors tout à coup j’ai crié : « n’ayez pas peur, n’ayez pas peur, nous sommes tous ensemble ! » et tout le monde à repris ce slogan. Et les pasdarans ont lancé un deuxième assaut. Mais on n’avait plus peur.
A Téhéran, dans le quartier de Pounak, pendant une cérémonie officielle dans une école, tout à coup les élèves se sont mis à crier « mort au dictateur » au lieu des slogans officiels. En moins de deux les pasdarans ont fermé les portes de l’établissement à clé, avec tous les enfants dedans. Alors les gens dehors et le voisinage sont venus à leur rescousse. Ils ont réussi à ouvrir les portes et à évacuer tous les enfants.
– Les slogans aujourd’hui c’était surtout « mort à Khamenei », « gouvernement de coup d’Etat, démission, démission », « ambassade de Russie, nid d’espion », « ni est, ni ouest, une république iranienne », « Ahmadi dictateur, où sont tes 63% ? ».
– A la différence de la Journée de Qods, (18 septembre), il y avait beaucoup plus de monde, les gens n’ont pas peur. Partout c’était noir de monde et cette fois c’est le régime qui avait peur.
– Dès 6h30, les unités spéciales, les miliciens, les pasdaran et les agents du renseignement ont débarqué pour prendre position par troupeaux entiers. Je les voyais de ma fenêtre. Les voltigeurs à motos avançaient en essaims de grosses mouches et les miliciens grouillaient partout comme de la vermine. Ils avaient fait venir un maximum de forces. Il y avait même des miliciens de 13-14ans.
A l’intérieur de l’université, les étudiants ont lancé courageusement des slogans contre le régime, en avançant jusqu’à la porte d’entrée. Derrière les grilles, face aux forces de sécurité, ils lançaient un tas de slogans contre Khamenei et Ahmadinejad. Un des slogans c’était : « Obama, Obama ou avec les mollahs ou avec nous » (Obama Obama, ya ba mollah, ya ba ma) et « Obama, Obama ou avec eux ou avec nous » (Obama Obama, ya ba anha, ya ba ma).
Dans la rue Boukhara, les étudiants de la fac Allameh ont rejoint les manifestants pour crier avec eux « Mort à Khamenei », « mort au dictateur ». Tous les magasins étaient fermés. Il y avait tellement d’affrontements que ça ressemblait à un terrain de bataille.
Source: iranmanif.org