CSDHI – Voici la seconde partie de l’interview accordée par la chanteuse iranienne en exil Gissoo Shakeri qui explique comme les mollahs, qui censure si férocement l’art en Iran, s’en servent pour cultiver le désespoir dans le cœur des jeunes iraniens. (Voir la premire partie)
– Gissoo Shakeri, comment les mollahs instrumentalisent l’art ?
L’art est un problème complexe. Il est très manipulé par le pouvoir intégriste en Iran qui possède plusieurs chaines de télévision et plusieurs sites internet qu’il finance. Ces télés diffusent uniquement des chansons que je qualifierai de « neutres » qui ne parlent que d’amour et de problèmes personnels, des chansons de désespoir. Des paroles qui n’allument aucune espérance dans le cœur de la jeunesse. Les chanteurs et les chanteuses sont modernes, parfois même sans foulard. Ils produisent ça à l’étranger et par les diffusent par satellite en Iran. Pourquoi financent-t-ils une chaine où filles, sans foulard, et garçons chantent des chansons entrainantes où ils dansent, alors qu’à l’intérieur de l’Iran, c’est une tout autre politique ?
Ils envoient ces tubes en Iran pour prendre d’assaut l’esprit des ados qui ont soif de musique, de nouveautés. Ils leur donnent l’habitude d’écouter des chansons qui neutralisent la pensée politique et qui cultivent le désespoir. Ce régime qui nous bloque, qui bloque les artistes opposants, diffuse ce genre de chansons par le biais de médias étrangers qui le soutiennent comme la BBC en persan, Voice of America, RFI, toutes les radios gouvernementales occidentales qui suivent la politique de la complaisance avec les mollahs. Par contre ces médias nous boycottent. Ainsi donc la jeunesse en Iran n’entend que des chansons neutralisantes venant de l’étranger et celles produites dans le pays sont très, très encadrées.
Le pouvoir envoie ses propres artistes à l’étranger pour donner des concerts, sans foulard pour les femmes, pour faire croire à une liberté de ton en Iran. Les mollahs ont même créé des « artistes d’opposition », pour faire avaler des couleuvres à l’étranger. Mais s’il y a de la liberté, pourquoi ne peut-on pas diffuser nos chansons là-bas ?
Pourtant les artistes de la résistance iranienne font preuve d’une grande richesse parce qu’ils sont en quête de changement et ont pour vocation d’ouvrir la voie. On peut le voir avec les artistes du camp Liberty qui même sous les bombardements, au milieu des ruines, dans le plus grand dénuement et des efforts exténuants, ne cessent pas leurs créations. Ils ont fait de ce camp prison un terrain de lutte d’où ils font entendre leur art à travers leurs chansons, leur musique.
Pour que ces œuvres ne puissent atteindre l’Iran, le régime a créé une chaine de télévision avec un nom étranger et y diffuse ses propres chansons et ses propres musiques qui sèment le désespoir et la passivité dans le cœur des jeunes.
C’est pour cela que notre tâche en tant qu’artistes engagés est si complexe. Il faut nous battre contre le régime, contre une politique de complaisance avec les mollahs à l’étranger qui nous bloque et qui bloque tous les moyens d’expressions et de diffusion. Mais nous avons la volonté de réaliser un changement.
L’énergie que ce régime déploie pour nous bloquer, nous donne aussi une idée de notre importance. Plus d’une fois le ministère du renseignement en Iran a bloqué mon site et mon blog, plus d’une fois il a lâché ses hackers. Donc la censure continue jusqu’à l’étranger.
– Rohani va venir en France et d’aucuns pensent encore qu’il est modéré et qu’il est soutenu par les artistes en Iran. Qu’en pensez-vous ?
Pour moi Rohani est un homme du système de sécurité. Il est dans ce régime intégriste depuis le début et a contribué à la formation de cette dictature religieuse. Il a trempé dans toute la répression qui sévit depuis 37 ans. Moi je ne comprends pas ce qu’ils entendent par « modéré ». Parce que le nombre d’exécutions a augmenté, la répression a augmenté, c’est cela être « modéré » ? Comme si le sens des mots avait changé. De quelle réforme parle-t-on ? Est-ce qu’on peut réformer une pomme pourrie ? Même si vous la vernissez ou lui mettez de la couleur, au bout de trois jours, cette pomme va couler, se ratatiner et la pourriture va reprendre le dessus.
Si vous voulez régler son problème, il faut l’écarter parce qu’elle pourrit les autres et même déraciner l’arbre qui l’a produite pourrie. Il vaut mieux replanter un arbre sain, sans maladie, sans vers, sans parasites. Le régime des mollahs c’est cet arbre qui donne des fruits pourris. Rohani et les autres font parties des « plus », c’est-à-dire des plus pires à cause de tous les crimes qu’ils ont commis et qu’ils commettent. Mais enfin, Rohani ce sont des exécutions quotidiennes ! J’ai vu la photo d’une exécution publique il y a quelques jours. Mais nous sommes au 21e siècle ! C’est quoi cet étalage de barbarie ? Cette abondance de cruauté ? Comment l’Occident peut-il fermer les yeux ?
Un sourire hideux
Rohani arbore le sourire type des mollahs qui tuent et ensuite sourient. Ce Rohani-là lance des festivals à l’étranger. Il caricature tous les symboles de la démocratie, mais dans le pays, nous savons ce qui se passe. La population écrasée de misère en Iran sait bien ce qui s’y passe.
Moi je dis un grand « NON » à tout le système du régime des mollahs et je dis un grand « NON » à la présence de Rohani. Par contre je dis un grand « OUI » à sa présence devant un tribunal populaire et un tribunal international pour répondre de ses crimes. Je dis un grand « NON » à sa venue en Occident et dans la communauté internationale.
– Vous avez un message pour la manifestation du 28 janvier à Paris ?
C’est le message que nous répétons depuis 37 ans : Non aux exécutions, non à Rohani, oui au renversement du régime des mollahs, oui à la présence de la Résistance en Iran, et c’est avec fierté que je dis oui à la présence pleine d’amour et de force de la résistance éprise de liberté.