CSDHI – Par Amnesty International, le 17 Mars 2016. Amnesty International et 33 autres groupes des droits de l’homme et de la société civile ont écrit une lettre commune aux Etats membres du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, leur demandant de soutenir la résolution concernant le renouvellement du mandat du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme de la République islamique d’Iran lors de la 31e session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.
Le 16 mars 2016
Pour : Les États membres du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies
Votre Excellence,
Nous, les groupes des droits de l’homme et de la société civile nous vous écrivons pour vous faire appel à votre gouvernement afin de soutenir la résolution concernant le renouvellement du mandat du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran lors de la 31e session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.
L’accord nucléaire récent conclu entre l’Iran et les P5 + 1 offre à la communauté internationale l’occasion d’attirer l’attention sur la situation chronique désastreuse des droits de l’homme en Iran. Malgré les recommandations répétées des organes conventionnels des Nations Unies, du Secrétaire Général de l’ONU et du Rapporteur spécial de l’ONU sur l’Iran, aucun progrès significatif sur les droits de l’homme ne s’est matérialisé en Iran. Ceux qui vivent dans le pays continuent de souffrir de violations graves et systématiques de leurs droits civils et politiques, tandis que les droits économiques, sociaux et culturels de plusieurs groupes restent sévèrement restreints.
Peine de mort
Le pays a connu une escalade inquiétante dans son utilisation de la peine de mort, le Rapporteur spécial a diffusé des rapports faisant état de 960 à 1050 personnes qui ont été exécutées en 2015. Des dizaines de personnes ont été exécutées en public. Comme les années précédentes, la majorité des personnes exécutées ont été reconnues coupables d’infractions liées à la drogue dans des procès manifestement inéquitables. L’utilisation de la peine de mort pour des infractions liées à la drogue est en violation du droit international, qui normalement limite l’utilisation de la peine de mort aux « crimes graves », interprétés par des organismes internationaux des droits de l’homme comme étant limitée à des crimes impliquant le meurtre intentionnel. Après des années d’attention internationale, en particulier de la part du Rapporteur spécial, plusieurs membres du Parlement ont proposé un projet de loi en décembre 2015 pour remplacer la peine de mort à la réclusion à perpétuité pour des délits liés à la drogue qui ne concernent pas des activités armées. Le projet de loi, cependant, est resté à l’état de projet, et il n’est pas prévu qu’il soit examiné par le Parlement. L’attention continue du Rapporteur spécial sera nécessaire pour assurer l’abolition de la peine de mort pour des infractions liées à la drogue, à la fois en droit et en pratique.
Les autorités iraniennes continuent d’imposer la peine de mort pour les crimes qui sont, soit rédigés dans des termes vagues et trop larges, tels que « inimitié contre Dieu » et « propagation de la corruption sur la terre », ou ne constituent pas des infractions pénales reconnues par le droit international comme «insulte du Prophète »et« l’adultère ». Mohammad Ali Taheri, le chef spirituel du groupe Erfan-e Halgheh, par exemple, qui a été maintenu en isolement dans la prison d’Evine pendant près de cinq ans, et il risque d’être condamné à mort pour « propagation de la corruption sur la terre ». La loi iranienne conserve également la peine de mort pour les relations homosexuelles entre adultes consentants. Le pays a également continué à ignorer effrontément ses obligations en vertu du droit international et l’interdiction absolue en vertu du droit international coutumier d’utiliser la peine de mort contre des mineurs délinquants (personnes de moins de 18 ans au moment du crime).
L’exécution d’au moins quatre mineurs délinquants a été signalée en 2015 : Javad Saberi, Samad Zahabi, Fatemeh Salbehi et Vazir Amroddin. Amnesty International a également enregistré au moins sept cas de mineurs délinquants qui ont obtenu un nouveau procès à la suite des réformes de 2013 du Code pénal islamique du pays, mais ont été à nouveau condamnés à mort après que les tribunaux aient conclu qu’ils avaient une « maturité mentale » au moment du crime.
Liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique
Les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, ainsi que la liberté de la presse, restent fortement réduites en Iran, avec des centaines de militants, de journalistes, de blogueurs, de défenseurs des droits de l’homme, de défenseurs des droits des femmes, de syndicalistes, d’avocats, de militants étudiants , d’artistes et de membres des minorités ethniques et religieuses arbitrairement détenus et condamnés à des peines de prison de plus en plus sévères, souvent pour des charges montées de toutes pièce, prétendument liées à la sécurité nationale.
Selon le rapport d’octobre 2015 du Rapporteur spécial de l’ONU sur l’Iran, «le pouvoir judiciaire continue d’imposer des peines de prison lourdes sur les personnes qui exercent pacifiquement leurs droits ». De même, dans son rapport de février 2015, le Secrétaire général de l’ONU a exprimé sa préoccupation à l’égard de l’espace réduit d’expression pour les défenseurs des droits de l’homme, qui continuent à être victimes de harcèlements, d’intimidations, d’arrestations et d’accusation pour leur travail de défense des droits et parce qu’ils contestent haut et fort les violations et les abus. Parmi ces personnes, nommons Narges Mohammadi, défenderesse des droits de l’homme et l’avocat des droits humains, Abdolfattah Soltani, qui purgent respectivement des peines d’emprisonnement de six ans et 13 ans ; les deux ont été reconnus coupables, accusés de « rassemblement et collusion pour commettre des crimes contre la sécurité nationale » et de « propagande contre le système », dans le cadre de leur militantisme pacifique des droits humains. Les autorités continuent également à bloquer indifféremment l’accès à Facebook, Twitter et d’autres plates-formes de médias sociaux, ferment ou suspendent des médias, et des stations de télévision étrangères par satellite.
Les autorités iraniennes continuent d’empêcher la formation de syndicats indépendants et à plusieurs reprises, ont arrêté des dirigeants syndicaux en violation du droit à la liberté d’association. En février 2016, un tribunal révolutionnaire de Téhéran a condamné Esmail Abdi, secrétaire général de l’association des enseignants iraniens, à six ans de prison pour « propagande contre l’Etat » et « rassemblement et collusion contre la sécurité nationale ».
Torture et procès équitables
La procédure judiciaire en Iran, y compris celle résultant d’une condamnation à mort, continue de chuter lamentablement en deçà des normes internationales d’équité des procès. Avant le procès, les individus sont souvent détenus pendant des semaines ou des mois au cours desquels ils ont peu ou pas accès à des avocats ou à leurs familles. Un nouveau Code de procédure pénale, qui est entré en vigueur en juin 2015, donne droit à l’accusé de demander un avocat dès le moment de l’arrestation et oblige les autorités à informer l’accusé de ce droit. Toutefois, des modifications régressives au code de juin 2015 ont supprimé la disposition qui a rendu vide les enquêtes dans le cas du non-respect du droit d’accès à un avocat. En outre, en vertu de ces modifications, les personnes accusées d’atteinte à la sécurité nationale ne sont pas autorisées à accéder à un avocat indépendant au moment de l’enquête ; au lieu de cela, ils ne peuvent que choisir parmi une association d’avocats pré-approuvés par le chef du pouvoir judiciaire.
Les détenus sont souvent soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements, qui comprennent les coups, l’isolement cellulaire prolongé, les menaces contre les membres de la famille, et le refus d’un traitement médical. Les juges utilisent régulièrement des aveux obtenus sous la torture et autres mauvais traitements comme éléments de preuve et rejettent les allégations de torture et autres mauvais traitements des individus sans ordonner d’enquêtes.
La violence et la discrimination à l’égard des femmes et des filles
Les préoccupations exprimées précédemment par les organisations de défense des droits humains sur la discrimination systématique et la violence contre les femmes et les filles persistent également. Les femmes mariées ne jouissent pas de droits égaux en matière de divorce, de garde des enfants et d’héritage, et doivent légalement avoir la permission de leur mari pour étudier, occuper un emploi ou voyager hors du pays. L’Iran n’a pas de loi sur la violence anti-domestique. En rendant obligatoire le hijab, les lois continuent de permettre aux forces de sécurité de cibler les femmes pour les harceler, les violenter et les poursuivre. Les femmes sont empêchées d’assister à des événements sportifs majeurs et d’assumer certains postes publics, tels que les juges. Depuis 2015, le Parlement iranien a débattu de plusieurs projets de loi qui pourrait encore éroder les droits des femmes si ils sont adoptés, y compris un projet de loi pour augmenter les taux de fécondité pour prévenir le déclin de la population, qui bloquerait l’accès à l’information sur la contraception et proscrirait les vasectomies et et tubectomies.
La loi de l’exaltation de la famille et de la population globale, exigerait que tous les employeurs privés et publics fassent des distinctions basées sur le sexe, l’état matrimonial et le statut parental dans le recrutement, en donnant la priorité aux hommes mariés avec des enfants.
Les femmes et les filles restent aussi mal protégées par la loi et demeurent des sujets susceptibles de de violence sexuelle et d’autres, y compris la violence domestique, le viol conjugal et le mariage précoce et forcé. L’âge légal du mariage pour les filles est de 13 ans, mais les filles de moins de cet âge peuvent être mariées à une personne choisie par leur père ou leur grand-père paternel avec la permission du tribunal. Selon le rapport statistique annuel de l’Organisation nationale de l’état civil, au moins 40 404 filles entre 10 et 14 ans ont été mariées entre mars 2014 et 2015.
Discrimination envers les minorités
Les communautés ethniques, religieuses et linguistiques minoritaires de l’Iran sont victimes de discriminations et de persécutions. Les groupes ethniques défavorisés et marginalisés, y compris les Arabes ahwazis, les Turcs azéris, les Balouches, les Kurdes et les Turkmènes, continuent de subir des discriminations, notamment lors de l’accès à l’éducation, à l’emploi, à la politique, et à la jouissance de leurs droits culturels et linguistiques. Des programmes de langue et de littérature kurde ont été récemment introduits dans le programme de certaines écoles secondaires et les universités de la province du Kurdistan en Iran. Les minorités ethniques, cependant, restent incapables d’utiliser leur propre langue comme moyen d’enseignement pour l’enseignement primaire. Ceux qui appellent à davantage de droits culturels et linguistiques sont souvent arrêtés, emprisonnés et dans certains cas condamnés à mort. Les membres des minorités religieuses, y compris les Baha’is, les Soufis, les yaresans, les chrétiens convertis à l’islam, les musulmans sunnites et les chiites convertis en sunnites, continuent à subir la discrimination dans le domaine de l’emploi, de l’éducation et de la liberté de pratiquer leur foi. Les Bahaïs restaient privés de l’accès aux établissements d’enseignement supérieur. Des dizaines de Bahaïs et de chrétiens convertis et les membres d’autres minorités religieuses ont également été arrêtés et emprisonnés en 2015.
Raisons pour le renouvellement
Puisque les violations des droits de l’homme continuent d’avoir lieu en Iran et augmentent en Iran, il est essentiel que le Conseil des droits de l’homme continue de prêter une attention soutenue sur la situation des droits de l’homme en Iran et demande instamment à l’Iran de faire les changements nécessaires pour sortir de leur système archaïque et mette en œuvre des réformes. Des rapports complets du Rapporteur spécial ont fourni une évaluation impartiale de la nature, de la gravité et de l’ampleur des violations des droits de l’homme en Iran. Il a également contraint les autorités à répondre aux doléances de ceux qui ont fait les frais de violations des droits de l’homme.
Le renouvellement du mandat du Rapporteur spécial enverra un signal fort aux autorités iraniennes tandis que les violations de ces droits de l’homme restent un sujet de préoccupation prononcée, à l’échelle mondiale et pour le Conseil, jusqu’à ce que, des améliorations tangibles significatives soient faites.
Compte tenu de l’absence de responsabilité de l’Iran envers les violations des droits de l’homme, le mandat du Rapporteur spécial fournit un moyen efficace et constructif au Conseil pour protéger et promouvoir et montrer des victimes humaines des violations des droits de l’homme et les défenseurs des droits de l’homme, y compris ceux qui ont a dû fuir le pays, pour que la communauté internationale se préoccupe de leurs droits.
Nous exhortons votre gouvernement à soutenir fermement le renouvellement du mandat.
Cordialement,
Roya Boroumand, directeur exécutif de la Fondation Abdorrahman Boroumand
Robin Phillips, directeur exécutif des défenseurs des droits de l’homme
Hassan Nayeb Hashem, Représentant au Conseil des droits de l’homme à Genève : droits de l’homme pour tous en Iran
Saïd Boumedouha, directeur adjoint du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord au sein du Programme d’Amnesty International
Kamran ashtary, directeur exécutif Arseh Sevom
Thomas Hughes, directeur exécutif de Shahin Helali Khyavi, Directeur Association pour les droits de l’homme du peuple azerbaïdjanais en Iran
Taimoor Aliassi, Association des Représentants des Nations Unies pour Les Droits Humains au Kurdistan
Diane Ala’i, Représentante auprès de la Communauté internationale bahaïe des Nations Unies
Mansoor Bibak, Co-Directeur du groupe des droits de l’homme au Baloutchistan
Dr. Shirin Ebadi, fondateur et président du centre pour les partisans de droits de l’homme
Renate Bloem, principal représentant de l’Organisation des Nations Unies à Genève CIVICUS
Sherif Mansour, Comité Coordinateur du Programme de protection des journalistes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord
Jessica Morris, Directeur exécutif de Conectas Direitos Humanos
Hassan Shire, Raphaël Chenuil-Hazan, directeur exécutif Ensemble Contre La Peine de Mort (ECPM)
Ibrahim Al Arabi, directeur exécutif Organisation européenne des droits des ahwazies
Susan Munroe, directeur général de la liberté de la torture
Keyvan Rafiee, Militants Directeur exécutif des droits humains en Iran
Sarah Leah Whitson, directrice de l’observatoire des droits de l’homme pour le Moyen-Orient et l’ Afrique du Nord
Mani Mostofi, Directeur impact Iran
Hadi Ghaemi, directeur de la campagne exécutive internationale pour les droits de l’homme en Iran
Phil Lynch, Directeur du Service international pour les droits de l’homme
Mahmood Amiry-Moghaddam, Directeur exécutif Iran Human Rights
Rod Sanjabi, directeur exécutif du centre de documentation de l’Iran Human Rights
Saghi Ghahraman, le président iranien de l’Organisation Queer (IRQO)
Rebin Rahmani, directeur de la Direction du Réseau européen des droits de Kurdistan
Jessica Stern, directeur général « OutRight Action International »
Maya Foa, Directeur du « Team Death Penalty Reprieve
Mehrangiz Kar, Président Fondation Siamak Pourzand »
Mahmood Enayat, Directeur Petit médias
Firuzeh Mahmoudi
Mohammad Mostafaei, Directeur Tolérance Universal
Elizabeth A. Zitrin, Président de la Coalition mondiale contre la peine de mort