CSDHI – Deux des meilleurs musiciens iraniens ont été empêchés de se produire dans la ville de Nichapour et ailleurs dans la province de Khorassan Razavi (nord-est de l’Iran) par l’appareil judicaire local.
Le maître de musique classique persane Shahram Nazeri, qui a obtenu une autorisation du ministère de la Culture et de l’Orientation, devait se produire lors d’un événement célébrant la Journée nationale de Ferdoussi (célébre poète classsique iranien) à Nichapour le 21 mai 2016, mais son concert a été soudain annulé sans explication.
D’autres concerts de la tournée « Nagofteh-ha » de Nazeri prévus dans toute la province, y compris la ville de Chandiz, ont également été annulés.
« Les portes de Nichapour sont désormais fermés aux concerts », a déclaré Nazeri le 15 mai 2016, au journal « Iran ». « Tout était prêt pour notre concert, mais ils nous ont interdit de nous produire ».
Les concerts de Kayvan Kalhor, un joueur kamancheh (instrument à cordes traditionnel) de renommée internationale avaient été planifiés à Nichapour le 10 et 11 mai, mais ont également été annulés par le procureur qui a avancé pour prétexte « des plaintes de familles des martyrs ».
« Nous avions tous obtenu les autorisations nécessaires auprès du bureau du gouverneur de la province et du ministère de la Culture et de l’orientation », a déclaré le manager du concert anonyme de Kalhor à l’agence de presse ISNA le 10 mai. Kalhor, dont les concerts précédents avait également été interdits ou perturbés par les ultra religieux, a averti l’an dernier qu’il ne se reproduirait plus en Iran.
« Ces concerts ne seront pas reprogrammés », a-t-il déclaré au site Moosighiye Ma en juin 2015. « Tant que la culture et les arts de l’Iran sont les otages de demande de rançon et des luttes de pouvoir des factions politiques, et qu’aucune directive claire n’est définie et respectée pour ces activités, je vais éviter de faire quoi que ce soit en Iran ».
Kalhor a changé d’avis en 2016 et prévu une tournée à l’échelle nationale avec son groupe, mais l’annulation forcée de sa performance à Neyshabour a fait tomber le reste de ses dates de tournée dans le doute.
La Maison de la musique de l’Iran, une association indépendante de musiciens, a écrit une lettre au chef du pouvoir judiciaire Sadegh Larijani, pour protester contre la perturbation continue des représentations musicales.
« Ce sont des jours difficiles pour la communauté des musiciens en Iran », a déclaré le groupe dans sa lettre du 12 mai 2016. « Le sabotage et les agressions des programmes culturels légaux et des concerts… en particulier par la présence de la police et des forces de sécurité … ont rendu la vie difficile à ce domaine artistique précieux ».
« La multiplication des batailles politiques et des scandales dans l’arène vierge de l’art n’a apporté que de mauvaises nouvelles quotidiennement sur les annulations d’un concert ou d’une autorisation de jouer, ainsi que des agressions et des insultes visant les musiciens sur scène, en particulier des femmes honorables », poursuit la lettre.
Se référant à l’annulation du concert de Kayhan Kalhor à Nichapour par le procureur local, la Maison de la Musique a dit : « Il est surprenant et déprimant qu’un haut responsable judiciaire, de son propre chef et sans aucune justification légale, déclare la guerre à la loi et annule les permis officiels délivrés par des autorités compétentes. Et quad il se retrouve confronté à de vives protestations publiques, il justifie son action en se cachant derrière les familles des martyrs ».
La lettre a également condamné l’interdiction faite aux musiciennes d’apparaitre sur scène, comme celle de la formation de Shahram Nazeri.
« Nous avons constaté ce comportement honteux envs les musiciennes lorsque nous avons assisté à l’humiliation de la pianiste Harir Shariatzadeh, la femme du chanteur] Salar Aghili, lors d’une représentation ».
Aucun soulagement avec l’élection de Rouhani
Depuis 2013, lorsque le président Hassan Rohani est arrivé à la présidence et a promis une société plus ouverte, de nombreux musiciens autorisés par l’État, y compris les artistes populaires Alireza Ghorbani et Sirvan Khosravi, ont vu leurs concerts annulés au dernier moment.
Les ultras religieux ont justifié leurs attaques en citant des déclarations vagues et des décrets émis par de hauts responsables religieux. Le Guide suprême de l’Iran, Ali Khamenei, a lui-même souvent mis en garde sur les dangers présumés de la musique, en disant qu’elle « éloignait le peuple de la voie de Dieu ».
Le grand ayatollah Hossein Nouri Hamedani et le grand ayatollah Nasser Makarem Shirazi ont également conseillé au ministère de la Culture et de l’orientation de ne pas hésiter à interdire les chanteuses solo en Iran.
Les annulations de concerts mettant en vedette des chanteuses et des musiciennes ont été particulièrement fréquentes depuis l’élection de Rohani.
Source : Campagne Internationale pour les droits de l’homme en Iran