CSDHI – Dans ses souvenirs bouleversants de prison en Iran où elle a passé cinq longues années (2009-2014), la militante étudiante Shabnam Madadzadeh désormais réfugiée à l’étranger, esquisse des portraits à vif de jeunes femmes broyées par la violence des mollahs tant dans la société iranienne que dans le système carcéral qui ne leur laissent aucune chance.
Page numéro 2 : Fatemeh
« A la prison de Radjaï-Chahr, en banlieue de Téhéran, j’ai connu une jeune femme contre qui le destin s’était acharné, mais dont le sort était pourtant celui de beaucoup d’autres.
Arrêtée à l’âge de 19 ans pour transport de drogue, cela faisait dix ans que Fatemeh s’étiolait derrière les barreaux. Or elle n’avait joué aucun rôle dans ce qu’on lui reprochait. Elle avait simplement eu le tort de se trouver dans la voiture de son mari où la police avait trouvé de la drogue lors d’un contrôle, un e ces multiples contrôles qui ponctue la vie quotidienne des Iraniens. Alors comme la police n’avait pas pu mettre la main sur celui qu’elle recherchait, elle l’avait prise comme otage.
Les agents lui avaient fait subir une panoplie de pressions et de tortures psychologiques pour la briser et lui ôter la moindre goutte d’espoir. En entrant en prison, elle avait perdu tout ce qu’elle possédait de plus cher. Son mari, qui l’avait épousée à 17 ans, l’avait quittée après son arrestation en emmenant leur bébé de quelques mois. Elle était depuis sans nouvelle de sa fille, un tourment permanent qui s’ajoutait à tous les autres.
Les mollahs punissant les délits de drogue par la pendaison, elle avait d’abord été condamnée à mort et avait même subi un simulacre d’exécution. Ils l’avaient conduite jusqu’à la potence et lui avait fait sentir la morsure de la corde autour du cou. Elle s’était évanouie de peur. Quand elle avait rouvert les yeux, elle était au dispensaire de la prison. Elle était vivante, c’était là une torture de plus. »
Fatemeh, heureuse de pouvoir confier sa peine, avait vite sympathisé avec Shabnam. Mais elle a été ensuite transférée dans une autre prison du pays sans laisser de trace. En fuyant l’Iran, Shabnam s’est promis d’être la voix de toutes ses compagnes de cellules en racontant leurs calvaires.
(Photo : Shabnam Madadzadeh accueillie par les siens à sa sortie de prison)