Par Pierre CELERIER
Agence France Presse – Le rationnement d'essence en Iran, entré en vigueur mercredi, a donné lieu à des actes de violence aux pompes à essence, devant lesquelles se sont étirées d'interminables files de voitures.
Douze stations-service ont été incendiées dans la seule capitale, selon les services des pompiers de Téhéran, alors que la radio d'Etat a fait état de "plusieurs stations endommagées par des éléments agitateurs" après l'annonce du rationnement mardi soir.
"80 personnes ont été arrêtées. Elles sont accusées de destructions de biens publics", a déclaré Ali Namazi, un responsable judiciaire, cité par l'agence Fars. "Ces fauteurs de troubles ont été emprisonnés".
La situation est restée tendue dans plusieurs stations-service de la capitale, avec des automobilistes en colère se heurtant parfois à la police.
Avant l'aube, des manifestants ayant mis le feu à une station d'essence dans un quartier populaire du nord-ouest de Téhéran ont ensuite lancé des pierres contre les forces de l'ordre et scandé des slogans particulièrement durs contre le président Mahmoud Ahmadinejad.
"Canon, char, feu de joie, Ahmadinejad doit être tué", ont-ils même crié dans le quartier de Pounak, selon des témoins.
Le président a été élu en 2005 sur la promesse entre autres de mettre "l'argent du pétrole sur la table des gens".
Mais les finances de l'Etat, quatrième producteur de pétrole mondial, sont plombées par le déficit de production d'essence, dont l'Iran importe environ 40% de ses besoins.
Le plan de rationnement a été annoncé par surprise, quelques heures seulement avant son entrée en vigueur mardi à minuit. Prévu pour durer initialement quatre mois, il accorde un quota de 100 litres d'essence par automobile et par mois.
Ce montant est porté à 800 litres pour les taxis officiels et à 600 pour les taxis privés et officiellement enregistrés.
Les automobilistes sont d'autant plus inquiets que le gouvernement n'a pas prévu à ce stade la possibilité d'achat d'essence hors-quota.
Le ministre du Pétrole Kazem Vaziri-Hamaneh a expliqué que le gouvernement se donnait deux mois pour décider d'un quota supplémentaire d'essence, qui serait alors vendu à un "prix libre".
Le matin, d'énormes files d'attentes, de plusieurs km pour certaines, s'étaient formées aux abords des pompes, qui étaient protégées par des policiers en armes.
Le phénomène n'était pas limité à la capitale, qui concentre environ la moitié des plus de sept millions de voitures que compte l'Iran.
A Birjand, la capitale de la province du Khorassan du sud (est), des automobilistes en sont venus aux mains devant les pompes à essence, selon l'agence Fars.
La capacité insuffisante de raffinage de l'Iran est aggravée par l'explosion de la consommation, avec l'arrivée continue sur le marché de nouveaux véhicules, sans que les anciens quittent les routes.
Selon Ali Farahani, directeur de la distribution des produits pétroliers, le budget alloué à l'achat d'essence pour l'année iranienne se terminant le 20 mars 2008, soit 2,5 milliards USD, sera épuisé avant fin juillet.
Le gouvernement estime que sans le plan de rationnement, les importations devraient atteindre 9,5 mds USD.
Le problème est aggravé par le fait que l'Iran subventionne lourdement la vente au détail d'une essence qu'elle achète en partie au prix fort sur les marchés étrangers.
Le prix du litre d'essence ordinaire a été augmenté à 1.000 rials (8 centimes d'euro) le 22 mai, contre 800 rials auparavant. Mais ce prix représente à peine un cinquième du coût du litre sur les marchés internationaux.
Les raffineries iraniennes ne produisent que 44,5 millions de litres d'essence par jour alors que la consommation quotidienne est actuellement de 79 millions de litres.
Début juin, le gouvernement avait lancé la première phase de rationnement de l'essence, qui visait uniquement les voitures des services gouvernementaux.