Extraits du rapport annuel 2007 de Reporters sans frontières :
Au cours de l'année 2006, des dizaines de journalistes ont été interpellés parce qu'ils avaient critiqué les autorités. Certains d'entre eux ont été détenus au secret dans des conditions difficiles, sans avoir accès à un avocat. Si le nombre de journalistes emprisonnés est en baisse, plusieurs d'entre eux sont victimes de procédures judiciaires sans fin et de menaces quotidiennes dans l'exercice de leur profession.
Depuis son arrivée au pouvoir en août 2005, le président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad et son équipe, principalement composée d'anciens commandants des gardiens de la Révolution et des services de renseignements, ont exercé une répression redoutable sur les professionnels de l'information. En 2006, une dizaine de médias ont été censurés et 38 journalistes ont été interpellés. En mai, deux d'entre eux ont ainsi été arrêtés dans le nord du pays suite à la publication d'une caricature représentant un cafard s'exprimant en azéri. Quatre autres ont été interpellés, peu après, pour avoir relayé dans leurs articles la colère de la minorité azérie dans le pays.
Reporters sans frontières a également recensé de nombreux cas de journalistes détenus au secret, au déni de leurs droits les plus fondamentaux. Shirko Jahani, collaborateur de l'agence de presse turque Euphrate à Mahabad (nord-ouest de l'Iran) a, par exemple, été convoqué le 27 novembre au parquet de la ville où il a immédiatement été placé en détention sur ordre du procureur. Il est poursuivi pour avoir accordé des interviews sur la situation des droits de l'homme au Kurdistan à des médias étrangers. Il a entamé une grève de la faim pour protester contre son arrestation arbitraire et refusé de payer sa caution fixée à cinq millions de toumens (environ 5500 euros). Sa famille est restée sans nouvelles de lui pendant une semaine. Au 1er janvier 2007, Shirko Jahani était toujours incarcéré à la prison de Mahabad.
Pendant l'année, plusieurs médias ont été les cibles d'attaques. En février, des membres d'organisations gouvernementales et des écoles coraniques ont saccagé et incendié les locaux de l'hebdomadaire Tamadone Hormozgan à Bandar Abbas, au sud du pays, suite à l'inculpation de sept journalistes de la rédaction pour "insulte à l'ayatollah Khomeini". De même, des manifestations ont été organisées, le 13 octobre, par des mollahs de la ville de Bouchehr (Sud), devant le siège de l'hebdomadaire Safir Dashtestan qui avait publié un article satirique sur le guide suprême de la République islamique, l'ayatollah Ali Khamenei.
L'autocensure reste encore, pour beaucoup de médias, le meilleur moyen de survivre. Les dignitaires du régime, les tabous sociaux, les droits de la femme ou encore les revendications identitaires régionales délimitent les lignes rouges à ne pas franchir. Cette autocensure explique en partie la baisse du nombre de journalistes condamnés à des peines de prison. Ces derniers bénéficient souvent d'une mise en liberté provisoire, mais ne sont plus en mesure de travailler librement puisqu'ils risquent à tout moment de retourner en prison s'ils publient de nouveau un article qui déplaît au pouvoir. Ces pressions judiciaires ont poussé plusieurs d'entre eux à l'exil.
De plus, les autorités iraniennes ont mis en chantier en 2006 un nouveau projet de loi visant à rendre obligatoire l'enregistrement des professionnels des médias auprès du ministère de la Culture et de la guidance islamique.
Une journaliste assassinée dans des circonstances troubles
Ayfer Serçe, journaliste turque d'origine kurde, de l'agence de presse Euphrate, a été tuée par l'armée iranienne, entre le 20 et le 23 juillet, à Keleres, dans la province de l'Azerbaïdjan (nord-ouest de l'Iran). Les premières informations indiquaient que la journaliste était décédée lors d'une opération de l'armée contre des rebelles kurdes. Mais les témoignages recueillis ensuite par Reporters sans frontières révèlent qu'en réalité, elle a été tuée alors qu'elle se dirigeait vers la frontière, une fois son reportage terminé. Ayfer Serçe s'était rendue au début du mois dans la région pour enquêter sur une série de suicides de femmes kurdes. Les autorités iraniennes ont refusé de s'expliquer sur les circonstances entourant la mort de la journaliste et de remettre son corps à sa famille.
Par ailleurs, trois ans après son assassinat, les meurtriers de la journaliste irano-canadienne Zahra Kazemi, interpellée alors qu'elle photographiait des familles de détenus devant la prison d'Evine (au nord de Téhéran), n'ont toujours pas été identifiés.
Des filtres toujours plus puissants
La répression à l'encontre des blogueurs semble avoir diminué en 2005. Alors qu'une vingtaine d'entre eux avaient été emprisonnés en 2004, plus aucun n'est derrière les barreaux au 1er janvier 2007. Le filtrage du Réseau s'est par contre intensifié et l'Iran se targue aujourd'hui de bloquer 10 millions de sites "immoraux". Les sites pornographiques, politiques ou traitant de religion sont particulièrement visés. Mais, depuis l'été 2006, les censeurs semblent avoir concentré leurs efforts sur les publications traitant des droits des femmes. Les autorités ont par ailleurs récemment décidé d'interdire les connexions à haut débit. Une mesure qui peut s'expliquer par un souci de ne pas surcharger le réseau iranien, qui est de très mauvaise qualité, mais qui peut aussi s'interpréter comme une volonté de bloquer les produits culturels occidentaux – films et chansons – téléchargeables sur le Net.