CSDHI – Le mercredi 6 janvier, le Comité de Soutien aux Droits de l’Homme en Iran (CSDHI) a diffusé en ligne une conférence intitulée « La situation des droits de l’homme en Iran », organisée avant la visite à Paris de Hassan Rohani, président du régime iranien. Modérée par Simine Nouri, du CSDHI, la conférence accueillait Jean-Pierre Béquet, ancien député-maire de la ville d’Auvers-sur-Oise qui accueille les bureaux du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI), et Tahar Boumedra, ancien directeur du Bureau pour les droits de l’homme de l’ONU en Irak, chargé de la protection des réfugiés iraniens du camp d’Achraf, étaient invités à intervenir. Tous deux partagent une connaissance approfondie de la situation épouvantable en Iran.
La violence constitutionnalisée
M. Boumedra, qui a publié une étude intitulée « Droits de l’homme en Iran, un défi pour le droit international », a mis l’accent sur la faiblesse de l’Occident qui ne comprend pas de la nature de la « République islamique », dont la violence est institutionnalisée par la « tutelle du guide suprême ».
Pour lui, « si on regarde de près la Constitution iranienne, il y a toute une législation, un arsenal juridique pour la violation des droits de l’homme. (…) Donc le représentant de Dieu sur Terre qui est le guide suprême, est la source suprême de toute législation en Iran. Et c’est à partir de là qu’on utilise la violation des droits de l’homme, constitutionnalisées, comme moyen de gouvernance. »
Par conséquent, affirme M. Boumedra, « en Europe, on n’est pas vraiment conscients de cette constitution-programme qui impose à la population iranienne un régime religieux qui n’est pas du tout de notre temps. »
Interrogé sur la réaction de Téhéran, qui a mis en cause la politique française en Syrie, après les attentats du 13 novembre, Jean-Pierre Béquet a estimé que « nous avons été gravement blessés par les déclarations du régime iranien » Il a ajouté qu’ « il faut lutter contre le terrorisme en ayant l’œil aiguisé par rapport à ce qui se passe. (…) Il y a un effort d’explication à mener à tous les niveaux et chacun doit y prendre sa part : les organisations non gouvernementales bien sûr, les mouvements politiques et les citoyens aussi doivent éclairer l’opinion sur ces questions. » La visite d’Hassan Rohani « ne doit pas exonérer d’une interpellation publique sur la situation des droits de l’homme en Iran. »
Des crimes en toute impunité
La modératrice a ensuite interrogé M. Boumedra sur l’impunité dont jouissent les responsables du massacre en 1988 de 30 000 prisonniers politiques… et qui sont toujours au pouvoir aujourd’hui en Iran.
Pour M. Boumedra, « jusqu’à présent, il n’y a pas vraiment eu d’action sérieuse entreprise pour punir les gens responsables de ces crimes massifs ». Il rappelle que les Européens ne connaissent pas ce régime, et parlent à tort d’un courant modéré : « comment peut-on parler de modération si on n’a pas vraiment le choix de faire quoi que ce soit à part appliquer le programme constitutionnel ? » Une Constitution dont il précise qu’elle est basée sur l’interprétation religieuse personnelle d’un individu « autoproclamé imam dans les années 70 », l’ayatollah Khomeiny.
Il s’agit donc pour Tahar Boumedra de lancer « un appel pour que cette vérité soit exposée et que le public européen soit au courant de la situation constitutionnelle, législative et pratique », pour que « les médias français et européens disent la vérité, que cet homme [Rohani] qui va venir en France ne peut pas être modéré parce qu’il est l’instrument d’une constitution qui impose un régime islamiste d’un autre âge. »
A propos des sanctions à imposer à ce régime maintes fois condamné par l’ONU pour ses violations aggravées des droits de l’homme, M. Boumedra a remarqué que « non seulement les droits fondamentaux sont violés au quotidien en Iran », mais la violence est aussi exportée et se reproduit en Irak et en Syrie tandis que le régime du guide suprême fait des émules au Yémen et au Liban : « le Conseil de sécurité doit considérer l’article 4 de la Charte des Nations Unies qui stipule qu’un pays menaçant la paix et la sécurité, et qui n’accepte pas d’appliquer les principes fondamentaux de la Charte de l’ONU ne doit pas siéger au sein des Nations Unies. »
La diplomatie doit aborder la question des droits humains
Sur la délégation du Sénat français qui s’est rendue en Iran, M. Béquet a déclaré que bien que les parlementaires aient la liberté politique de le faire, il lui a paru « très choquant » que des « questions essentielles » n’aient pas été abordées. « Je pense que nous devons créer les conditions pour que ces questions soient posées aujourd’hui. On doit les aborder dans des colloques… (…) une manifestation importante aura lieu le jeudi 28 janvier à Paris, à l’appel, pas seulement des mouvements de résistance iranienne mais aussi de toute une série d’associations, de groupements défendant les droits de l’homme dans le monde, d’élus de toutes les sensibilités, qui appellent à se regrouper très largement. »
« Et nous demandons au gouvernement, au Président de la République de pouvoir poser ces questions sur les droits de l’homme. Les relations ne sont pas rompues, mais en même temps il faut qu’on interroge le régime sur ses violations graves des droits de l’homme et des conventions internationales. »
Pour conclure, MM. Béquet et Boumedra ont donné leur point de vue sur la meilleure façon de dénoncer les crimes du régime iranien, qui détient le record mondial d’exécutions par habitant.
Alors que pour M. Boumedra, il s’agit d’accomplir un « important travail d’éducation » du public mais aussi des politiciens, pour Jean-Pierre Béquet, il faut « multiplier les exemples : Je pense que nous avons un travail à faire collectivement pour alerter, pour expliquer… il y a trois semaines encore avant le rassemblement qui précède la visite de Rohani, utilisons ce temps pour interpeller l’opinion de manière très nette. Il faut que les exemples soient présentés publiquement pour susciter l’indignation générale. »
« Indignons-nous, indignons-nous ! » a-t-il conclu.