CSDHI – A défaut de pouvoir l’éliminer physiquement, les mollahs vont le bâillonner pour une longue période en Iran. Or il s’agit d’un des leurs, Ahmad Montazeri, fils du dauphin déchu de Khomeiny.
Son crime ? Avoir mis en ligne un enregistrement audio datant de 1988, une conversation entre son père et trois bourreaux – et pas des moindres – au pic des exécutions massives de 1988 dans les prisons politiques.
Un crime contre l’humanité que le régime s’efforce de garder secret et dont il interdit toute allusion. Le massacre a fait 30.000 morts, hommes, femmes, adolescents, dans leur immense majorité affiliés à l’OMPI, mouvement de l’opposition démocratique. Les corps enfouis par bennes entières dans des charniers aux quatre coins du pays. Interdit d’en parler, interdit de pleurer, interdit de se recueillir. Des dizaines de milliers de familles en deuil sans savoir où se trouvent les dépouilles de leurs proches.
La bande audio de Montazeri début aout 2016 a fait l’effet d’un énorme pavé dans la mare et d’une bombe dans les cercles dirigeants. Déjà son père feu l’ayatollah Montazeri avait été déchu de la succession de Khomeiny et placé en résidence surveillée jusqu’à la fin de sa vie. Le fils est passé devant un tribunal réservé au clergé. La peine est tombée : dix ans pour « atteinte à la sécurité de l’Etat » et dix autres pour avoir rendu publics des « enregistrements audio classés confidentiels ». Cerise sur le gâteau: un an de prison pour « propagande contre le régime ».
Par la nature des chefs d’inculpation, la dictature religieuse s’accuse elle-même, puisque le fichier audio est sans équivoque sur les participants à cette réunion où Montazeri père dénonce les milliers d’exécutions, parlant de jeunes filles et de femmes enceintes, et où ses interlocuteurs – nommés – marchandent la vie d’un « lot » de 200 jeunes prisonniers politiques.
Mis à part le fait que l’enregistrement ait été retiré dès le lendemain de la toile et qu’il avait déjà fait le tour de la planète Internet, le fichier mettait en cause les plus hauts dirigeants du régime, notamment l’actuel ministre de la justice, Pour-Mohammadi, dont les mains sont plongées dans le sang jusqu’au coude.
Certes, on ne se débarrasse pas d’un homme du sérail sans risque, car dès la divulgation de la cassette qui donne des détails effrayants sur l’ampleur du massacre, les langues se sont déliées dans le clergé en Iran remettant en cause la fatwa de mort qu’avait promulguée Khomeiny. C’est sans doute pour faire le moins de vagues possible, que la peine a reçu une bonne dose de sursis et que le lanceur d’alerte ne passera que 6 ans derrière les barreaux. Quoiqu’en Iran, on sait quand on entre en prison, rarement quand on en sort.
Le fait est que la cassette en question a déclenché un immense mouvement pour la justice en Iran et à l’étranger. Le but est de traduire en justice les responsables de ce massacre qui sont toujours au pouvoir. Le ministre de la Justice Pour-Mohammadi s’est dit fier d’avoir participé à la boucherie, ce qui ajoute un document de plus à son dossier déjà lourd.
Depuis les prisons politiques, une femme s’est dressée, Maryam Akbari Monfared. Elle a eu l’incroyable audace de porter plainte contre l’exécution de son frère et de sa sœur en 1988 et du reste de sa famille dans les années 1980. Son courage lui a causé de multiples pressions mais aussi une vague de soutiens qui ne cesse de s’amplifier.
Le lanceur d’alerte ne pensait pas enflammer la société iranienne, trop longtemps tenue de taire cette immense douleur et qui réclame justice, pas seulement pour les 30.000, mais aussi pour les 120.000 exécutions politiques depuis 37 ans et pour toutes les exécutions qui ravagent l’Iran.
Il est temps de mettre fin à l’impunité des bourreaux, fin aux exécutions en Iran.