CSDHI – Dès les premières lignes de son livre*, l’Ecossais Struan Stevenson nous plonge dans la quatrième dimension, le monde sauvage qu’est devenu l’Iran sous les mollahs. Un crime effroyable en Occident, simple fait divers dans une dictature qui n’épargne rien aux femmes, change du tout au tout l’engagement politique de ce député européen. Une rare leçon de courage en ces jours de complaisance :
» À quel moment bascule une personne ? En ce qui me concerne, ce fut lors de la pendaison en Iran d’une jeune fille de 16 ans pour « actes contraires à la chasteté ». Atefeh Rajabi Sahaaleh a été pendue en public à une grue dans la ville de Neka en août 2004. Pendant trois ans, elle avait été violée et torturée par un ancien membre des gardiens de la révolution âgé de 51 ans et reconverti par la suite en chauffeur de taxi. Lui a été condamné à 100 coups de fouet tandis qu’elle a été arrêtée, torturée puis trainée devant le juge religieux en chef de la localité de Neka, Hadji Rezaï. Atefeh avait été si indignée par l’injustice de son traitement qu’elle avait déchiré son voile et lancé une chaussure à la tête du juge, commettant ainsi l’ultime délit d’outrage à magistrat. Non seulement le juge l’a condamnée à mort mais il a aussi été son bourreau, en lui mettant la corde au cou avant que la grue ne soulève l’enfant pour la pendre. Le juge Rezaï avait déclaré que cela lui « donnerait une bonne leçon et la réduirait au silence. »
J’étais assis dans mon bureau au Parlement européen à Bruxelles lorsque ma principale adjointe parlementaire à l’époque, Ingrid Kelling, est entrée pour m’informer que l’ambassadeur de la République islamique d’Iran auprès de l’UE était arrivé pour notre rendez-vous. Ingrid l’a fait entrer et je l’ai invité à s’asseoir. Il m’a chaleureusement remercié d’avoir accepté de le rencontrer et a entamé une longue discussion sur les acquis de la révolution islamique en Iran. J’ai levé la main pour l’interrompre. «Monsieur l’ambassadeur, lui ai-je dit, la semaine dernière, votre pays s’est rendu responsable de la pendaison publique d’une jeune fille de 16 ans. Ceci constitue un outrage à toutes les valeurs fondamentales européennes en matière de défense des droits humains, des droits des femmes et des droits des enfants. Je suis totalement scandalisé par ce crime barbare. J’ai été stupéfait de la façon dont votre pays tolère la torture, les actes de lapidation, les amputations et les exécutions publiques. Je ne peux plus rester les bras croisés. Je ne veux pas entendre de votre part une quelconque explication ou tentative de justification d’un tel crime. Je vous demanderai maintenant de bien vouloir quitter mon bureau et je puis vous assurer que désormais vous n’y êtes plus le bienvenu. »
L’ambassadeur a paru interloqué. Il a voulu parler mais je l’ai interrompu et j’ai demandé à Ingrid de le faire sortir. Je tremblais de rage.
Atefeh était une enfant. Son seul crime était d’avoir été la victime d’agressions sexuelles de la part d’un homme plus âgé. Etre torturée et pendue dans ces circonstances constituait un acte barbare. Ceux qui étudient les SS d’Hitler sont habitués à cette sauvagerie, mais pour les citoyens iraniens en grande majorité cultivés et civilisés, cette affaire, le dixième enfant à être pendu en République islamique depuis 1990, a marqué un cap funeste supplémentaire dans la régression du pays vers l’âge de pierre. »
* Tiré du livre Iran, Self-Sacrifice, (en anglais) de Struan Stevenson, aux éditions Birlinn www.birlinn.co.uk