CSDHI – « Ce 23 octobre, alors que je murmurais des paroles à Reyhaneh, je me suis réveillée le coeur serré. Il était 6 heures du matin », raconte Choleh Pakravan la mère de Reyhaneh Jabbari exécutée le 25 octobre 2014 en Iran à l’âge de 26 ans.
« Je lui ai écris une lettre et je l’ai complétée sur le chemin qui menait au cimetière de Behecht-e-Zahra de Téhéran. Avec ma soeur, nous nous sommes dirigées vers la section 98, elle était noire d’agents de police. Des officiers m’ont appelée.
– Combien de personnes vont venir?
– Je n’en sais rien, ai-je répondu.
Deux jeunes étaient venus d’Ispahan et dès leur arrivée ils les avaient emmenés. J’ai supplié qu’ils les libèrent. « Dégage », m’ont-ils crié.
D’autres invités sont arrivés. Ma mère a ouvert la cérémonie en parlant de sa petite-fille. Elle a raconté comment l’indignation était montée du monde entier contre l’exécution injuste de Reyhaneh, mais que les mollahs l’avaient pendue tant ils étaient repus d’injustice.
Moi j’ai dit combien ma fille me manquait.
Des agents hystériques arrêtent à tour de bras
Les agents étaient comme fous et collaient aux basques de chaque invité. le Dr Maleki qui est si âgé et malade, a parlé avec le peu de force qui lui reste de son opposition à la peine de mort et de l’enfer que nous avons vécu avec la pendaison de Reyhaneh, le 25 octobre 2014. Il a émis l’espoir de voir abolir ce châtiment.
Trois ou quatres agents de police femmes ont surgi parmi les invités pour arrêter des femmes avec violence et les embarquer dans un véhicule. Une jeune provinciale, venue avec son fils de quatre ans, a vu avec horreur l’arrestation de sa mère.
Un des élèves de ma mère, qui enseigne le Coran, et qui est devenu lui-même un professeur de Coran, fait partie des arrêtés. Je me précipite vers les agents et je leur demande de libérer tout le monde, en particulier une des anciennes co-détenues de Reyhaneh atteinte d’un cancer avancé. Malgré mes supplications, ils ne libèrent pas cette malade.
Dans une voiture blanche, j’apeçois M. Nourizad qui a été arrêté. Un agent de haute taille type gorille donne l’ordre à des femmes de m’arrêter et de m’embarquer. Trois agentes hystériques et trois hommes m’arrêtent, moi, ma mère et ma tante et on nous emmènent loin du cimetière avec les autres interpellés.
Je dis aux gens autour de moi de regarder la rue avec les yeux de Reyhaneh. Elle m’avait souvent écrit que lorsqu’elle était transférée, elle voyait les gens passser indifférents. Et elle se souvenait qu’elle-même avait eu la même réaction sans se douter du malheur que transportait ces voitures.
Le téléphone d’un agent sonne. Il répond et immédiatement donne l’ordre au chauffeur de nous ramener. On nous fait descendre dans une rue et on nous rend nos téléphones.
Mais pendant qu’on nous emmenait, ils ont chargé les invités, cassé les chaises et tout ce que les gens avaient amené. Ils avaient jeté toutes les couronnes et les fleurs sur la tombe de Reyhaneh, avaient piétiné le jardin planté sur sa tombe et jeté les bougies éteintes sur les tchadors des femmes, les avaient déchirés, et vaient agressé une jeune fille.
Je suis rentréée à la maison avec quelques amis artistes. Je pensais aux mères dont les enfants avaient été dévorés par la machine à exécutions et à la haine croissante qui monte en moi quand je pense à la violence des pendaisons. »
Le calvaire de Reyhaneh
Reyhaneh Jabbari, designer d’intérieur, a blessé mortellement l’agent de renseignement qui l’avait attirée dans un piège dans le but de la violer. C’est en pleine agression qu’elle lui a planté, en légitime défense, un coup de couteau. L’agent est mort à l’hôpital. Reyhaneh, victime, a été arrêtée et condamnée à mort. Elle n’a jamais accepté de démentir la tentative de viol, ni de demander pardon à la famille du violeur qui a été odieuse avec elle. C’est parce qu’elle a dit non à ces injustices, qu’elle a eu le courage de défendre sa dignité au tribunal, qu’elle a été pendue. Jamais Rohani, le président des mollahs, n’a levé le petit doigt pour la défendre ou dénoncer cette exécution, pas plus que les 71 exécutions de femmes sous sa présidence.
Reyhaneh Jabbari reste le symble du courage et de la dignité des femmes. Sa mère, la très vaillante Choleh Pakravan fait campagne contre la peine de mort en Iran.