CSDHI – La soeur de Saïd Massouri, prisonnier politique en grève de la faim à Gohardacht, a apporté son témoignage depuis l’Iran à la chaine télévisée en persan Voice of America, le 25 aout 2017 sur la situation de son frère et de ses codétenus. Voici la traduction de l’interview de Maryam Massouri :
Tôt dans la matinée du 30 juillet, ils ont appelé les prisonniers de la salle 12 pour la promenade, et en usant de la force et de coups, ils les ont emmenés à la salle 10. Ils ne leur ont même pas permis d’emmener leurs affaires personnelles. Cette section est équipée de système de contrôle d’un niveau de sécurité plus élevé que la normale, et elle est équipée de toute une série d’appareils d’écoute et de caméras en circuit fermé ; jusque dans la salle de bain ils ont mis des caméras, de cette manière ils n’ont même plus d’intimité.
En plus de la situation de contrôle de cette section, il y a le problème de l’air de cette salle, qui est particulièrement malsain, parce que toutes les fenêtres sont recouvertes par deux plaques de métal, il n’y a pas d’air frais qui entre dans cette salle.
Ils ont beaucoup de problèmes: un problème d’eau potable. Ils avaient dans la salle 12 un appareil pour purifier l’eau, un appareil qu’ils avaient acheté avec leurs économies au fil des ans, et d’autres équipements comme un réfrigérateur, une télévision. On ne leur a donné aucun d’entre eux (dans la nouvelle salle). Même les photos et les affaires personnelles qui ont une valeur sentimentale pour les prisonniers, ça n’ont plus on ne le leur a pas donné. Leurs photos ont été déchirées, froissées, jetées à la poubelle. Elles ont été trouvées à côté de la prison.
Quel avocat durant ses 17 années de prison ?
Saïd a eu plusieurs avocats, mais en fait c’était une formalité.Quand un avocat était demandé par la famille ou par Saïd, cet avocat ne pouvait pas voir le dossier de Saïd et la plupart du temps il ne pouvait pas voir Saïd lui-même. Il ne pouvait pas résoudre les problèmes de son dossier ni dire à son client quelle était la situation de son dossier. Et durant toute cette période où ils ont prononcé des peines contre Saïd, c’est un avocat nommé d’office par le système judiciaire qui les lui a annoncées.
Des permissions de sortie en 17 ans?
La peine de Saïd est la perpétuité. Il en a purgé 17 ans, et selon les lois du système judiciaire en Iran, vu qu’il a purgé plus de la moitié de sa peine, il peut avoir une liberté conditionnelle. Mais Saïd n’a même pas eu un jour de permission de sortie. La demande de permission de sortie a été déposée par Saïd et par nous, mais ça a été refusé. Même pour se faire soigner Saïd n’a pas pu sortir de prison, alors qu’il a de graves problèmes de dos, des problèmes dentaires, des problèmes d’estomac. Ça fait 17 ans qu’il n’est pas sorti.
Les conditions de parloirs
Les visites se font en cabine (derrière une vitre) une fois par semaine. On peut y aller pour une visite d’une demi-heure. Mais maintenant ça fait huit ans qu’il n’a pas la possibilité de téléphoner. Ça veut dire que la seule manière pour avoir des nouvelles de Saïd c’est en y allant une fois par semaine. Or pendant cette grève de la faim Saïd a été interdit de visite pendant deux semaines. Et pendant deux semaines on n’avait aucune nouvelle de lui.
Mais cette semaine on a pu le voir. Quand il a été interdit de visite ces deux dernières semaines c’est parce qu’il était à l’isolement. Mais cette semaine on a vu Saïd. Malheureusement, ils ne vont pas du tout bien. Ils sont tous très affaiblis et amaigris, pas seulement Saïd. Croyez-moi, ils n’avaient même pas la force de parler. Nous sommes très inquiets pour leur santé, parce que petit à petit ils sont en train de fondre.
Il n’y pas personne pour accepter la responsabilité de cette grève, ils ne veulent pas avoir à répondre aux prisonniers ni à leurs familles.
Le directeur de la prison a même dit qu’il ne reconnaissait pas cette grève de la faim et à cause de cela il n’envoie pas de médecin dans leur salle. Vous savez que quand des prisonniers se mettent en grève de la faim, la prison doit envoyer deux fois par jour un médecin pour les examiner. Mais comme le directeur de la prison dit ne pas reconnaitre cette grève, il n’envoie pas de médecin.
Et vous savez que les prisonniers avec une lourde peine comme Saïd qui sont en prison depuis de longues années et qui souffrent de nombreux problèmes graves, vous pouvez imaginer qu’avec la nourriture de prison qu’ils ont eu toutes ces années, et là ils sont en grève depuis 25 jours, on peut imaginer dans quel état ils sont.
En fait cette grève ce n’est pas seulement pour les prisonniers. Cela fait plus de trois semaines que les familles sont aussi à leur manière dans cette grève. On est tous tellement inquiets pour leur santé que la vie est devenue difficile. Nous aussi, nous sommes tous avec eux dans cette grève.
Les demandes des prisonniers grévistes de la faim
Ils ne demandent pas grand-chose. Ils veulent retourner dans leur salle et reprendre leurs affaires. C’est la seule chose qu’ils demandent. Malheureusement personne ne veut les écouter, ni même écouter leur famille. Vous avez entendu dans les infos que M. Dolat-Abadi (le procureur de Téhéran) a dit qu’il ne pliera pas et que cette action va échouer et que les prisonniers doivent purger leur peine. Mais personne n’a pas parlé de ne pas purger sa peine. Ils font grève et protestent pour obtenir leurs droits élémentaires de prisonniers. Comme ils le disent eux-mêmes, les prisonniers sont actuellement la couche sociale la moins protégée et ils ne demandent que les droits élémentaires des prisonniers. C’est pour cela qu’ils n’arrêteront leur grève que lorsqu’ ils pourront retourner dans leur salle et retrouver leurs affaires.
Pour finir je voudrais demander à tous les organes et formations de défense des droits humains de s’occuper de la situation de ces prisonniers. Avant leur appartenance à un groupe ou une idée particulière, ces prisonniers sont des êtres humains et ils ont le droit à la vie. Leurs demandes c’est d’obtenir les droits élémentaires d’une personne et d’un prisonnier et la seule manière qu’ils ont pour protester c’est de sacrifier leur santé et leur vie. Nous voulons être leurs voix pour les aider et leur faire obtenir leurs droits, leurs droits les plus élémentaires. Leur vie est vraiment en danger.