Syrie: soupçons de crimes contre l’humanité, attentat près d’un site chiite
AFP – 14/06/2012 – Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, dont le pays est un allié du pouvoir syrien, a accusé les Etats-Unis de livrer des armes à des « pays de la région », lors d’une visite en Iran, autre fervent défenseur du régime Assad.
Amnesty a accusé mercredi le régime syrien de commettre des « crimes contre l’humanité » afin de se venger des communautés soupçonnées de soutenir les insurgés en Syrie, où deux voitures piégées ont explosé, près d’un site chiite au sud de Damas et à Idleb.
Une voiture piégée a explosé jeudi matin non loin du mausolée de Zeynab, lieu de pèlerinage chiite près de Damas, a rapporté l’agence de presse officielle Sana, ajoutant que l’explosion a fait deux blessés et des dégâts matériels.
Rami Abdel Rahmane, qui dirige l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), a confirmé l’explosion. « Nous ne sommes pas sûrs de la cible » de l’attentat, a-t-il dit à l’AFP.
Des centaines de milliers de pèlerins, notamment Iraniens et Libanais, se rendent chaque année en pèlerinage au mausolée de Zeynab, soeur de l’imam Hussein vénéré par les musulmans chiites.
Une autre voiture piégée visant un point de contrôle de l’armée a explosé dans la ville d’Idleb (nord-ouest), a indiqué l’OSDH, ajoutant que l’attaque avait fait des morts et des blessés parmi les soldats sans en préciser le nombre.
Amnesty International a affirmé avoir des preuves récentes que des Syriens, y compris des enfants, avaient été traînés hors de leurs maisons et tués par des soldats.
« Ces nouvelles preuves inquiétantes d’un système organisé de graves exactions met en lumière la nécessité urgente d’une action internationale décisive », a déclaré Donatella Rivera, spécialiste d’Amnesty International pour les situations de crise.
Amnesty a interviewé des gens dans 23 villes et villages de Syrie et a conclu que les forces et milices gouvernementales étaient coupables de « sérieuses entorses au droit humanitaire international allant jusqu’aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre », a poursuivi Mme Rivera.
Amnesty International demande aux Nations unies de transmettre l’affaire à la Cour de justice internationale et d’imposer un embargo sur les armes pour la Syrie.
Plus de 14.100 personnes, pour la plupart des civils, ont été tuées depuis le début de la révolte contre le président Bachar al-Assad en mars 2011 selon l’OSDH.
Arrêt « total » des exportations d’armes
Jeudi, neuf civils et deux rebelles ont été tués dans des combats ou des bombardements des troupes régulières, au lendemain de la mort d’au moins 77 personnes à travers la Syrie, estime l’organisation.
Dans la ville de Deraa (sud), berceau de la contestation anti-régime, cinq civils ont été tués avant l’aube dont quatre dans des bombardements des forces gouvernementales sur un quartier assiégé par l’armée, selon l’OSDH.
Dans la ville de Homs (centre), également théâtre de combats, trois civils et un combattant rebelle ont été tués avant l’aube.
Les forces gouvernementales tentent ces derniers jours de reprendre les bastions rebelles au moyen d’intenses bombardements. L’armée a notamment repris mercredi le contrôle d’Haffé après huit jours de bombardements de cette localité de la province côtière de Lattaquié (nord-ouest) proche de Qerdaha, d’où est originaire la famille du président Bachar al-Assad.
Après le chef des opérations de maintien de la paix de l’ONU, Hervé Ladsous, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a estimé mercredi que la Syrie se trouvait en situation de « guerre civile ».
Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, dont le pays est un allié du pouvoir syrien, a accusé les Etats-Unis de livrer des armes à des « pays de la région », lors d’une visite en Iran, autre fervent défenseur du régime Assad.
M. Lavrov réagissait aux propos de la secrétaire d’Etat Hillary Clinton, qui avait exprimé mardi l’inquiétude des Etats-Unis sur « l’envoi d’hélicoptères d’attaque vers la Syrie depuis la Russie ».
Mme Clinton est revenue à la charge mercredi en appelant Moscou à cesser de livrer des armes à Damas.
Occidentaux et Russes conviennent de la nécessité d’appliquer le plan de l’émissaire international Kofi Annan, qui prévoit un cessez-le-feu et un dialogue national mais est resté lettre morte.
Néanmoins Moscou rejette toute ingérence et tout changement de régime imposé en Syrie alors que l’Occident réclame le départ de M. Assad et des sanctions à l’ONU.
Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a lui aussi demandé l’arrêt « total » des exportations d’armes à Damas et annoncé que son pays allait proposer au Conseil de sécurité de rendre « obligatoires » les dispositions du plan Annan en ayant « recours au chapitre 7 », qui ouvre la porte à des sanctions et à l’usage de la force.
Mais « la Chine désapprouve les sanctions à sens unique et les pressions », a déclaré lors d’un point de presse le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Liu Weimin interrogé sur la proposition de M. Fabius. « Dans les circonstances actuelles, les différentes parties devraient apporter un entier soutien aux efforts de médiations de M. Annan ».
La Russie et la Chine se sont jusqu’à présent opposées à toute action contre le régime syrien à l’ONU.