CSDHI – À quelques jours de la visite à Paris d’Hassan Rohani, le président du régime iranien, et d’une grande manifestation contre les exécutions en Iran, le Comité de Soutien aux Droits de l’Homme en Iran (CSDHI) organisait le 13 janvier une conférence en ligne sur cette problématique : Rohani est-il vraiment un modéré ?
Simin Nouri, responsable au sein du CSDHI, recevait Paulo Casaca, ancien eurodéputé et président de l’association ARCHumankind (Alliance pour Renouveler la Coopération entre les peuples), ainsi que Gérard Lauton, maître de conférences honoraire à l’université Paris-Est et responsable Droits et Libertés au syndicat universitaire SNESUP.
Simin Nouri et Paulo Casaca
M. Casaca a commencé par critiquer l’adjectif aberrant de « modéré » dont l’Occidet affuble Rohani, tandis que les « chiffres et analyses objectifs ne peuvent pas conduire à une autre conclusion que sous le mandat de M. Rohani la situation a empirée en Iran ». Le président d’ARCHumanKind analyse cette erreur en citant l’historien Ian Kershaw, qui dans son ouvrage Lord Londonderry rappelle qu’à l’époque « la plupart des médias britanniques (…) faisait de Hitler un modéré du nazisme ». Selon lui, « il y a une psychose occidentale selon laquelle il faut toujours trouver un modéré pour justifier la politique de complaisance avec l’Iran ». Selon M. Casaca, « la vérité objective est là : Rohani est un élément majeur du régime depuis toujours, il n’a jamais montré aucun signe objectif et valable de vouloir réformer le système, il préside à un Iran toujours plus sanguinaire vis-à-vis de ses citoyens et qui montre sa volonté expansionniste de façon de plus en plus ouverte. »
M. Lauton a complété ces propos en rappelant qu’ « on ne peut pas être modéré en Iran quand on est choisi par le Guide Suprême et que l’on doit appliquer son programme ». Faisant la liste des hautes fonctions exercées par Rohani, il a noté qu’il était un responsable de ce régime qu’il a contribué à instaurer.
Simin Nouri et Gérard Lauton
M. Casaca a ensuite pointé du doigt les seuls changements apportés par un président prétendument modéré : « le resserrement de l’appareil répressif et l’augmentation de l’expansionnisme ». Accusant la dictature religieuse, à commencer par le Guide suprême Khamenei de « s’accaparer le pouvoir et les richesses du pays », il a démenti le potentiel économique de cette théocratie dont la priorité est de réprimer ses citoyens et d’affirmer sa puissance par la bombe atomique. À propos de la « politique de terreur permanente » exercée sur les citoyens iraniens par les autorités du régime, l’ancien eurodéputé a affirmé qu’elle était « leur seule façon de survivre au pouvoir. »
Mme Simin Nouri a ensuite demandé l’opinion des intervenants sur les réactions de Téhéran qui a accablé la France et sa politique en Syrie jugée responsable des tragiques attentats de novembre à Paris, et des flots de réfugiés qui arrivent en Europe. « Assad ne serait plus là depuis très longtemps, a estimé Paulo Casaca, s’il n’avait pas le soutien du régime iranien. Et dont c’est cette agression de Téhéran qui a provoqué directement ou indirectement des centaines de milliers de victimes (…) Evidemment la réponse au problème ne peut être autre que de résoudre la crise en Syrie. C’est absolument fondamental. On dit « non, on ne veut pas de réfugiés » mais on reçoit Rohani qui est la cause majeure de cette crise de réfugiés, et ce n’est pas du tout acceptable. »
M. Lauton a parlé de « catastrophe humanitaire majeure », avant d’ajouter : « il est très singulier qu’aussi bien des chroniqueurs que des élus exécutifs de nos pays ne voient pas le lien entre cette politique belliciste et l’arrivée des réfugiés. (…) On ne fait pas le lien entre les deux, et nous avons un gros travail de communication et de conviction à faire pour montrer que ce régime est vraiment le fauteur de guerre au Proche et Moyen-Orient. »
Les deux spécialistes ont ensuite fait part de leurs attentes vis-à-vis des autorités françaises lors de la venue de Rohani. Pour M. Casaca : « Il n’est pas acceptable que dans la patrie des Droits Humains, M. Hollande ne dise pas à M. Rohani « terminez ces exécutions, ces violations flagrantes des droits de l’homme en Iran » et qu’il ne lui dise pas de façon claire, nette et publique pour que tout le monde puisse l’entendre. Et on attend aussi que M. Hollande soit capable de voir que le peuple iranien ce n’est pas M. Rohani. (…) Il y a beaucoup d’Iraniens ou de citoyens français d’origine iranienne qui doivent être pris en compte, qui doivent être respectés. Ce sont des citoyens exemplaires (…), et je crois que ça doit aussi être pris en considération par le Président. »
M. Lauton, quant à lui, a insisté sur la nécessité pour le 28 janvier de marteler le hashtag #stopexecutionIran, étant donné que de la part des médias français, « il y a une sorte d’omerta inexplicable qu’il faut évidemment arriver à surmonter et à dépasser. » Pour l’universitaire français, il s’agit aussi de faire un véritable travail de sensibilisation, « initiatives publiques, conférences de presse ; qu’on fasse des posters, qu’on écrive les chiffres qui correspondent à cette politique… (…) qu’on mobilise l’opinion publique pour en finir avec l’ignorance et l’indifférence qui règnent encore sur cette réalité. Notre travail c’est d’informer et de mobiliser, pas seulement au sommet mais sur le terrain lui-même, c’est-à-dire dans les universités et dans les villes. »
Pour conclure, M. Casaca comme M. Lauton ont invité à participer à la manifestation du 28 janvier, « nécessaire mobilisation » à laquelle ils participeront sur le Parvis des droits de l’Homme à Paris, à 13h, et qui « se fera sentir aussi fortement que possible ».
Manifestation le 28 janvier à 13h à Paris, au Trocadéro.