CSDHI – Je m’appelle Farinaz Khosravani, j’avais 28 ans et j’habitais à Mahabad dans l’ouest de l’Iran. J’avais fini mes études et je travaillais à l’hôtel Tara de la ville pour joindre les deux bouts, en fait pour nourrir ma famille. Ce n’était pas un mauvais job.
Un jour, le 4 mai 2015, le directeur de l’hôtel m’a appelée dans son bureau pour me demander une chose franchement bizarre : aller dans une chambre de l’hôtel avec un inspecteur, un de ses amis. Tout d’abord je n’ai pas saisi et quand j’ai voulu des explications, je suis tombée de l’armoire. Mon patron me vendait à un parfait inconnu.
J’ai refusé, mais il m’a entrainé de force dans cette chambre où il s’était arrangé avec son complice. Je n’ai pas arrêté de le supplier, que je ne voulais pas, que c’était ignoble. Mais ils ont refermé la porte derrière moi. Quand j’avais vu que toutes les issues étaient fermées à clé, j’ai couru à la fenêtre. Le patron et cet homme étaient là, à me regarder, comme des rapaces jouant avec leur proie. On était au 4e étage. J’ai choisi ma dignité à l’humiliation. J’ai sauté … Je me suis sentie soulagée. Des gens ont accouru vers mon corps disloqué à terre, un corps sur lequel ces ordures n’avaient pas pu poser les mains.
Quelques jours plus tard, le bruit de mon suicide a enflammé la ville et surtout l’hôtel. La population s’est déversée dans les rues pour réclamer justice. Le Président iranien Hassan Rohani a promis de le faire, mais au lieu de viser les coupables, les agents ont reçu l’ordre d’arrêter des manifestants, des jeunes, à qui ils n’ont épargné aucune violence en prison. L’inspecteur lubrique n’a pas connu l’ombre d’un ennui. Or quand Rohani est arrivé au pouvoir il avait multiplié les promesses, s’engageant à résoudre de si nombreux problèmes. Pas une seule n’a été tenue.
Ne croyez pas que je sois un cas exceptionnel. Le 25 octobre 2014, Reyhaneh Jabbari a été exécutée pour « crime » de légitime défense. Elle avait tué, en se défendant, l’homme qui la violait. Là aussi, un agent du renseignement.
Reyhaneh était décoratrice d’intérieur. Elle venait de terminer ses études et elle était passionnée par son travail. Un jour cet homme lui avait demandé un devis, à établir sur place, chez lui. Reyhaneh, qui n’était pas une oie blanche dans ce pays où le pouvoir a légalisé les violences faites aux femmes, portait toujours un couteau sur elle, au cas où …
Quand elle est arrivée chez son client, Reyhaneh a vite compris qu’il avait de mauvaises intentions. Dans le corps à corps qui a suivi, elle l’a blessé mortellement avec son couteau. Elle s’est enfuie en courant, pensant que dans ce régime des mollahs qui ne cesse de brandir la morale, la promotion de la vertu et la prohibition du vice, on volerait à son secours. Elle a téléphoné à la police qui l’a illico jetée en prison. Après un calvaire de 7 années derrière les barreaux, où rien ne lui aura été épargné, elle a été pendue. Elle avait 27 ans. Elle avait refusé les faux aveux, refusé de se salir pour sauver sa vie. Comme moi elle a préféré la mort à l’humiliation. Elle était la seule fille de la famille.
Avant la potence, Reyhaneh répétait que si elle avait accepté leur demande, ils l’auraient lapidée pour relation illégitime. Quel choix avait-elle ? La corde ou les pierres ? Question restée sans réponse.
Jamais en Iran, un agent du gouvernement n’a été tenu responsable pour quoi que ce soit.
Une formidable campagne avait été lancée en défense de Reyhaneh pour empêcher son exécution en Iran. De multiples organisations internationales ont appelé Rohani à annuler sa pendaison. Il a répondu en disant que les exécutions sont l’application de la loi.
Reyhaneh et moi sommes des victimes du gouvernement Rohani pour avoir défendu notre dignité. Qui sera la prochaine en Iran, et qui la défendra ?