CSDHI – En Iran, il y a beaucoup de filles de 15 – 16 ans avec des tonnes de maquillage, raconte Paria, une jeune exilée iranienne de 19 ans, qui brosse un tableau vivant des rues de Téhéran. Des ados qui se teignent les cheveux et passent par la chirurgie esthétique comme on va chez le coiffeur.
Qui n’a pas sa prothèse de lèvres, sa prothèse de joue ? Les prothèses poussent comme des champignons sur les visages. Qui ne s’est pas fait refaire le nez ? Mais bon, faut quand même avoir les moyens, précise-t-elle.
Paria raconte : Dans la rue, tout à coup, une fille venait me dire bonjour, sans que je la reconnaisse; or c’était une fille de ma classe. A l’école, on porte un voile cagoule, qui couvre les cheveux et comme elles se teignent les cheveux, elles ne peuvent pas les montrer sinon la sanction tombe. Donc on ne connait pas la couleur de la dernière teinture.
En dehors de l’école c’était différent, on pouvait montrer des choses, sauf là où se trouvaient les patrouilles du vice. Ce qui fait que lorsqu’on se voyait dans la rue, on ne se reconnaissait pas.
Une fois, je me souviens, une fille est venue me parler très chaleureusement. Moi aussi, très contente, j’ai discuté avec elle. Ma tante était avec moi. A l’époque j’avais 15 ans. Quand la fille est partie, ma tante m’a demandée d’où je connaissais cette étudiante de 25 ans? Je lui ai répondu que ce n’était pas une étudiante mais une copine de classe de mon âge. Elle est restée bouche bée et il m’a fallu une bonne heure pour la convaincre.
Comme un garçon
Une autre fois, quelqu’un est venu me dire bonjour dans la rue, parlant haut et fort « Salut Paria, comment tu vas? » me faisant des bises, me serrant dans ses bras. Ma tante a reculé de trois pas en arrière. On était dans le quartier de Pardisse à Téhéran en train de faire des courses. « Comment ça va, disait l’autre pour la quatrième fois à la mode iranienne, t’as écrit ce cours du lycée? Tu peux me le passer? Allez Ciao ! » Et ma tante ouvrait des yeux encore plus ronds. Une fois seules, ma tante m’a interrogée : « Mais d’où tu connais ce garçon? D’où il sort? »
« Mais ce n’est pas un garçon, ai-je répondu, c’est une copine de classe qui se coupe les cheveux courts pour se faire passer pour un garçon et sortir sans foulard dans la rue. » Là aussi, il a fallu du temps pour la convaincre que c’était bien une fille.
Mais le matin venu, on se retrouvait toutes au lycée avec le voile cagoule et le code vestimentaire obligatoire.
C’était devenu un loisir vraiment très prisé en Iran de suivre la mode via internet, la télé, les chaines satellites. Notre famille sous le coup de la répression avait éclaté et nous n’avions pas beaucoup d’argent pour que je puisse suivre la mode, mais comme les copines, j’avais un châle.
Des signaux dans la rue
Ces deux dernières années, la tendance était de porter un châle sur les cheveux détachés. Dans la rue, s’il y avait une patrouille du vice, soit on la voyait et on serrait le châle en rentrant tous les cheveux dessous, soit les gens nous avertissaient. Les gens sont très solidaires en Iran. Quelqu’un nous croisait en nous disant « attention, une patrouille. Passe par cette rue, ils contrôlent les manteaux! » ou les garçons par un simple geste de la main comme s’il rabattait une casquette sur ses yeux, nous faisait comprendre le danger.
J’avais des copines dont la famille avait peur qu’elles se fassent arrêter, alors elles sortaient avec un long manteau et un grand sac. Une fois dans la rue elles sortaient un manteau court du sac, enfouissaient le long à l’intérieur et partaient en vadrouilles. Si une patrouille était annoncée, elle faisait l’opération inverse en un clin d’œil. Et avant de rentrer chez elles, elles remettaient le manteau long. Ou bien elles avaient un de ces larges manteaux à la mode, qu’elles laissaient ouvert et sous lequel elles mettaient un T-shirt. Quand une patrouille approchait, elles fermaient le manteau.
On peut comprendre pourquoi les mollahs ont déversé 7000 agents en civil dans les rue de Téhéran à la mi-avril pour dénoncer les filles et les femmes qui contournent le code vestimentaire obligatoire. Mais même en civil, un agent du régime, on le reconnait à une centaine de mètres. Il y a eu tellement de protestations dansla population, que les querelles entre les factions du pouvoir à ce sujet n’en finissent pas.