Seule survivante d’une famille exterminée par le régime des mollahs, elle apporte un témoignage bouleversant
CSDHI – Dans la matinée du mardi 12 octobre, s’est tenue la 27ème audience du procès du bourreau Hamid Noury accusé de complicité dans le massacre de 1988. Lors de cette audience, Mme Khadijeh Borhani, dont deux frères ont été exécutés lors du massacre de 1988, a témoigné par vidéoconférence depuis le tribunal de Durres en Albanie. En effet, cette ancienne prisonnière politique, réside actuellement à Achraf-3, cité de la résistance iranienne.
Khadijeh Borhani est la fille de Seyyed Abolghassem Borhani, éminent religieux progressiste. Imam de la Grande Mosquée de Qazvine, dans le nord-ouest de l’Iran, cet homme de principe a eu l’immense douleur de voir ses six fils tués à la fleur de l’âge par la dictature religieuse. Accusés par les mollahs de « guerre contre Dieu » en raison de leur soutien à l’opposition démocratique, l’Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI), ces jeunes défendaient la liberté et la démocratie. Intolérable pour les extrémistes au pouvoir.
Il convient de noter que le régime de Khomeiny a défroqué Abolghassem Borhani, soulevant une vague de protestation dans la population de Qazvine, ville rasée à deux reprises par les Mongoles et détruite méthodiquement par leurs pendants actuels, les mollahs.
Seule survivante d’une fratrie de 7
Mme Khadijeh Borhani, seule survivante de la fratrie, a témoigné contre Hamid Noury, un des bourreaux du massacre de 1988. Elle a rappelé l’exécution de ses deux frères, Ahmad Borhani et Mohammad-Hossein tous deux passionnés de mathématiques. Au fil de son témoignage, elle a retracé le calvaire de sa famille.
Assisté par l’avocat suédois des parties civiles, Kenneth Lewis, elle a expliqué que le 26 avril 1981, son frère, Mohammad-Hossein Borhani, avait été arrêtée à Qazvine à l’âge de 17 ans alors qu’il vendait le journal de l’OMPI dans la rue. Les gardiens de la révolution avaient attaqué son petit stand. Tout un groupe de personnes avait été arrêté alors et embarqué dans un bus. Les gens arrêtés ont protesté contre l’attaque et les violences qu’elles avaient subies. Les gardiens de la révolution ont commencé à leur tirer dessus dans le bus, tuant une personne. Mohammad-Hossein a été condamné à la prison à vie. Cependant, en avril 1988, mes frères Ahmad et Hossein ont été transférés de la prison de Qazvine à celle de Gohardacht à Karaj où ils ont été condamnés à la peine capitale par la commission de la mort, prison où Hamid Noury facilitait les exécutions. »
D’un dictateur à l’autre
Dans ses mémoires, Khadijeh Borhani a raconté à propos de ses autres frères : « Mohammad Mehdi avait été arrêté par la police politique du chah en 1975. Il faisait partie des nombreux prisonniers libérés lors de la révolution de 1979. Il a été arrêté à nouveau en 1982, et une semaine plus tard, il est mort sous la torture.
Mon autre frère, Mohammad-Ali, était un génie. Il étudiait les mines à l’université de Shahroud. Au cours de ses deux premières années d’études, il a été invité à l’université de Téhéran en tant que professeur assistant. Il a été arrêté en août 1981, et 20 jours plus tard, après avoir été torturé, il a été exécuté à l’aube du 9 septembre 1981. Il a dû faire face à plusieurs simulacres d’exécution pendant ces vingt jours car ses bourreaux n’étaient pas sûrs de son appartenance politique. Lors d’un simulacre, Mohammad-Ali a crié : « A bas Khomeiny ! Vive Radjavi ! ». Les gardes l’ont immédiatement attrapé et se sont mis à le torturer sauvagement. Ils lui ont brûlé le dos avec des cigarettes pour graver sur son corps « A bas les hypocrites ». Après son exécution, ils nous ont restitué le corps à condition qu’il n’y ait ni funérailles ni cérémonie funèbre. Mon père a courageusement ignoré l’ordre et organisé sa cérémonie funéraire. Une foule importante a suivi son cercueil.
Mon autre frère, Mohammad-Mofidi, connaissait l’OMPI depuis 1973. Il a été tué dans un affrontement avec les gardiens de la révolution en 1988. Mon jeune frère Mohammad-Hassan avait 14 ans. Le 1er juillet 1981, il a été arrêté alors qu’il vendait une publication de l’OMPI. Il est resté en prison pendant trois ans et demi sans être condamné puis a été libéré. Nous avons décidé de rejoindre ensemble la cité d’Achraf de la résistance iranienne (qui se trouvait alors en Irak, à la frontière avec l’Iran). Plus tard, il a été tué lui aussi dans un affrontement avec les gardiens de la révolution en 1988.
Arrêtée à 12 ans
J’ai été arrêtée pour avoir soutenu l’OMPI à l’âge de 12 ans lors d’un raid de trente pasdarans à notre domicile. Ils ont fouillé et détruit de nombreuses pièces de la maison. J’ai été emprisonnée avec deux de mes frères. Ils n’avaient ni preuve ni témoin contre moi. Grâce aux multiples démarches de mon père, j’ai été libérée sous caution sur l’hypothèque de notre maison et un million de tomans.
Parce que ma famille était opposée au régime des mollahs, mon père, religieux progressiste, a subi d’énormes pressions et persécutions. Notre maison a été incendiée plusieurs fois et nous étions continuellement harcelés, jour et nuit.
Mon père s’est rendu à la cité d’Achraf, la cité de la résistance, en 2003, et lorsqu’il est revenu, il a été violemment persécuté. Il a fait une crise cardiaque, et il est mort à cause des pressions intolérables exercées par le régime. Les autorités avaient interdit la moindre cérémonie funèbre en sa mémoire. Mais on dit que 100 000 personnes ont suivi ses funérailles.
Huit crises cardiaques et une jambe brisée
Ma mère a fait huit crises cardiaques durant toute cette période, a poursuivi Khadijeh Borhani. Lorsque mes deux frères (massacrés durant l’été 1988) ont été arrêtés, mes parents se sont rendus de prison en prison, dans l’espoir de les trouver. Ils sont restés sans nouvelles pendant huit mois. Ma mère a été arrêtée à plusieurs reprises parce qu’elle ne cessait pas ses recherches. À un moment donné, les gardes lui ont brisé la jambe avec une barre de métal. Elle a été gravement blessée et a dû porter un plâtre pendant des semaines. À cause de ce calvaire, elle a développé la maladie de Parkinson qui a fini par l’emporter.
Bien que mes six frères aient été tués par la dictature des mollahs et que je souffre toujours de leur perte, ils étaient tous mes modèles et mes guides et je suis fière d’eux. Aujourd’hui je poursuis leur chemin. »
Parallèlement au procès d’Hamid Noury, les Iraniens épris de liberté et les familles des victimes, des partisans de l’OMPI, ont manifesté à Stockholm, en Suède, pour exiger le procès devant une cour de justice internationale des dirigeants du régime, notamment le guide suprême Khamenei et son président Ebrahim Raïssi, qui a été membre d’une commission de la mort dans le massacre de 1988.