Amnesty International, 30 mars – Les récents événements en Iran font craindre que les autorités n'utilisent une nouvelle fois les exécutions comme un instrument visant à étouffer l'agitation politique, intimider la population et adresser un message de non-tolérance vis-à-vis de la dissidence.
On a constaté un accroissement brutal du nombre d'exécutions lors des manifestations massives dénonçant le résultat de l'élection présidentielle de 2009. Bien que nombre d'exécutions correspondent à des infractions pénales commises avant ces troubles, elles adressent un message effrayant à ceux qui ont participé aux manifestations.
Cent douze personnes ont été mises à mort au cours des huit semaines entre le scrutin de juin et la réinvestiture du président Mahmoud Ahmadinejad début août – près d'un tiers du total des exécutions en 2009.
Sur l'ensemble de l'année 2009, pas moins de 388 prisonniers ont été exécutés en Iran – chiffre record enregistré par Amnesty International ces dernières années. Les chiffres recueillis par diverses organisations de défense des droits humains, dont Amnesty International, laissent à penser que le nombre annuel d'exécutions a presque quadruplé depuis l'arrivée au pouvoir du président Mahmoud Ahmadinejad il y a cinq ans. Bon nombre des personnes exécutées n'ont pas bénéficié de procès équitables.
« La constante augmentation du nombre d'exécutions à une période où l'Iran connaît les plus importantes émeutes populaires depuis la révolution islamique de 1979, ainsi que les nombreuses déclarations de responsables de l'État menaçant les manifestants d'être exécutés, témoignent de ce que les autorités iraniennes se servent une nouvelle fois de la peine de mort pour réduire au silence l'opposition et museler la dissidence », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d'Amnesty International.
LES PROCÈS POUR L'EXEMPLE
Une série de procès pour l'exemple a abouti à la pendaison de deux hommes en janvier. Il s'agit des premières exécutions pour lesquelles les autorités ont établi un lien direct avec les troubles actuels, bien qu'il soit plus tard apparu que les deux hommes se trouvaient déjà derrière les barreaux lors de l'élection présidentielle de juin 2009.
Ils ont notamment été reconnus coupables de mohareb (inimitié à l'égard de Dieu). Nasrin Sotoudeh, avocat de l'un des deux hommes, Arash Rahmanipour, a déclaré à Reuters : « Une mise à mort aussi rapide et précipitée ne saurait avoir qu'une seule explication […] Le gouvernement tente d'empêcher le mouvement d'opposition de gagner de l'ampleur en usant de la peur et de l'intimidation. »
L'inculpation de mohareb, infraction définie en termes vagues, est de plus en plus invoquée. Selon Philip Alston, rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, cette inculpation est imposée « pour un large éventail de crimes, souvent assez ambigus et généralement à caractère politique ».
Au moins neuf autres personnes, condamnées à mort à la suite des manifestations de masse qui ont démarré à l'été 2009 et se poursuivaient à la fin de l'année, se trouveraient dans l'antichambre de la mort.
Les récents commentaires du procureur de Téhéran Abbas Jafari Dowlatabadi n'ont fait qu'attiser les doutes quant aux motifs politiques sous-tendant les condamnations. En faisant référence à la condamnation à mort d'un groupe de manifestants, il a affirmé : « Aujourd'hui, le système islamique a fermement remis à leur place ses opposants et ses détracteurs. Les Iraniens ne permettront plus que de tels événements se produisent dans leur pays. »