TEHERAN, 4 déc (AFP) – Trois journalistes réformateurs iraniens récemment libérés ont écrit à la justice ultra-conservatrice des lettres de repentance dans lesquelles ils disent que des "contre-révolutionnaires" et des étrangers leur ont "lavé le cerveau", a rapporté la presse samedi.
"J'ai eu le cerveau lavé par des éléments radicaux, mes relations avec des contre-révolutionnaires et mes entretiens avec des radios étrangères", a écrit Omid Memarian dans sa lettre, citée par plusieurs journaux. "Je me suis fait piéger, ainsi que des gens comme moi, par ceux qui n'étaient préoccupés que de leur intérêt politique personnel et qui se sont servis de nous comme de marionnettes", a confessé de son côté Roozbeh Mir-Ebrahimi, selon la presse.
"J'ai insulté le Guide suprême par le passé. On m'a fait croire que tous les problèmes sur le chemin de la réforme provenaient de la tête du régime", a-t-il ajouté.
"J'ai propagé des mensonges et j'ai été encouragé à le faire par ceux qui attaquent le régime islamique depuis des années", a avoué Chahram Rafizadeh, selon les journaux.
Selon Kayhan, quotidien ultra-conservateur de l'après-midi, M. Rafizadeh cite nommément les personnalités réformatrices Mostafa Tajzadeh et Behzad Nabavi comme l'ayant influencé dans ses écrits contre le régime.
L'avocat des trois hommes n'a pu être joint pour confirmer le contenu de ces lettres.
MM. Memarian et Rafizadeh ont recouvré la liberté mercredi soir contre une caution de 500 millions de rials (56.800 dollars), a indiqué l'agence estudiantine Isna.
Roozbeh Mir-Ebrahimi avait été relâché la semaine précédente en échange d'un caution de 300 millions de rials (34.000 dollars).
Tous trois avaient été arrêtés au cours d'une campagne de la justice contre les journalistes accusés de propagande contre le régime, d'atteinte à la sécurité nationale, de trouble à l'ordre public ou encore d'insulte aux valeurs religieuses sacrées.
L'offensive de la justice, coïncidant avec la reprise en main par les conservateurs vainqueurs des législatives de février, a visé en particulier internet, un des moyens d'information privilégiés par les Iraniens.
M. Memarian dirigeait ainsi un site avant d'être arrêté le 10 octobre. M. Mir-Ebrahimi, ancien responsable des pages internationales du quotidien réformateur Etemad, écrivait lui aussi sur la toile avant son arrestation le 27 septembre.
M. Rafizadeh, responsable de la section culturelle du journal Etemad ("Confiance"), avait été arrêté le 7 septembre.
Les confessions publiques, comme celles qui ont suivi immédiatement la Révolution ou les manifestations étudiantes de 1999 et que diffusait la télévision, s'étaient faites plus rares ces dernières années, quand les réformateurs dominaient le Parlement.
Le quotidien réformateur Shargh avait été autorisé à reparaître début 2004 après avoir reconnu qu'il n'aurait pas dû reproduire un brûlot de parlementaires. Ces derniers s'interrogeaient, fait sans précédent, sur le rôle du Guide suprême, l'intouchable ayatollah Ali Khamenei, dans l'invalidation de la plupart des candidatures réformatrices aux législatives, prélude à la victoire des conservateurs.
Selon la presse, deux des "repentis" démentent avoir été maltraités en détention.
"Il est totalement faux que nous ayons été maintenus à l'isolement", a écrit M. Mir-Ebrahimi, nommant ses co-détenus.
"On ne m'a pas maintenu à l'isolement, j'ai été traité très cordialement par les responsables de la prison qui nous ont fourni tout ce dont nous avions besoin, et même une télévision", dit M. Rafizadeh.
"Je n'ai rien trouvé que du respect et de la gentillesse de la part de ceux à qui nous avions affaire au cours de la détention. Je veux les remercier de cette gentillesse", dit M. Mir-Ebrahimi.
"J'ai compris mes erreurs et je regrette ce que j'ai fait", ajoute-t-il.
"J'espère pouvoir réparer mes erreurs comme le système judiciaire m'en donne la chance", dit la lettre de Memarian.