CSDHI – Quelques 95 membres du parlement iranien (Majlis) ont déposé le dimanche 2 décembre une motion qui resserrerait l’emprise du gouvernement iranien sur les services de messagerie nationaux et étrangers. Le projet de loi doit être annexé à l’article 67 du sixième plan de développement de l’Iran, qui porte, dans l’ensemble, sur ce que l’Iran appelle le réseau d’information national, un intranet qui limiterait l’accès des iraniens au réseau Internet mondial.
L’Iran limite et contrôle étroitement l’accès à Internet depuis près de deux décennies ; à la fois pour des raisons politiques et aussi pour « protéger » les Iraniens des « influences corrompues », ce qui signifie un contenu sexuel et de la culture occidentale.
L’état-major interarmées des forces armées iraniennes suit également un plan visant à contrôler le cyberespace grâce à des « gardes-frontières virtuels ». Le plan est supposé provoquer une situation dans laquelle des organisations parallèles essaieront de contrôler l’accès et l’utilisation d’Internet par les Iraniens.
Il existe une myriade d’organismes de renseignements, militaires, policiers et autres impliqués dans le contrôle et la censure d’internet.
Les tentatives de contrôle des services de messagerie ont commencé en janvier 2017 et ont finalement abouti à un document intitulé « Politiques et mesures concernant les services de messagerie sociale », directive établie par le Conseil suprême du cyberespace, un organisme dont les ratifications sont approuvées par le Guide suprême, l’ayatollah Khamenei.
La sensibilité du régime à l’égard des applications de messagerie s’est intensifié, début 2018, alors que la libre circulation de l’information jouait un rôle majeur dans les manifestations massives en Iran.
Le plan proposé au Parlement d’ « organiser » le cyberespace suggère de créer un comité de surveillance semblable au conseil de surveillance de la presse, qui contrôle les médias – autrement dit, limite la liberté de la presse. Le comité de surveillance du cyberespace comptera 13 membres représentant des organisations radicales proches de Khamenei, telles que le pouvoir judiciaire, la télévision officielle, les pasdarans, l’organisation de propagande islamique, la police, la défense civile et le séminaire de Qom ».
Ce comité disposera de tous les pouvoirs précédemment exercés par le Comité contre la cybercriminalité, le Centre national pour le cyberespace et le Bureau du Procureur, et pourra ordonner au pouvoir judiciaire de punir ceux qui violeraient ses ratifications.
Le comité punira tous ceux qui ont mis en place des canaux dans des applications interdites telles que Telegram. Les autres personnes souhaitant configurer des canaux dans des services de messagerie autorisés doivent obtenir une licence du comité.
Avant que Telegram ne soit filtré en février 2018, les iraniens avaient établi quelques 750 000 canaux sur l’application populaire. C’est une indication du travail impossible auquel le comité est confronté.
Sur la base de cette loi, les services de messagerie étrangers pourraient être autorisés à opérer en Iran après l’achèvement du réseau national d’informations en mars 2020, comme l’avait promis le ministre des télécommunications, Mohammad Javad Azari Jahromi.
La partie la plus controversée du plan consiste à confier aux garde-frontières numériques la responsabilité du cyberespace. Il s’agit d’un organe devant être créé par l’état-major des forces armées sur approbation de Khamenei. Le plan ajoute une couche supplémentaire de contrôle sur le cyberespace.
Gholamreza Jalali, chef de la défense civile iranienne, a annoncé en octobre qu’un siège de la cyberdéfense va être créé pour protéger les frontières virtuelles du pays.
Khamenei a déjà approuvé la création de ce quartier général en 2013. Le commandant du quartier général sera nommé par Khamenei, une fois que Jalali l’aura installé.
Le projet de loi proposé par les députés oblige les importateurs de téléphones portables à préinstaller par défaut les applications de messagerie locales sur les nouveaux téléphones. Il suggère en outre de relier les messageries au système bancaire du pays pour les rendre plus utiles.
Selon Jahromi, les applications de messagerie iraniennes peuvent desservir un maximum de 1,5 million d’utilisateurs, alors que Telegram comptait quelque 40 millions d’utilisateurs en Iran, dont quelques millions ont quitté l’application après son interdiction, mais d’autres l’utilisent toujours via des logiciels VPN qui contournent le filtrage.
Le filtrage a été introduit en Iran sous le président réformiste Mohammad Khatami dans les années 2000, lorsque le blogging est devenu populaire. La plus grande répression de l’activisme sur Internet a été entreprises sous la présidence du radical Mahmoud Ahmadinejad, après les élections contestées de 2009.
Le président pragmatique Hassan Rohani, qui a remporté son élection grâce à sa campagne sur Telegram, n’a pas réussi à la protéger de ses rivaux conservateurs. Son gouvernement a tenté de contrôler l’activisme sur Internet en inculpant deux fois plus l’utilisation de données sur des messageries et des applications étrangères par rapport au taux de consommation de données sur des sites de messagerie et des services de messagerie locaux.
Les Iraniens ont largement utilisé des applications de messagerie telles que Telegram pour mobiliser des militants et organiser des manifestations de protestation au cours de l’année écoulée.
Source : Radio Farda, 4 décembre 2018