CSDHI – Le 8 avril, l’Iran Human Rights Monitor a annoncé qu’au moins quatre personnes dans la capitale iranienne avaient été arrêtées pour avoir parlé des conséquences des récentes inondations en Iran et de la réponse inadéquate du gouvernement.
Les chiffres officiels indiquent qu’au moins 70 personnes ont été tuées dans des inondations qui ont touché la presque totalité des 31 provinces iraniennes, mais les détracteurs du régime théocratique l’accusent de minimiser le nombre de morts, en réalité trois fois plus élevé. Nombre de ces mêmes critiques soulignent que des institutions gouvernementales telles que le Corps des gardes de la révolution islamique (les pasdarans) ont mis davantage l’accent sur la gestion de la colère publique face à une situation exacerbée par la mauvaise gestion des infrastructures et des ressources que sur l’aide apportée aux victimes.
Cette accusation a été étayée au cours des derniers jours de mars, lorsque des médias, dont le Centre iranien des droits de l’homme, ont annoncé que les autorités avaient expressément averti les citoyens de la possibilité de poursuites s’ils publiaient des informations sur leurs expériences sur les médias sociaux ou s’ils communiquaient publiquement sur les activités du régime à la suite des inondations. Le rapport de l’IHRM indiquait ensuite que les mêmes autorités avaient donné suite à ces menaces en procédant à des arrestations tout en contredisant les récits des citoyens par le biais de réseaux de propagande officielle.
Le rapport cite Hossein Rahimi, le commandant des forces de sécurité de l’Etat, louant les secours fournis par le gouvernement et décriant la population qui aurait exploité la situation pour saper la confiance dans le gouvernement. « Tous les responsables, y compris les responsables gouvernementaux et les forces armées, ont fait de gros efforts pendant les inondations, mais malheureusement, certaines personnes ont sapé leur image », a-t-il déclaré avant d’annoncer les arrestations opérées avec l’aide de la cyber police du pays.
L’IHRM a également fait référence à d’autres responsables de l’application de la loi pour démontrer que la priorité déclarée des autorités du régime était de maintenir la « sécurité » de l’État en pleine crise, ce qui a contribué à attiser l’indignation de la population. En effet, dans un rapport publié le 3 avril par EA Worldview, le général Mohammad Pakpour, chef des forces terrestres des pasdarans, a déclaré que « la population est d’humeur rebelle » au milieu des inondations et des efforts de rétablissement non coordonnés.
Face à cet outrage, certaines autorités ont reconnu qu’il leur fallait simplement éviter les populations touchées par les inondations – une situation qui, à son tour, a incité de nombreux citoyens à prendre l’initiative d’offrir des secours. Toutefois, comme l’a révélé l’organisation populaire iranienne l’Organisation des Mojahedin du Peuple d’Iran, cela a entraîné un conflit entre les pasdarans et les habitants de certaines régions, quant à savoir s’il fallait détourner les eaux de crue des maisons et des terres agricoles ou des infrastructures industrielles contrôlées par les pasdarans eux-mêmes. Les efforts déployés par l’IRGC pour démolir les écluses fabriquées par des civils ont conduit à de violents affrontements dans la province du Khouzistan. Les gardes ont tiré sur la foule, blessant plusieurs personnes et tuant une aurtre.
Dans les jours qui ont suivi ces informations, de nouvelles preuves sont apparues montrant que les pasdarans et d’autres forces de sécurité s’opposaient activement aux efforts de secours menés par des civils et les criminalisaient. Selon d’autres informations datées du 8 avril, l’IHRM notait que deux habitants d’un village du Khouzistan avaient été arrêtés alors qu’ils apportaient de l’aide aux victimes des inondations. Le motif de leur arrestation par les autorités n’était pas clair, mais il est peut-être important de savoir que les deux personnes arrêtées ont été identifiées comme des membres de la minorité arabe iranienne.
D’autres informations de l’IHRM indiquent que, dans un autre village du Khouzistan, un doyen du nom de Khalaf Mardani a été arrêté et transporté dans un lieu tenu secret après avoir tenté d’empêcher les pasdarans de détruire des écluses fabriquées par des civils. La décision d’arrêter cet individu en particulier peut avoir été motivée en partie par son statut de cheikh tribal, dans la mesure où elle envoie un message au reste de la population et exerce ainsi une pression sur l’ensemble de la communauté arabe ahwazie.
Bien sûr, ce type de pression est également exercé par les inondations elles-mêmes, le Khouzistan étant l’une des régions les plus durement touchées. Comme Asharq al-Awsat l’a souligné vendredi, la catastrophe a aggravé l’adversité préexistante pour les communautés arabes ahwazies, d’autant plus que le gouvernement semble réticent à déclarer l’état d’urgence alors même que la ville d’Ahwaz est menacée par la convergence de deux rivières proches. Le rapport souligne que les personnes déplacées localement souffrent d’un manque de nourriture et d’aide, face à une crise que beaucoup attribuent en grande partie à une mauvaise gestion systématique.
Dans le contexte des informations précédentes sur la répression exercée par Téhéran sur la population arabe, les dernières nouvelles en provenance de la province du Khouzistan peuvent suggérer que l’absence de secours est, dans une certaine mesure, intentionnelle. Le 26 mars, alors que la crise des inondations commençait à peine, IHRM a rendu compte de la récurrente répression de la communauté arabe ahwazie, en particulier à la suite de l’attaque d’un défilé militaire perpétrée en septembre par un groupe armé séparatiste. Cette attaque aurait ouvert la voie à des perquisitions et à des arrestations, sans mandat et discriminatoires, de familles entières étant parfois détenues indéfiniment.
De la même manière que le défilé militaire a fourni une excuse à l’intensification de la pression sur l’une des minorités déjà marginalisées de l’Iran, les inondations dans le Khouzistan peuvent être considérées comme une opportunité. On peut soutenir que cette perception est corroborée par l’annonce que Qassem Soleimani, le chef de la Force Qods des pasdarans, passerait un mois à superviser les efforts de relance dans le Khouzistan, ainsi que dans le Lorestan. Les pasdarans qui avaient été la cible de l’attaque séparatiste de septembre, sont également l’un des moteurs de la répression généralisée actuelle contre la communauté locale.
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Source : INU