CSDHI – Au cours des dix derniers jours, des détenus ont déclenché une mutinerie dans diverses prisons en Iran pour fuir le milieu carcéral surpeuplé touché par l’épidémie du coronavirus. Les informations locales indiquent que plus d’une centaine de prisonniers ont réussi à s’évader à travers le pays, et qu’un grand nombre ont aussi été tués ou blessés par des gardiens de prison.
La prison Parsilon à Khorramabad, celles d’Aligoudarz, de Tabriz, de Saqqez, de Hamedan, de Mahabad, d’Oroumieh, le pénitencier du Grand Téhéran et la prison Adel-Abad de Chiraz ont connu des mutineries ces derniers jours.
Concernant la négligence et l’incompétence du gouvernement à empêcher le coronavirus de se propager dans les prisons, les autorités ont laissé les prisonniers devant un choix simple. Mourir en silence du coronavirus ou se mutiner pour fuir la prison et sauver leur vie. En particulier, les dissidents politiques, les prisonniers d’opinion, les jeunes manifestants arrêtés lors du soulèvement de novembre et les militants des droits humains constituent un très grand nombre de prisonniers en Iran.
À la veille de Norouz, le 19 mars, les mutineries ont commencé par la prison Parsilon à Khorramabad, dans la province du Lorestan. Ils ont réussi à saisir une opportunité grâce à la négligence des gardiens de prison. Vingt-trois prisonniers se sont échappés, et deux détenus ont été abattus. L’un d’eux a perdu la vie, et l’autre, blessé, a été rattrapé par les gardiens.
Un jour plus tard, la prison d’Aligoudarz, dans la même province, a connu une émeute. Les prisonniers ont réussi à désarmer quelques gardiens et se sont battus contre les autres.
Le 27 mars, des informations sur une mutinerie dans la prison centrale de Tabriz, au nord-ouest de l’Iran, ont circulé dans les médias sociaux. Le même jour, les prisonniers de la prison de Saqqez ont déclenché une rébellion et plus de 70 d’entre eux ont réussi à s’évader. « Au coucher du soleil ce vendredi, environ 70 prisonniers se sont échappés d’une prison de la ville de Saqqez », a déclaré le procureur général de la province du Kurdistan, Mohammad Jabbari, à la presse un jour plus tard. « Nous avons pris les mesures nécessaires pour capturer les fugitifs », a-t-il ajouté.
En outre, le même jour, étant donné l’épidémie de coronavirus dans le pénitencier du Grand Téhéran et la contamination et la mort de plusieurs prisonniers, les détenus se sont munités dans le quartier n°1. Immédiatement, les gardiens et les forces spéciales ont attaqué la section et détruisants tout ce qui appartenait aux prisonniers sous prétexte d’inspection. Les autorités ont coupé la communication avec les familles et ont exercé des pressions excessives.
Présence de prisonniers en villes
Les autorités n’ont pas hésité à dire que « les fugitifs sont contaminés au coronavirus » pour les isoler et empêcher la population de les aider. Cependant, les citoyens n’ont pas prêté attention aux affirmations des responsables et, contrairement aux attentes du gouvernement, les gens ont aidé les évadés en les cachant dans des lieux sûrs.
De plus, le procureur général Mohammad Jabbari s’est efforcé en vain, d’assouplir la peine des fugitifs : « les fugitifs bénéficieront de la clémence et de rabais légaux, et leur évasion n’affectera pas leur amnistie s’ils retournent volontairement à la prison. Cependant, s’ils ne reviennent pas, ils seront arrêtés et condamnés pour leur évasion, en plus de leurs délits précédents. En outre, ils ne seront pas inclus dans la liste des amnisties », a-t-il martelé.
Les autorités iraniennes ne sont préoccupées que par les prisonniers politiques et d’opinion car aucun n’a commis d’infractions, contrairement aux forces de sécurité, en particulier les gardiens de la révolution (pasdarans) et les agents du ministère du Renseignement (Vevak).
Par exemple, lors du soulèvement de novembre en Iran, les forces de sécurité ont tué plus de 1 500 manifestants dans la rue ; cependant, aucun agent ni commandant n’a été tenu pour responsable. Au lieu de cela, le guide suprême Ali Khamenei a salué le rôle des forces qui lui sont loyales et a qualifié les manifestants d’émeutiers pour justifier la violente répression à leur encontre.
En outre, en janvier, les forces armées a admis son rôle dans la destruction d’un avion de ligne ukrainien avec ses 176 personnes à bord. Le commandant de la force aérospatiale des pasdarans, Amir-Ali Hajizadeh, a révélé au bout de trois jours de secret et de mensonges que l’avion de ligne avait été détruit par des tirs de missiles des pasdarans. Cependant, personne n’a accepté d’en assumer la responsabilité ; personne n’a été jugé, personne n’a démissionné. Ironiquement, les plus hauts responsables comme le président Hassan Rohani et son ministre des affaires étrangères Mohammad Javad Zarif ont salué la transparence « sans précédent » des forces armées.
D’autre part, les pasdarans et les plus hauts responsables sont impliqués dans la contamination au coronavirus de l’Iran par la Chine et la dissimulation des informations à ce sujet. Cependant ils ont accusé, arrêté et condamné plusieurs personnes ayant révélé la vérité et lancé des alertes à la population. Dans cette affaire, aucun responsable n’a été poursuivi en justice ni poir dissimulation ni pour le marché noir des produits médicaux essentiels tels que masques, blouses, gants et liquide désinfectant.
Échec des mesures inhumaines du système judiciaire
Après l’évasion d’un nombre important de détenus, le chef du pouvoir judiciaire, Ebrahim Raissi, a tenu une réunion spéciale sur les prisons dans la soirée du 28 mars, avec le commandant en chef des forces de sécurité Hossein Ashtari, le premier chef adjoint du pouvoir judiciaire Gholam-Hossein Mohseni-Eje’i, le procureur général Mohammad-Jafar Montazeri, le chef de l’organisation pénitentiaire Asghar Jahangir et plusieurs responsables judiciaires.
Raissi a ordonné au procureur général d’arrêter immédiatement les fugitifs et de les renvoyer en prison en plus de mettre en place une surveillance plus solide dans tous les etablissements pénitentiaires du pays. Il a notamment souligné de le faire à la prison de Saqqez, où de nombreux prisonniers d’opinion sont détenus. Il a également demandé à Montazeri de trouver les coupables et de les réprimer durement.
Malgré tous les avertissements et mesures répressives, les prisonniers de Hamedan ont déclenché une mutinerie et mis le feu à l’intérieur de la prison pour fuir . Plusieurs prisonniers ont réussi à s’échapper, au moins deux ont été tués et un autre blessé, selon des informations locales.
« Cet événement a eu lieu l’après-midi d’hier et s’est prolongé jusqu’au soir », a déclaré le 29 mars le site officiel Entekhab, cité par le procureur général de la province de Hamedan.
Le 28 mars, des prisonniers de la ville de Mahabad, dans l’ouest de l’Iran, se sont à leur tour mutiné et ont réussi à s’évader. Ils ont désarmé plusieurs gardiens et mis le feu à l’intérieur de la prison. Des vidéos montrent de la fumée sortant de la prison et des tirs qui retentissent. Les informations indiquent que les habitants ont aidé les prisonniers à s’évader. Après l’évasion de plusieurs prisonniers du deuxième étage, les forces de renseignement ont encerclé la zone et tiré sur les autres prisonniers. Les gardes ont fait deux morts et trois blessés. Ils ont également tiré des gaz lacrymogènes, ce qui a causé de graves problèmes respiratoires à plusieurs détenus et mis un certain nombre au bord de la suffocation.
Le message des évasions
Contrairement aux affirmations du gouvernement sur la sécurité, l’évasion de prisonniers montre la faiblesse de du pouvoir en place. Les autorités n’ont réussi à réprimer le soulèvement national de novembre qu’en recourant à une répression aveugle, en tuant plus de 1 500 manifestants et en arrêtant au moins 12 000 autres.
À cet égard, l’évasion des prisonniers dans de nombreuses prisons, qui sont un pilier de l’appareil répressif du pouvoir, signifie que le contrôle échappe aux mollahs. Cela a conduit la population à exprimer sans ambages sa colère et à résister aux mesures inhumaines du gouvernement.
Les observateurs ont qualifié cette transition de nouvelle impasse pour le pouvoir, qui vient s’ajouter aux autres impasses dans les affaires économiques, politiques et sociales. Cependant, celle-ci est beaucoup plus importante que tous les échecs précédents qui menace de manière vitale la survie du fascisme religieux.
Source : Iran Focus (site anglais)