CSDHI- Issue d’une famille intégriste en Iran, Azam se révolte et prend le parti de résister à la dictature religieuse qui se met en place et dans laquelle ses frères sont gardiens de la révolution. Khomeiny aura réussi à diviser les familles. Cet extrait du livre captivant de l’Ecossais Struan Stevenson dépeint ce drame qui a déchiré plus d’une famille en Iran. Des pères ont exécuté leurs enfants, des frères ont arrêté leurs sœurs, les ont torturées et livrées au bourreau. Voici l’histoire d’une de ces femmes résistantes en Iran :
« Je m’appelle Azam Hadj-Heydari. J’étais enseignante car je voulais servir mon peuple. Mon école était située dans un quartier défavorisé du sud de Téhéran. Chaque matin, mes élèves décrivaient la douleur d’être privés de la liberté qu’ils avaient cru obtenir en se débarrassant du chah. Alors j’ai cherché une nouvelle direction et j’ai trouvé l’OMPI, les Moudjahidine du peuple d’Iran, l’opposition démocratique aux mollahs.
Quatre ans plus tard, le régime m’a arrêtée et a dressé tous les membres de ma famille les uns contre les autres. On a tenté de poursuivre notre objectif de manière pacifique. A l’âge de 21 ans, j’ai été arrêtée quatre fois et emmenée dans des endroits anonymes. J’ai été torturée dans une prison secrète, inaugurée par Khomeiny. Les maisons ayant appartenu au chah avaient été converties en prisons secrètes. J’y suis restée pendant 15 jours et on ne m’y a donné que de l’eau, sans aucune nourriture. On nous a dit qu’il fallait oublier toute idée de liberté et que l’objectif de la révolution était d’instaurer le règne absolu du clergé. On m’a finalement jetée dans la rue, sans chaussures, et j’ai dû rentrer chez moi à pied.
Au cours de l’été de 1981, je marchais dans une rue de Téhéran lorsque soudain j’ai aperçu mon frère. Je savais qu’il me trahirait car il était contre l’OMPI. À 1h30 du matin, je me suis rendue chez ma tante. Un quart d’heure plus tard, la sonnette retentissait. J’ai regardé par la fenêtre et j’ai vu que la place était encerclée par les gardiens de la révolution. Mon frère se tenait parmi eux. Dix minutes après, ils tambourinaient à la porte. Cassant la vitre, ils ont pénétré dans la maison. Ils nous ont arrêtés, mon cousin et moi. On nous a bandé les yeux et on nous a emmenés.
On a roulé en rond pendant des heures pour nous empêcher d’identifier notre destination. J’ai finalement été placée dans une cellule d’un mètre carré. On me passait par la porte chaque jour une assiette sale et cassée avec de la nourriture. J’ai été détenue pendant 25 jours et je n’étais autorisée à sortir que pour mes prières.
Un jour, j’ai entendu quelqu’un crier et j’ai réalisé qu’il s’agissait de ma sœur aînée. Ils la menaçaient et la torturaient pour me mettre la pression. On l’avait installée sur une chaise électrique, dans l’espoir de la forcer à révéler des informations sur mon compte, mais ni elle ni moi n’avons jamais parlé. Un mois plus tard, on nous a fait sortir de nos cellules pour nous mélanger aux prisonniers de droit commun. Ma sœur était détenue dans une cellule en face de la mienne. Ils ne cessaient de nous menacer de nous tuer. Vingt jours plus tard, ma sœur et moi avons été bâillonnées et transférées à la prison d’Evine.
Là-bas, on nous a torturées. En 1982, il a gelé en hiver. Il y avait 500 personnes dans notre bloc. Chaque semaine, on avait droit à dix minutes de douche froide. Il y avait des femmes âgées de 80 ans, des femmes enceintes, des personnes horriblement mutilées par la torture et des enfants de quatre ans. Le régime exigeait un silence total en guise de torture psychologique. Il y avait des barreaux aux fenêtres mais aucune ne laissait entrer la lumière. Malgré tout cela, nous étions néanmoins remplies d’énergie et décidées à poursuivre la lutte. Un jour, ils ont fait sortir 80 d’entre nous des cellules et les ont obligées à se tenir debout dans une neige épaisse, de 6h00 à 9h00 du matin. Le froid était insupportable. Une autre nuit, je me suis rendue compte que Massoumeh Azdanlou, la sœur de Maryam Radjavi, était en train de taper au mur de la cellule voisine pour délivrer une sorte de message. Elle était enceinte et avait subi de graves tortures. Elle disait : «Soyez courageuse et rappelez-vous que les résistants de l’OMPI ne se lassent jamais de lutter.» Ils avaient placé des serpents vivants dans sa cellule pendant quatre jours, mais ils ne lui avaient fait aucun mal. Elle a été exécutée peu de temps après.
Pendant une semaine, on nous a forcées chaque jour, pendant toute la journée, à nous tenir debout dans la neige. J’ai été transférée dans une autre prison et placée dans une minuscule cellule où je suis restée huit mois, dans un silence total. La punition pour le moindre bruit était un violent passage à tabac. Un garde du nom de Mohammad nous battait avec des matraques et nous menaçait de nous garder jusqu’à ce que nos dents deviennent noires et nos cheveux blancs. En fin de compte, au bout de dix années d’emprisonnement, ma sœur et moi avons été relâchées. Je me suis enfuie d’Iran, mais la torture m’avait rendue incapable de marcher normalement. Après avoir quitté l’Iran, j’ai rejoint les rangs de la résistance en Irak. »
* Iran, Self-Sacrifice, (en anglais) de Struan Stevenson, aux éditions Birlinn www.birlinn.co.uk