Reporters sans Frontières – RSF condamne les tentatives du gouvernement iranien de réduire au silence les médias étrangers après avoir émis des sanctions à leur encontre, dans des pays comme la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Ces sanctions mettent en évidence une autre manière dont le régime continue de réprimer les médias libres et indépendants, déclare RSF.
« Les autorités iraniennes ont maintenant élargi l’étendue de leurs combats avec les médias indépendants. Chaque jour nous voyons de nouvelles restrictions imposées aux médias et aux journalistes, et l’ampleur de cette répression s’étend au-delà de ses frontières », a déclaré Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. « La violation des droits des médias et des journalistes indépendants aura des conséquences dans de nombreux aspects de leurs relations avec le reste du monde. RSF unit sa voix à celle des médias indépendants en Iran et hors d’Iran.
Suite aux protestations et aux troubles généralisés en Iran, le gouvernement iranien a renforcé sa répression contre les voix critiques en imposant des sanctions aux médias internationaux. Annoncées le 26 octobre, les versions persanes du radiodiffuseur allemand Deutsche Welle et de Radio France Internationale (RFI) ont été soumises à des interdictions de visa et à la confiscation de leurs biens et avoirs en République islamique d’Iran. Pour l’instant, ces sanctions à l’encontre des deux médias en Iran ont peu d’impact, puisque leurs bureaux locaux respectifs sont fermés depuis 2009.
Les rédacteurs en chef du journal BILD en Allemagne, Johannes Boie et Alexandra Würzbach, ont également été personnellement cités dans la liste des sanctions. Cette nouvelle fait suite aux sanctions annoncées précédemment à l’encontre de médias basés au Royaume-Uni, notamment BBC Persian, Iran International et leur société mère Volant Media, ainsi que les conglomérats médiatiques Global Media et DMA Media.
Les journalistes travaillant pour ces médias, qui n’avaient déjà pas la possibilité de se rendre en Iran, seront désormais dans l’impossibilité légale de voyager. De plus, ils risquent d’être affectés s’ils possèdent encore des biens personnels en Iran. RSF s’inquiète du fait que cette attaque ciblée aura également un impact sur les familles des journalistes qui restent en Iran et qui courront désormais des risques supplémentaires.
Les sanctions représentent une intensification de la répression à l’encontre des journalistes qui s’élèvent contre le gouvernement iranien. Un mois après le début des manifestations et des troubles en Iran, RSF a indiqué que l’Iran était désormais le troisième plus grand geôlier de journalistes au monde, avec 43 journalistes emprisonnés en Iran. La Chine, avec 102 journalistes, et le Myanmar, avec 67 journalistes, sont les deuxièmes et troisièmes plus grands geôliers de journalistes.
Iran International TV, un média basé au Royaume-Uni qui a déjà fait l’objet de sanctions, a documenté un nombre croissant de menaces proférées par de hauts responsables depuis le début du soulèvement. Le 10 octobre, le major général du Corps des gardiens de la révolution islamique, Hossein Salami, a déclaré : « Nous avertissons ceux qui gèrent ces systèmes de diffusion de nouvelles et de propagation de mensonges pour le chaos à l’intérieur de notre pays de cesser ces comportements. Vous nous avez déjà jugés, faites attention car nous venons pour vous ».
Sanctionner les médias déjà bloqués
Les sanctions imposées à RFI et Deutsche Welle s’ajoutent au blocage de leurs sites web que la République islamique d’Iran impose à ces deux médias internationaux depuis de nombreuses années.
Le site officiel de RFI a déjà été bloqué à plusieurs reprises par des régimes autoritaires comme la Russie ou le Mali et l’Iran. RSF l’a débloqué avec son opération Collateral Freedom, et son édition en farsi est accessible ici.
La télévision publique allemande Deutsche Welle est également une cible privilégiée des ennemis de la liberté de la presse dans le monde. Son édition en farsi est déjà accessible via le site miroir créé par RSF cette année dans le cadre d’un partenariat entre les médias allemands et l’organisation de défense de la liberté de la presse. Deutsche Welle a l’habitude de contourner la censure sur Internet pour apporter une information libre et indépendante aux personnes vivant sous des régimes autoritaires. C’est pourquoi la Deutsche Welle a travaillé avec le logiciel de contournement de la censure Psiphon et propose également un service dit « en oignon », qui permet aux utilisateurs de visiter anonymement son site web via le navigateur Tor. Un aperçu de la manière dont la Deutsche Welle recommande aux utilisateurs de contourner la censure est disponible ici.
L’Iran occupe depuis longtemps l’un des pires classements au monde en matière de liberté de la presse, à la 178e place sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022.