CSDHI – Nasser Rezai, un poète kurde de 25 ans, vivait à Fardis, près de Téhéran, lorsqu’il a été tué dans les manifestations de novembre 2019. Quinze minutes avant sa mort, Nasser Rezai avait appelé son frère pour lui parler des émeutes dasn la grande ville de Karadj.
Le frère de Nasser dit avoir participé à des manifestations, mais « sa nature poétique et civique » ne lui permettrait pas d’exprimer ses revendications autrement que pacifiquement.
« Ma mère ne fait que pleurer. Mon père étreint la photo de Nasser et se rend chaque matin sur sa tombe. Cette tragédie déchire notre famille. Sa femme est dans la même situation. Nous avons enterré Nasser à 11 heures du soir. »
Mansour a dit que son frère avait participé aux manifestations, mais qu’il s’est avait agi pacifiquement. Sa nature poétique et civique, dit Mansour, ne lui permettait pas d’exprimer ses revendications autrement.
Quinze minutes après l’appel de Nasser, Mansour s’inquiète et appelle son téléphone portable pour voir s’il va bien ; quelqu’un d’autre répond : « Nasser a été abattu. Il a été touché par une balle dans l’œil droit. Il ne respire plus et je l’emmène à l’hôpital Ghaem. Venez ! »
La famille Rezai vit dans la ville de Qorveh, dans la province occidentale du Kurdistan, loin de Karadj. Mansour et son père sont immédiatement partis pour Karadj. En route, Mansour a appelé le numéro de la personne qui avait emmené Nasser à l’hôpital pour lui poser des questions sur son frère.
« J’ai remis les effets personnels de Nasser à l’hôpital et je n’ai plus de nouvelles de lui », a déclaré cette personne. « On nous a dit que Nasser était parti. »
Le père et le frère de Nasser sont arrivés à l’hôpital Ghaem de Karadj vers 22 heures et ils ont vu qu’il était bondé de gens. Une foule attendait dehors – mais les portes étaient fermées et personne n’était autorisé à entrer, sauf les ambulances et le personnel médical. Les ambulances allaient et venaient constamment.
« Nous sommes rentrés dans l’hôpital à 6 heures du matin le lundi 18 novembre », explique Mansour. « Nous sommes entrés et nous avons demandé où était Nasser. Vers 7 heures du matin, ils nous ont dit que le corps de Nasser avait été transféré à la morgue du cimetière de Behesht-Sakineh et que nous devions y aller. Après quelques formalités administratives, la morgue nous a remis le corps vers 17 heures. »
Ebrahim, le père de Nasser, a dû signer des papiers dans lesquels il promettait que son fils serait enterré sans cérémonie et en silence, et qu’aucune cérémonie funèbre n’aurait lieu. La famille a enterré Nasser dès leur retour à Qorveh.
« Nous avons enterré Nasser vers 23 heures lundi soir », explique Mansour. « Seule la famille était présente. Nous avons également organisé une cérémonie de deuil pour lui à la mosquée. Personne ne nous a dérangés. »
Désigné comme martyr
Les autorités ont ensuite appelé la famille Rezai et leur ont dit qu’ils voulaient désigner Nasser comme étant un « martyr ». Ils ont également dit à la famille que, si elle le voulait, elle pouvait déposer plainte pour tenter d’identifier le meurtrier de leur fils.
« Comment veulent-ils identifier le tueur ? », a demandé Mansour. « Il n’y avait personne avec lui et il est impossible d’identifier qui que ce soit dans toute cette agitation. Nous leur avons demandé une seule chose. Nous leur avons dit : Nous ne voulons rien de vous. Laissez-nous tranquilles. Nous savons que nous n’avons aucun recours et que nous ne pouvons rien faire. Nous n’avons pas l’intention de déposer une plainte. Contre qui allons-nous porter plainte ? Qui est responsable de la fusillade ? Il faut avoir quelqu’un contre qui porter plainte. »
Lors de leur appel téléphonique, les autorités ont également déclaré qu’ils avaient l’intention de verser « l’argent du sang » ou une compensation financière aux familles des personnes désignées comme « martyrs ». Mais la famille de Nasser a pris sa décision. « Ils veulent verser de l’argent et appeler cela une compensation, explique Mansour. Notre famille n’en veut pas et n’acceptera ni l’argent ni le titre de martyr. »
Mansour souligne que sa famille ne s’attend pas à ce que le gouvernement agisse. Selon lui, sa mère prie pour que le responsable paie de sa vie.
La tragédie a plongé la famille de Nasser dans une crise. Mansour dit que sa mère ne peut plus s’alimenter et ne fait que pleurer. Son père serre la photo de Nasser contre lui et, à six heures du matin, il se rend sur la tombe de son fils.
« Il n’y a pas de mot, pas de phrase qui puisse décrire l’état de mes parents », dit Mansour. « Et la femme de Nasser ne fait pas mieux ; en fait, pour elle, c’est peut-être pire. Tout le monde aimait Nasser. Il n’a jamais fait de mal à personne. »
Les responsables iraniens n’ont pas encore annoncé officiellement le nombre de tuées lors des manifestations de novembre 2019. Ali Shamkhani, le secrétaire du Conseil suprême de sécurité national, a affirmé que plus de 85 % des personnes qui ont perdu la vie dans la province de Téhéran ont été victimes d’un « stratagème » de la part de « groupes ennemis ». Le gouvernement refuse d’annoncer combien de personnes ont été tuées et demande aux familles des victimes de garder le silence à leur sujet.
Source : Iranwire