CSDHI – La conférence de la 3e journée du Sommet pour un Iran libre à Auvers-sur-Oise le 3 juillet dernier, a été consacré au terrible massacre de l’été 1988 de 30.000 jeunes prisonniers politiques sur ordre de Khomeiny. La conférence a réuni de nombreux experts juridiques, anciens responsables et rapporteurs de l’ONU et ONG. Gilbert Mitterrand, président de la fondation Danielle Mitterrand-France-Libertés est venu y apporter un témoignage fraternel :
Je voudrais d’abord féliciter le Conseil national de la Résistance iranienne pour l’organisation, dans les conditions très particulières que l’on sait, de cette édition 2023 du rassemblement du sommet mondial pour un Iran libre. Et je dirais, rien ne vous arrête. Dans ces conditions, tenir cette réunion ici même montre à quel point la volonté est supérieure à l’obscurantisme.
Et aussi vous féliciter pour la tenue dans des conditions encore plus particulières, pour ne pas dire très contestables, de la manifestation qui s’est tenue Place Vauban à Paris, en soutien au soulèvement en Iran pour une République démocratique.
Félicitons-nous aussi que la justice française ait pu formellement empêcher, malgré les autorités administratives, et grâce à Jean-François Legaret, ait pu empêcher que la parole et le droit de rassemblement soient au rendez-vous au nom des droits de l’homme et du respect des conventions internationales. Les droits de l’homme et conventions internationales pour demander justice, pour exiger la vérité et pour demander des comptes aux autorités iraniennes coupables d’exactions, de crimes et de crimes contre l’humanité envers le peuple iranien.
C’est au nom de ces mêmes droits de l’homme et du respect des conventions internationales que la Fondation France-Libertés, Danielle Mitterrand a entamé un long chemin de combat, de soutien au peuple iranien et d’amitié à vos côtés.
Je pense aux exilés réfugiés du camp d’Achraf-1 en Irak, pourtant sous protection du HCR, systématiquement victimes de raids et de roquettes iraniennes, à leur déplacement à Liberty, toujours en Irak, et toujours victime d’exactions, des escadrons des mollahs, multipliant ainsi les morts et les blessés. Je pense à la dénonciation de ces faits et à l’action sans relâche des organisations non gouvernementales auprès de la diplomatie internationale qui nous conduisirent à Achraf-3 en Albanie, normalement pour sauver des vies et donner droit aux droits humains face au cynisme et à la dictature en Iran.
Pouvoir ou vouloir
Les événements d’aujourd’hui peuvent nous faire poser question. Où des réfugiés exilés dans le monde pourraient avoir des vies sauves dans des démocraties qui ne tiennent pas ou n’ont pas les moyens ou ne peuvent plus – c’est une grave question de savoir si on ne peut plus ou si on ne veut pas – protéger le droit, la justice, la démocratie dans le monde face aux états terroristes. C’est une question qu’il faudra éclaircir, mais nous sommes toutefois heureux d’avoir pu tous agir pour que nos frères et sœurs, nos martyrs, soient accueillis en Albanie à Ashraf 3 et je suis certain qu’ils le seront encore mieux dans les jours et semaines qui viennent.
C’est encore au nom des droits de l’homme et des conventions internationales que la Fondation France-Liberté a été auprès de vous lorsque, ici même, à Auvers-sur-Oise, votre droit d’asile accordé par la France dès 1981 a été menacé sur l’injonction des autorités iraniennes sur l’autel du chantage aux intérêts commerciaux quand ce n’est pas maintenant sur l’autel du chantage aux otages que l’Iran pratique régulièrement et systématiquement.
Un long combat pour la justice
C’est au nom des droits de l’homme que se mène ce long combat pour la justice et la vérité devant les instances internationales à propos du massacre des 30 000 prisonniers politiques de 1988, à l’évidence crime contre l’humanité, faut-il encore le reconnaître. C’est à ce titre que la Fondation France Libertés, ayant statut consultatif à l’ONU, est fière de partager avec vous son temps de parole, son petit temps de parole, lors de sideline au Conseil des droits de l’homme à Genève.
C’est au cours de ces quatre dernières décennies, 40 ans, c’est long, les autorités iraniennes ont perpétré des crimes contre l’humanité et des crimes assimilables même à un génocide. Les hauts responsables actuels au pouvoir en Iran ont été directement impliqués dans ces crimes, dans ces crimes contre l’humanité. Ebrahim Raïssi a personnellement siégé, vous le savez tous, à la commission de la mort de Téhéran en 1988, les témoignages en attestent. Et justement, les rapports, les témoignages, les procédures ne manquent pas. Cela a été rappelé tout au long de ces interventions et en particulier celle de Tahar Boumedra qui vraiment a décrit ce long travail, ces courageuses initiatives de tous, de chacun, dont nous nous félicitons, leurs auteurs, les témoins, les rapporteurs.
Malgré cela, nous en sommes encore à avoir un rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, Javaid Rehman, qui a déclaré lors d’une session spéciale du Conseil des droits de l’homme, très récemment, c’était en novembre 2022, que l’impunité structurelle prévaut en République islamique d’Iran, alimentant des schémas généralisés d’exécutions illégales, de disparitions forcées, de tortures et d’autres violations graves des droits humains et méritant une réponse énergique de la part de la communauté internationale. Il aura fallu attendre tout ce temps pour qu’on dise encore cela en novembre 2022.
Où est la suite ?
Et alors, où est la suite ? Y aura-t-il une suite? Sûrement. Mais la volonté, le courage triompheront. Ce n’est pas possible autrement. Ou alors nous serons sur cette terre les seuls à pouvoir encore dire que nous avons raison de nous rassembler pour défendre ses vraies valeurs. Nous sommes là pour demander la concrétisation des procédures engagées devant l’ONU sur les massacres de 1988 et les autres crimes commis par ces autorités iraniennes en 2009, en 2017, en 2020, en 2022, en 2023, aujourd’hui, tous les jours. Ce ne serait pas juste de ne demander des comptes que pour 1988. Mais commençons au moins par cela. Ce serait non seulement un acte de justice, mais ce serait surtout un acte de fermeté très opportun de la part des démocraties et de l’ONU.
C’est au nom des droits de l’homme que la Fondation France-Libertés est aux côtés du peuple iranien pour qu’il ait le choix de son destin pour un Iran libre et démocratique. Et c’est pourquoi la Fondation est attentive au soulèvement en Iran pour une république démocratique, ainsi qu’au plan en dix points de Maryam Radjavi, présidente élue du CNRI, pour la période de transition, afin d’imaginer les fondements d’un avenir sans oublier les errements de toutes les dictatures, qu’elles soient monarchiques ou religieuses. C’est l’affaire des Iraniens. Mais pour les soutenir dans leur combat, la société civile internationale, les organisations non gouvernementales demandent aux États, à l’Europe, de prendre leurs responsabilités sans trembler devant les dictatures.
Le peuple iranien, lui, est déterminé. Il se protège, il se sacrifie, mais il ne tremble pas et il vaincra. Et parce qu’il vaincra, nous vaincrons, nous, les démocraties dans un monde qui ne peut céder la place aux dictatures quelles qu’elles soient. Merci à vous tous et bravo.