CSDHI – Hormis l’ONG de Reporters sans frontières, on voit rarement les médias occidentaux compatir avec leurs confrères en Iran. Pourtant censure et contrôle restent les deux piliers d’un système bien rôdé qui ne laisse rien passer dans ce pays. Le fait est que sous la présidence de Rohani, sa modération a fait fermer au moins 13 journaux.
Bien sûr, ce n’est pas le premier président des mollahs à s’en prendre à la presse. Il continue simplement sur la lancée de tous ses prédécesseurs. Car mis à part deux mastodontes du pouvoir, comme « Kayhan » l’organe du guide suprême Khamenei, la vie des quotidiens est éphémère en Iran. Certains, raconte un rédacteur en chef en exil, ne durent qu’un seul jour et meurent avant même d’avoir publié une ligne. D’autres se voient poser des scellés dès leur première parution. D’autres encore tiennent des mois, voire des années.
Le journaliste explique : « Regardez le passé de la presse en Iran. Malgré 170 ans de journalisme dans ce pays, les journaux ont à peine quelques années ou quelques mois. A part deux journaux officiels et quelques publications futiles et impopulaires qui servent de tribunes idéologiques à la faction la plus puissante du pouvoir, les autres meurent très jeunes, comme les journalistes, à l’instar d’un jeune arbre abattu trop tôt à la hache. »
« Mes collègues, confie-t-il, ont une expression pour décrire pressions et limites auxquelles ils se heurtent : « être journaliste en Iran, c’est marcher dans un champ de mines. » Un faux pas et vous disparaissez derrière un écran de fumée. »
« J’ai vu à plusieurs reprises des collègues dans des émissions à la télévision officielle » en Iran, déplore-t-il, « mais pas pour témoigner en tant qu’expert ou même comme invité. Ils étaient là parce qu’ils avaient été brisé dans des interrogatoires pour les contraindre à faire des aveux contre eux-mêmes. Ceux qui acceptent de passer à la télé dans ces mises en scènes, se présentent en général comme des individus corrompus peu fiables dans leur vie privée et qui ont trompé leurs femmes. Ils vont jusqu’à accepter de graves allégations d’espionnage. »
Cette dernière accusation est la lubie de la dictature religieuse. Alors qu’en temps normal contacter un collègue à l’étranger ou surfer sur le net pour lire et s’informer sur des sites d’autres pays paraissent banals, en Iran c’est régulièrement catalogué d’espionnage et de collaboration avec un gouvernement étranger. Si ce n’était aussi tragique pour les journalistes et leurs familles qui se retrouvent harcelés, persécutés et arrêtés, on pourrait presqu’en rire.
En ce qui concerne les journalistes étrangers, rappelons que des correspondants ont été expulsés du jour au lendemain durant les manifestations de 2009 et que ceux des agences n’avaient plus le droit de sortir de leurs bureaux. Quant aux binationaux, ils restent à la merci d’arrestations, ce qui rend plus vulnérables les journalistes iraniens qui collaborent avec la presse étrangère. Du coup, ils deviennent les cibles de pressions, perméables aux influences pour certains et à l’autocensure pour d’autres afin d’éviter les mésaventures.
Par ailleurs, on retiendra des correspondants en bonne et due forme de grands médias qui n’ont jamais lésiné sur la complaisance et ont toujours su éviter les sujets qui fâchent comme les violations des droits humains ou le terrorisme ; de quoi garantir le vernis de bonne image du régime à l’étranger. Pourtant, au gré des besoins des mollahs, ces fusibles en puissance sautent, sont jetés en prison et font l’objet d’intenses marchandages.
L’immense majorité des journalistes iraniens en exil vous diront donc qu’ils se retrouvent à loin du pays afin d’échapper au danger de l’accusation d’espionnage pour avoir envoyé un article à l’étranger, même si cela traitait de l’environnement. Les mollahs, en effet, estiment que toutes informations fuitant hors des frontières met en danger les bases du régime.