CSDHI – Mojgan mâche nerveusement son chewing-gum. Cette jeune iranienne de 20 ans est arrivée il n’y a pas longtemps en Europe. Issue d’une famille aisée, elle n’a pas eu beaucoup à souffrir de la crise économique qui sévit en Iran et qui tranche nettement la société en deux. Ceux qui roulent sur l’or et ceux qui rament dans la misère.
Longtemps elle a vécu dans les beaux quartiers du nord de Téhéran, où la jeunesse dorée peut se permettre d’être rebelle aux multiples contraintes que les mollahs imposent à la société. Mais pas toutes, car elle n’était pas issue d’une famille du pouvoir, pas une « Aghazadeh » fille de mollahs, de commandant de la milice ou des gardiens de la révolution.
Alors donc, le couperet tombait parfois. « Oh la la, fait-elle, si tu savais le nombre de fois que j’ai été arrêtée ! » Non pas dans la rue, par la milice de la vertu et du vice, mais chez elles et chez des copains. Parce que Mojgan et sa bande se réunissaient régulièrement pour faire la fête. Musique, alcool, filles sans foulard et garçons. « On mettait la musique si forte que tout le quartier l’entendait, alors quand une patrouille passait elle nous repérait. Le pire c’est qu’on s’apercevait de la descente de police que lorsque les miliciens étaient juste en face de nous, avaient coupé le son et allumé les lumières. Impossible de s’enfuir. »
Elle raconte que les jeunes étaient alors immédiatement séparés. Filles d’un côté, garçons de l’autre. Les garçons avaient droit à un tabassage en règle, les filles aux insultes vicieuses. Puis tout le monde au poste. « Moi je portais toujours des pantalons, mais si une fille était en jupe, ça ne ratait pas : un aller simple chez le médecin légiste pour un test de virginité. » Ensuite le médecin appelait la famille pour annoncer le résultat. « J’ai beaucoup de copines qui se sont suicidées à cause de ça. Elles n’étaient plus vierges et les pères ne pardonnent pas à cet âge. La société iranienne est encore traditionnelle dans ce domaine. »
Au bout d’un moment, sa famille a dû partir dans l’ouest de Téhéran, loin des quartiers huppés. Elle avait donc passé un accord avec sa mère, car son père était décédé. Si elle ne la voyait pas rentrer à minuit, il fallait faire le tour des commissariats, des comités de la milice et des hôpitaux. Combien de fois, mère et grand-mère sont ainsi parties à sa recherche…
Mojgan dont le dossier judiciaire de jet-setteuse s’épaississait, a choisi de filer à l’anglaise pour éviter une lourde peine de prison en Iran. Elle est réfugiée en Europe, continue à faire la fête, mais s’est inscrite à la fac, en droit, pour connaitre les siens et tenter de faire condamner ce régime depuis l’étranger. Beau projet.