CSDHI – Les médias internationaux, dont l’Agence France Presse, ont rapporté mercredi qu’un policier iranien, Jafar Javanmardi, avait été condamné à mort pour le meurtre d’un manifestant lors du soulèvement national de la fin de l’année 2022. La victime, Mehran Samak, avait exprimé son soutien au mouvement de protestation antigouvernemental le 30 novembre de cette année-là en klaxonnant pour célébrer la défaite de l’équipe nationale de football iranienne face aux États-Unis lors de la Coupe du monde. En réponse directe à ce geste, Javanmardi aurait tiré au moins un coup de feu avec un fusil de chasse, tuant Samak.
Les informations sur la condamnation de Javanmardi n’indiquent pas clairement s’il était ou non le seul policier impliqué dans l’incident. Ils ne précisent pas non plus sur quelles preuves la cour s’est appuyée pour établir qu’il était le seul responsable de l’assassinat. Cela mérite d’être souligné car, depuis la fin de l’année 2022, un certain nombre de manifestants ont été tenus pour responsables de la mort d’agents de sécurité, mais les avocats de la défense et les défenseurs des droits de l’homme se sont interrogés sur l’équité de leurs procès et sur la véracité des preuves utilisées pour obtenir les condamnations.
Dans de nombreux cas, ces preuves comprenaient des aveux qui auraient été obtenus sous la torture, tandis que les tribunaux ont également été accusés d’avoir supprimé des preuves qui prouvaient l’innocence de certains accusés. Ces pratiques ont même été utilisées pour obtenir la condamnation de plusieurs personnes en relation avec des décès isolés. Des dizaines de personnes auraient été condamnées à mort, dont au moins neuf ont été exécutées jusqu’à présent, bien que les accusations sous-jacentes à ces exécutions ne soient pas techniquement des meurtres mais plutôt « l’inimitié contre Dieu » et « la propagation de la corruption sur la Terre ».
Le policier iranien Javanmardi, quant à lui, a été condamné à mort « conformément à la loi islamique du châtiment, connue sous le nom de loi ‘qisas’, pour meurtre avec préméditation », selon l’avocat de la famille de Samak. Cela indique que les homicides illégaux commis par les forces de sécurité et les actions de protestation ayant entraîné des blessures ou la mort sont considérés comme catégoriquement différents par le système judiciaire iranien, même si l’issue est la même dans certains cas.
Bien entendu, l’issue est rarement la même et la condamnation à mort de Javanmardi semble être unique. Aucune autre condamnation de ce type n’a été signalée par la police ou d’autres autorités au cours des 19 mois qui se sont écoulés depuis le début du soulèvement.
En fait, le policier iranien, M. Javanmardi, est l’un des rares officiers à n’avoir subi aucune répercussion juridique pour les actions qu’il a menées pendant le soulèvement, bien que des centaines de manifestants aient été tués dans les rues et dans les centres de détention entre septembre 2022 et la fin de l’année.
Selon le principal groupe d’opposition pro-démocratique, l’Organisation des moudjahidines du peuple iranien, le nombre de morts a rapidement atteint 750, tandis que 30 000 autres manifestants ont été arrêtés. Dans son récent rapport, une mission d’enquête sur la répression du régime a indiqué au Conseil des droits de l’homme des Nations unies qu’il y avait certainement eu plus de 550 morts parmi les manifestants et que les autorités avaient délibérément cherché à causer des blessures permanentes par des pratiques telles que le tir de balles directement dans les yeux des personnes.
Téhéran a effectivement confirmé l’estimation des arrestations de l’OMPI, mais continue de nier les chiffres des victimes avancés par l’OMPI et le Conseil des droits de l’homme des Nations unies.
L’annonce de la condamnation du policier iranien est probablement une conséquence des inquiétudes suscitées chez les autorités iraniennes par l’attention internationale portée au rapport initial de la mission d’enquête. La condamnation à mort d’un policier abusif peut donner une impression superficielle d’équilibre et d’impartialité dans la réponse du régime au soulèvement de 2022.
Mais bien sûr, cette impression s’évanouit lorsque le cas du policier iranien Javanmardi est replacé dans le contexte de toutes les poursuites engagées contre des manifestants non violents et de toutes les allégations d’abus qui ont été explicitement rejetées par les autorités du régime.
Ce n’est pas la première fois que ces autorités semblent demander au public de leur accorder le mérite de protéger les droits des manifestants. Peu après que les manifestations nationales ont commencé à se calmer au début de l’année 2023, le Guide suprême Ali Khamenei a annoncé une large offre d’amnistie aux personnes qui avaient été arrêtées pendant le soulèvement et qui avaient déjà été condamnées à des peines de prison ou qui faisaient l’objet de poursuites susceptibles de déboucher sur des peines de plusieurs années. Les médias d’État iraniens ont explicitement cité cette offre comme une preuve de compassion et de patience de la part des forces de l’ordre iraniennes, mais les groupes d’activistes ont rapidement émis des doutes sur la véracité de l’offre de Khamenei et sur les conditions de l’éventuelle libération des détenus.
Ces doutes ont été confirmés par la suite par des informations faisant état de bénéficiaires de l’amnistie contraints de signer des lettres d’excuses qui ont effectivement servi d’aveux de crimes en l’absence de poursuites. Ces lettres contenaient également la promesse d’éviter des activités similaires à l’avenir, fournissant ainsi un prétexte tout trouvé pour une nouvelle arrestation au cas où il s’avérerait que les anciens détenus militent toujours en faveur d’un changement politique ou social. Au cours des derniers mois, alors que la répression du régime contre la dissidence se poursuit, plusieurs rapports ont fait état de bénéficiaires de l’amnistie détenus et condamnés à des peines qui sont manifestement toujours liées au soulèvement de 2022.
La condamnation à mort du policier iranien vise peut-être à détourner l’attention de ce phénomène et des conclusions de la mission d’enquête du CDH. Mais en l’absence d’une véritable transparence sur son cas et d’autres cas similaires, il est plus probable que le policier condamné devienne simplement un nouveau sujet de discussion sur le penchant du régime pour les condamnations motivées par des considérations politiques, les aveux forcés et la désignation de boucs émissaires. Ceci est d’autant plus probable que Javanmardi n’est pas le seul fonctionnaire du régime ou la seule personne ayant de bonnes relations à être ostensiblement tenu pour responsable de malversations plus larges à des moments politiquement sensibles pour le régime.
Source : Iran Focus (site anglais)