CSDHI – Deux mois après la mort de deux prisonniers politiques détenus par l’État iranien, le Centre pour les droits humains en Iran (CDHI) a envoyé une lettre à Michelle Bachelet, Haute-commissaire des Nations unies aux droits humains, pour lui demander de réclamer la libération immédiate de la prisonnière d’opinion Sepideh Qoliyan, qui est gravement malade et a besoin de soins médicaux urgents.
La Haute-commissaire doit intervenir pour la libération de la prisonnière
Sepideh Qoliyan est âgée de 27 ans. Elle est maintenue illégalement derrière les barreaux de la prison d’Evine à Téhéran en raison de sa dissidence pacifique, malgré les dispositions de la loi iranienne qui permettent sa libération.
« La Haute-Commissaire des Nations unies doit demander la libération immédiate de Sepideh Qoliyan avant qu’un(e) autre prisonnier(e) d’opinion ne soit réduit(e) au silence pour toujours dans une prison iranienne », a déclaré Hadi Ghaemi, directeur exécutif du CDHI.
Sepideh Qoliyan fait partie d’un groupe de prisonniers politiques souffrants qui se voient actuellement refuser un traitement médical approprié, notamment Soheila Hejab, Zeinab Jalalian, Arsham (Mahmoud) Rezaee et Abbas Vahedian Shahroudi. En Iran, les prisonniers politiques font l’objet d’un traitement sévère, qui inclut souvent le refus de soins médicaux, afin de punir et de réduire au silence les dissidents.
Vous trouverez ci-dessous le texte intégral de la lettre du CDHI adressée à Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations unies aux droits humains.
9 mars 2022
S.E. Michelle Bachelet
Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits humains
Madame la Haute-Commissaire,
Le refus de la République islamique d’Iran de fournir des soins médicaux indispensables à Sepideh Qoliyan, militante et journaliste indépendante injustement emprisonnée, constitue une violation flagrante des droits humains et représente une menace potentielle pour sa vie et son bien-être.
Le Centre pour les droits de l’homme en Iran demande respectueusement à la Haute-commissaire de condamner fermement le refus de traitement médical de Mme Qoliyan et d’appeler les autorités iraniennes à la libérer immédiatement de la prison d’Evine afin qu’elle puisse recevoir des soins appropriés dans un hôpital.
Nous tenons à souligner que la loi iranienne prévoit une telle libération ; l’article 502 du code de procédure pénale iranien stipule que la peine d’un détenu peut être suspendue si l’incarcération risque d’aggraver sa maladie physique ou mentale.
Nous espérons que la haute-commissaire incitera d’autres organes et experts des droits humains, tels que le Conseil des droits humains, le rapporteur spécial pour les droits humains en Iran et d’autres procédures spéciales pertinentes, ainsi que tous les États membres, à se joindre à cette condamnation du traitement de Mme Qoliyan et à demander sa libération immédiate.
Le refus de soins médicaux est couramment utilisé par la République islamique comme un moyen de punir les prisonniers politiques. Donc, en tant que telle, cette pratique doit être explicitement et vigoureusement condamnée. Ceci est particulièrement vrai pendant la pandémie actuelle, où de nombreux prisonniers politiques sont morts dans les prisons iraniennes surpeuplées et insalubres à cause de la COVID-19. Plus récemment, le poète Baktash Abtin, détenu arbitrairement, est mort après avoir contracté la COVID-19 dans la prison d’Evine.
Sans une pression concertée de la part de la communauté internationale, la République islamique continuera à criminaliser et à punir la dissidence pacifique, et les actions des autorités qui mettent en danger la vie de Sepideh Qoliyan et d’autres prisonniers politiques et prisonniers de conscience, notamment le refus de soins médicaux essentiels, se poursuivront également.
Le cas de Mme Qoliyan s’inscrit dans un schéma bien ancré en République islamique de poursuites contre des défenseurs des droits humains sans procédure régulière, d’imposition de longues peines d’emprisonnement et de traitements sévères, voire mortels, pour les prisonniers politiques une fois emprisonnés.
Initialement arrêtée en novembre 2018 à Shush, dans le sud-ouest de l’Iran, pour sa participation à une grève des ouvriers d’une sucrerie, Mme Qoliyan n’a cessé de dénoncer, à l’intérieur et à l’extérieur de la prison, les tortures qu’elle et ses codétenus ont subies pendant leur détention. Elle faisait partie des neuf militants syndicaux qui ont été condamnés chacun à cinq ans de prison en décembre 2019, pour « rassemblement et collusion contre la sécurité nationale. »
Elle a commencé à purger sa peine de cinq ans en juin 2020, à la prison d’Evine, après avoir refusé de signer une lettre d’excuses au dirigeant suprême de l’Iran, Ali Khamenei. En mars 2021, elle a été transférée à la prison centrale de Bushehr, sur la côte sud de l’Iran.
En septembre 2021, alors qu’elle était en permission, elle a été accusée de « publication de fausses informations en ligne » et de « propagande contre l’État », après avoir publié une série de tweets décrivant les conditions inhumaines dans la prison centrale de Bushehr. Le 11 octobre 2021, elle a été arrêtée lors d’une descente des forces de sécurité au domicile de sa famille à Ahwaz, dans la province du Khouzistan. Et le 15 octobre 2021, elle a été transférée à la prison d’Evine et détenue dans le quartier 209, contrôlé par le ministère du renseignement.
Au cours de son emprisonnement, elle a fait plusieurs grèves de la faim pour protester contre les poursuites injustes dont elle fait l’objet et les conditions de détention inhumaines. Et, comme beaucoup d’autres prisonniers politiques, elle a par la suite contacté la COVID-19 dans les prisons surpeuplées et insalubres d’Iran.
Le 22 février 2022, il a été signalé qu’elle avait été transférée dans l’unité de quarantaine de la prison d’Evine en raison de graves saignements d’estomac, de douleurs rénales, de diarrhées, de nausées et d’une forte fièvre. Il a été ajouté qu’on continuait à lui refuser une permission médicale pour qu’elle puisse recevoir un traitement approprié à l’extérieur de la prison. Son frère, Mehdi Qoliyan (également orthographié Gholiyan), a écrit sur Instagram le 6 mars 2022 :
« La vie de ma sœur Sepideh Qoliyan est toujours en danger. Après la propagation du variant Omicron du coronavirus dans le quartier des femmes de la prison d’Evine, Sepideh a contracté le virus… Sepideh s’est tellement fragilisée et affaiblie à cause des maladies sous-jacentes non traitées causées par les bannissements [dans différentes prisons], les grèves de la faim et les pressions constantes, que même un rhume peut l’accabler. À cause de l’impact du variant Omicron, le corps de Sepideh ne peut absorber beaucoup d’eau ou de nourriture en raison d’une indigestion ; elle vomit tout. Sa température n’est pas revenue à la normale. Sa faiblesse, sa léthargie et sa jaunisse sont visibles… Le juge chargé de l’affaire, qui avait précédemment affirmé que Sepideh n’avait pas droit à une permission et avait franchi des « lignes rouges », a finalement accepté de signer le formulaire de permission, mais elle reste emprisonnée. »
Son frère pense qu’elle est traitée de la sorte parce qu’elle s’est élevée contre les conditions de détention, la torture et le harcèlement des femmes dans la prison de Bushehr.
Mme Qoliyan fait partie des nombreux défenseurs des droits humains qui ont été emprisonnés en Iran pour avoir exprimé pacifiquement leurs opinions. La réduction au silence de la dissidence pacifique et le déni de la liberté d’expression sont les armes de prédilection des autocrates ; ainsi, les individus sont contraints de payer un prix terrible pour leur volonté de dire la vérité au pouvoir et de contester les récits répressifs de l’État. S’élever contre cette injustice est fondamental pour la défense de l’État de droit, qui sous-tend un ordre international pacifique.
Respectueusement vôtre,
Le Centre pour les droits de l’homme en Iran, New York.
Source : Le Centre pour les droits de l’homme en Iran