CSDHI – (Iran Human Rights ) Le 26 juin, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) célèbre la Journée mondiale de la drogue sur le thème « Les individus d’abord : mettre fin à la stigmatisation et à la discrimination, renforcer la prévention », et lance une nouvelle édition du Rapport mondial sur les drogues. Malheureusement, comme c’est le cas depuis des années, l’ONUDC n’a pas soulevé la question du maintien de la peine de mort pour les infractions liées à la drogue, malgré la forte augmentation, l’année dernière, du nombre d’exécutions connues pour ce type d’infractions.
Bien que les infractions liées à la drogue n’atteignent pas le seuil des « crimes les plus graves » – à savoir ceux d’une extrême gravité impliquant un homicide intentionnel – auxquels l’application de la peine de mort doit être limitée en vertu du droit international[1], des centaines d’exécutions continuent d’avoir lieu chaque année pour ces crimes.
Les rapports annuels d’Amnesty International[2] et de Harm Reduction International[3] montrent que la situation s’est fortement détériorée en 2022, le nombre de personnes exécutées pour des infractions liées à la drogue ayant augmenté de plus de 100 % en 2022 par rapport à l’année précédente. Comme l’indique Amnesty International, les exécutions pour des infractions liées à la drogue représentent plus d’un tiers de toutes les exécutions recensées dans le monde. Des exécutions pour des infractions liées à la drogue ont été confirmées en Iran, en Arabie saoudite, à Singapour et en Chine – et probablement aussi au Viêt Nam, où le secret d’État prévaut.
En 2022, l’Iran a augmenté de 93 % par rapport à 2021 le nombre d’exécutions de personnes condamnées pour des infractions liées à la drogue[4]. Nos organisations ont enregistré plus de 250 exécutions en Iran pour des infractions liées à la drogue, ce qui représente plus de 40 % de toutes les exécutions connues dans ce pays au cours de l’année[5]. En Arabie saoudite, les organisations de la société civile ont recensé 57 exécutions pour des infractions liées à la drogue après la fin d’un moratoire sur les exécutions pour des infractions liées à la drogue qui, selon la Commission saoudienne des droits de l’homme, avait été mis en place en 2020[6]. À Singapour, où les exécutions ont repris en 2022, les 11 exécutions recensées l’ont été pour des infractions liées à la drogue[7]. Amnesty International et Harm Reduction International ont également confirmé des exécutions pour des infractions liées à la drogue en Chine, mais ne disposaient pas d’informations suffisantes pour fournir un chiffre minimum crédible.
Les personnes marginalisées, notamment en raison de leur statut socio-économique, de leur appartenance ethnique, de leur handicap mental ou intellectuel et de leur nationalité, continuent d’être touchées de manière disproportionnée par l’application de la peine de mort pour des infractions liées à la drogue. Par exemple, Harm Reduction International a rapporté que 40 % des personnes exécutées pour des délits liés à la drogue en Iran s’identifiaient comme des Baloutches, un groupe ethnique qui représente environ 2 % de la population totale[7].
En outre, nos organisations ont montré que le recours à la peine de mort pour des infractions liées à la drogue dans plusieurs pays se fait souvent à l’issue de procédures qui ne respectent pas les garanties établies par le droit international relatif aux droits humains et les normes visant à assurer la protection des droits des personnes menacées d’exécution. Par exemple, Singapour a exécuté en avril 2023 un homme accusé d’avoir conspiré en vue de faire du trafic de cannabis, en dépit de problèmes liés à l’équité du procès, notamment l’absence de preuve de possession de drogue lors de son arrestation, l’absence d’accès à un avocat et à un interprète pendant l’interrogatoire et l’absence d’avocat lors de sa dernière tentative de réouverture de l’affaire fin 2022[8].
Malgré les efforts inlassables des organisations de la société civile pour lutter contre la peine de mort pour les infractions liées à la drogue, les mécanismes internationaux chargés de concevoir et de surveiller les politiques en matière de drogues sont restés silencieux. Malgré la forte augmentation du nombre d’exécutions et les cas affligeants dans lesquels la peine de mort a été appliquée l’année dernière, l’ONUDC et d’autres mécanismes internationaux de contrôle des drogues n’ont pas condamné publiquement ces violations flagrantes du droit international. Le rapport mondial sur les drogues, publié aujourd’hui par l’ONUDC, omet une fois de plus de mentionner l’application de la peine de mort pour les infractions liées à la drogue.
L’abolition de la peine de mort exige des efforts concentrés et combinés de la part de toutes les agences et de tous les mécanismes des Nations unies, comme le prévoient les normes et les lignes directrices internationales telles que la position commune des Nations unies sur les drogues. Pourtant, nos organisations restent préoccupées par le fait que l’engagement actif de l’ONUDC et d’autres organismes internationaux de contrôle des drogues en faveur de l’abolition de la peine de mort est au point mort, alors qu’il est prouvé que leur engagement direct a été efficace dans le passé pour réduire cette peine illégale[9]. [9]
L’ONUDC joue un rôle primordial en veillant à ce que les politiques en matière de drogues dans le monde respectent les obligations des États en vertu du droit international. Comme l’a montré l’année 2022, le silence de l’ONUDC et des autres mécanismes de contrôle des drogues concernant l’application de la peine de mort pour les infractions liées à la drogue peut être instrumentalisé par la poignée de pays qui continuent d’appliquer ce châtiment cruel au mépris du droit international.
Par conséquent, nous appelons l’ONUDC et toutes les autres agences des Nations unies ainsi que les acteurs internationaux à prendre des mesures concrètes et urgentes contre les violations continues des droits de l’homme au nom du contrôle des drogues qu’entraîne l’application de la peine de mort pour des délits liés à la drogue. Il est essentiel que ces organes ne se contentent pas de rejeter l’application de la peine de mort, mais qu’ils agissent en conséquence en s’engageant publiquement et en privé avec les États membres qui appliquent encore ce châtiment cruel et en veillant à ce que tout soutien ou toute autre forme de coopération et d’assistance technique ne conduise pas à l’application de la peine de mort.
L’ONUDC doit commencer à jouer son rôle pour veiller à ce que les politiques en matière de drogues dans le monde soient conformes au droit international des droits de l’homme, notamment en œuvrant à l’abrogation des lois sur les drogues qui prévoient encore la peine de mort. L’abrogation de ces lois est un élément essentiel du parcours mondial vers l’abolition totale de la peine de mort.
Les cosignataires
- Amnesty International
- Harm Reduction International
- Iran Human Rights
- Collectif pour une justice transformatrice
[1] Article 6.2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et article 4.2 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme. Voir également Comité des droits de l’homme, Observation générale n° 36 sur l’article 6 : Droit à la vie, Doc. ONU CCPR/C/GC/36 para35
[2] Amnesty International, « Condamnations à mort et exécutions 2022 » (ACT 50/6548/2023), 16 mai 2023. Disponible à l’adresse https://www.amnesty.org/en/documents/act50/6548/2023/en/
[3] Harm Reduction International, « The Death Penalty for Drug Offences : Global Overview 2022 », 15 mars 2023. Disponible à l’adresse https://hri.global/wp-content/uploads/2023/03/HRI_DeathPenalty_Report2022.pdf
[4] Amnesty International, » Condamnations à mort et exécutions 2022 » (ACT 50/6548/2023), 16 mai 2023. P. 10. Disponible à l’adresse https://www.amnesty.org/en/documents/act50/6548/2023/en/ ; Iran Human Rights, Drug-related executions in 2022, disponible à l’adresse https://iranhr.net/en/articles/5819/.
[5] Iran Human Rights et Ensemble Contre la Peine de Morte (ECPM), « Annual Report on the death penalty in Iran 2022 », disponible à l’adresse https://iranhr.net/media/files/Rapport_iran_2022_PirQr2V.pdf.
[6] Amnesty International, » Condamnations à mort et exécutions 2022 » (ACT 50/6548/2023), 16 mai 2023. P. 8. Disponible à l’adresse https://www.amnesty.org/en/documents/act50/6548/2023/en/
[7] Harm Reduction International, « The Death Penalty for Drug Offences : Global Overview 2022 », 15 mars 2023. P. 30. Disponible à l’adresse https://hri.global/wp-content/uploads/2023/03/HRI_DeathPenalty_Report2022.pdf
[8] Anti Death-Penalty Asia Network, « Plea to Singapore : Stop the execution of Tangaraju », 21 avril 2023. Disponible à l’adresse https://www.malaysiakini.com/letters/662908
[9] Iran Human Rights et Ensemble Contre la Peine de Morte (ECPM), « Annual Report on the death penalty in Iran 2022 », disponible à l’adresse https://iranhr.net/media/files/Rapport_iran_2022_PirQr2V.pdf.
Source : IHR