CSDHI – Les militants iraniens des droits humains basés en Iran et en exil ont célébré la Journée internationale de la femme.
Violence faite aux femmes iraniennes
Ils ont attiré l’attention sur certaines des principales difficultés qui s’imposent aux femmes dans la République islamique. Notamment la violence que les hommes leur font subir et l’aggravation du chômage dans une économie frappée par le coronavirus.
Message de Narges Mohammadi
« En tant que femme ayant grandi dans la république islamique, je suis habituée aux agressions, humiliations et insultes du régime. » C’est ce qu’a déclaré la dissidente iranienne Narges Mohammadi dans un message vidéo adressé à VOA Persian pour la Journée internationale de la femme. « Mais je m’oppose à la façon dont le régime m’a traitée récemment. Pourquoi les hommes de la police m’ont-t-ils agressée et malmenée ? J’ai demandé à plusieurs reprises aux autorités de m’envoyer une réponse écrite, mais ils ne l’ont pas fait », a-t-elle déclaré.
En octobre, le régime a libéré de cinq ans d’emprisonnement, Mme Mohammadi, une journaliste de 48 ans et défenseure des droits humains. Des militants internationaux des droits humains ont mené pendant des années des campagnes pour exiger la fin de ce qu’ils ont décrit comme une détention injuste et cruelle. Son mari Taghi Rahmani, basé en France, a adressé un message en août à VOA. Il a déclaré que son épouse avait besoin de soins médicaux spécialisés en dehors de la prison. Car elle souffre d’une maladie pulmonaire. Par ailleurs, son système immunitaire est affaibli. Sans compter les douleurs qu’elle ressent dus aux coups qu’elle aurait subis lors d’un transfert de prison en décembre 2019.
Mme Mohammadi, victime d’agressions
Amnesty International, un groupe de défense des droits humains basé à Londres, a déclaré que les autorités iraniennes avaient agressé Mohammadi lors de son transfert vers une prison de la ville de Zanjan, dans le nord-ouest du pays, depuis la prison d’Evine de Téhéran. C’est là que le régime l’avait incarcérée depuis son arrestation en mai 2015. Des enregistrements vidéo diffusés sur les médias sociaux ont montré d’autres militantes iraniennes des droits humains, victimes d’agressions publiques de la part d’hommes ultraconservateurs dans la nation dirigée par les islamistes, ces dernières années.
En 2020, les violences domestiques ont doublé par par rapport aux années précédentes
Leili Nikounzar est une chercheuse iranienne en études culturelles et doctorante à l’université belge KU Leuven. Selon cette dernière, la violence domestique contre les femmes est également un problème grave en Iran. S’adressant à VOA, elle a cité l’organisation d’aide sociale iranienne. Selon cette dernière a déclaré que les appels téléphoniques à son centre de conseil psychologique ont doublé l’année dernière par rapport aux années précédentes. Beaucoup de ces appels sont liés à la violence domestique.
« Lorsque les membres d’une famille restent à la maison et dans un espace confiné pendant des jours et des mois (à cause du coronavirus) et font face à d’autres pressions telles que le chômage, le stress, la maladie et la mort, la violence domestique augmente », a déclaré M. Nikounzar.
Aucun mouvement social en Iran, de type Me Too
La journaliste et activiste iranienne des droits de la femme Mahboubeh Abbasgholizadeh vit à Los Angeles. Elle a déclaré à VOA que l’Iran n’a pas de mouvement social « Me Too » développé pour lutter contre cette violence et le harcèlement sexuel contre les femmes. Depuis sa fondation en 2006 par la survivante américaine Tarana Burke, des militants du monde entier ont adopté le slogan du mouvement « Me Too » pour mettre en lumière les cas de violence sexuelle et aider les survivantes dans leur propre pays.
Le mouvement iranien « Me Too » manque de maturité par rapport à la version américaine », a déclaré M. Abbasgholizadeh. « C’est un mouvement iranien très en colère, incapable d’offrir une autonomisation, des conseils cliniques et d’autres outils pour aider les femmes agressées ou violées à surmonter leur traumatisme. »
Selon Masoumeh Ebtkekar, les violences faites aux femmes sont peu élevées
La vice-présidente iranienne pour les femmes et les affaires familiales, Masoumeh Ebtkekar, a minimisé la violence domestique et les autres formes de violence contre les femmes dans son pays. Elle les estime « peu élevées » dans ses remarques lors d’un forum régional le mois dernier. Elle a également affirmé que l’Iran était en « meilleure position » que d’autres pays confrontés à de tels problèmes.
Mais le Bureau des droits humains des Nations unies a évoqué, lundi, la présentation d’un rapport devant le Conseil des droits humains le lendemain. Le document met en évidence de « sérieuses préoccupations » concernant la violence domestique en Iran. Tout en notant certaines mesures positives telles qu’une loi iranienne contre les attaques à l’acide, il a déclaré que le rapport du rapporteur spécial des Nations unies Javaid Rehman pressera Téhéran de faire plus, comme d’apporter des améliorations à un projet de loi contre la violence en attente d’approbation parlementaire.
L’Iran est l’un des rares pays à ne pas avoir signé la Convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes de 1979.
70% des personnes qui ont perdu leur emploi à cause de la pandémie, sont des femmes
Une autre difficulté contraint la vie des femmes iraniennes. C’est le taux de chômage élevé, exacerbé par la pandémie. Celle-ci a commencé à toucher l’Iran au début de l’année dernière. L’activiste politique iranienne basée à Berlin et ancienne étudiante en économie industrielle, Mahdieh Golroo, a donné une interview à VOA. Dans celle-ci, elle a déclaré qu’environ 70% des personnes licenciées depuis le début de la pandémie étaient des femmes.
Il est important de noter que cette estimation de 70 % concerne la proportion de femmes qui ont perdu des emplois officiels plutôt que des emplois non officiels », a déclaré M. Golroo. « Il s’agit des ménagères iraniennes qui travaillent dans les villages. Il y a aussi les femmes qui travaillent comme vendeuses de rue. Et enfn, celles qui produisent des biens à domicile. Beaucoup d’entre elles ont également perdu leur emploi à cause du coronavirus. Et elles ne sont pas incluses dans cette statistique. »
Des prisonnières dénoncent le patriarcat et la misogynie des autorités iraniennes
Le mauvais bilan de la République islamique en matière de droits des femmes a suscité un message de défi de la part d’une mère et de sa fille, emprisonnées depuis avril 2010. Le régime les a accusé d’avoir fait campagne contre le port forcé du voile sur les femmes. Dans l’enregistrement audio envoyé à VOA en persan depuis la prison pour femmes de Qarchak dans le sud de Téhéran, Monireh Arabshahi et sa fille Yasaman Aryani ont dénoncé ce qu’elles ont appelé « le patriarcat et la misogynie » des dirigeants islamistes iraniens. Elles ont juré de s’opposer fermement à leur « cruauté et à leur rabaissement. »
« Je suis ce Phénix qui renaîtra de ses cendres », disait le message, avant de conclure par une salutation de la Journée internationale de la femme à leur patrie et au monde.
Source : VOA