CSDHI – Dans une étude récente, l’Université de la défense nationale et de la recherche stratégique du régime iranien a déclaré : « Sur quatre Iraniens, trois participeraient aux prochaines manifestations contre le régime. »
L’Université, affiliée au ministère de la défense, a également mis en garde contre le taux croissant de griefs publics et des manifestations potentielles à l’échelle nationale. Des protestations semblables à celles qui ont eu lieu en janvier 2018 et en novembre 2019.
On peut lire dans l’étude que la réponse du gouvernement aux manifestations de 2018 et 2019 et le statu quo du pays ont créé un grave sentiment d’injustice et d’inégalité parmi les citoyens. Dans ces circonstances, la crise économique a ajouté l’insulte aux blessures de millions d’Iraniens.
Augmentation du mécontentement de la population à 76 %
Selon l’étude, la fureur du peuple se matérialiserait par « des perturbations, des troubles, des émeutes et des comportements collectifs protestataires. » La déception de la population face à la situation actuelle du pays est élevée, notamment en ce qui concerne les aspects financiers, politiques, sociaux et culturels. « Au moins 76 % des gens ressentent de l’injustice sociale et de l’inégalité ».
Sur la base de l’enquête de l’université, menée dans la capitale Téhéran, 67,2 % des citoyens ont exprimé qu’ils ont éprouvé « un sentiment de privation relative » à un « niveau élevé ».
Environ 28,4 % des participants ont déclaré que leurs besoins n’étaient pas satisfaits à un « niveau élevé ». Par ailleurs, 53,9 % des participants à l’enquête ont déclaré que leurs besoins n’étaient pas satisfaits à un « niveau moyen ».
L’étude montre que les besoins essentiels de 82,3 % des personnes soumises à l’enquête ne sont pas encore satisfaits. Selon l’étude, 59,4 % de la société croit qu’une « situation anormale » a ombragé le pays.
Trois Iraniens sur quatre ont tendance à manifester
En ce qui concerne la tendance de la population à s’engager dans des protestations contre le régime, l’étude indique que seulement 25,1 % des personnes refusent de participer à une quelconque manifestation. L’opposé, 41,7 % ont déclaré qu’ils participeraient à des manifestations peu médiatisées, 22,5 % à des manifestations moyennes et 7,07 % à toutes les manifestations.
Les chercheurs ont classé les manifestations en deux catégories : « civiles » et « non civiles ». D’après leur étude, les activités civiles comprennent la rédaction de lettres de protestation, ou l’organisation de grèves, de boycotts, de rassemblements, de sit-in, etc.
Les protestations non civiles comprennent les « émeutes » et les manifestations de rue qui ont conduit à l’attaque, voire à l’incendie, de bureaux du gouvernement, des bases des forces de sécurité et d’autres installations soutenues par l’État, comme les séminaires, les banques, les bureaux des députés, l’appareil de propagande (IRIB) et les centres des Gardiens de la révolution (les pasdarans).
L’enquête ajoute : « Environ 32,1 % des personnes ont tendance à participer à des manifestations « civiles » et « pacifiques » dans une fourchette moyenne, 17,7 % ont déclaré leur passion extrême pour assister à de telles activités. »
L’étude a également tenté de minimiser la haine du public envers la théocratie. Elle affirme qu' »environ 66,1 % des participants à l’enquête ont déclaré ne pas participer à des manifestations non civiles. Ces statistiques montrent que la « tendance à la violence s’est considérablement affaiblie » dans la société. Les citoyens souhaitent manifester leurs protestations sous des formes ‘pacifiques’. »
Ceci alors que le président de la sécurité nationale du Parlement [Majlis], Mojtaba Zonnour, a raconté une autre histoire sur les deux premiers jours des protestations contre le gaz en novembre 2019. Dans une interview accordée à l’agence de presse Tasnim affiliée aux pasdarans, le 1er juin 2020, il a déclaré : « Les destructions, les incendies et les explosions ont endommagé quelques 497 centres gouvernementaux et bâtiments du secteur privé. Environ 194 centres gouvernementaux et publics ont été pris pour cible en dehors des bâtiments endommagés. »
Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Abdolreza Rahmani-Fazli, responsable de la répression sanglante de novembre, a déclaré que 200 000 citoyens avaient pris part aux manifestations contre l’essence. Dans son entretien avec la chaîne d’État TV One, Rahmani-Fazli a affirmé avec sarcasme que les manifestants avaient participé dans 100 quartiers de Téhéran et 27 autres provinces.
Fait remarquable, selon les informations des militants des droits humains, des passants et des familles qui ont perdu leurs proches, le régime a assassiné plus de 1 500 manifestants pendant le soulèvement de novembre 2019 pour faire taire les doléances légitimes des gens. Les forces de sécurité, les affiliés des pasdarans et les agents du renseignement ont également arrêté entre 10 000 et 12 000 manifestants.
Dans les jours qui ont suivi la répression, des citoyens ont trouvé les corps sans vie de plusieurs personnes gravement torturées dans des caniveaux, au bord des routes et dans d’autres sites publics. Les habitants ont découvert par la suite que les cadavres inconnus appartenaient à des manifestants arrêtés. À ce jour, le sort de nombreuses personnes arrêtées à l’époque n’est toujours pas clair.
Injustice, inégalité et dépravation, trois paramètres vitaux pour la protestation
La mauvaise gestion, la corruption et les crimes des mollahs ont laissé un vaste fossé entre la société et l’État en Iran. Et celui-ci ne peut être comblé que par des changements fondamentaux.
Selon l’étude, six paramètres influencent les protestations publiques en Iran. Il s’agit de « la perception de l’injustice », du « sentiment de dépravation », de « l’ignorance du statut social », des « griefs croissants », des « besoins non satisfaits » et du « sentiment d’anomalie sociale ».
Il existe un lien significatif entre « la perception de l’injustice et le sentiment d’injustice » sous différents aspects et le taux croissant de manifestations.
L’étude indique que « l’incapacité du gouvernement à répondre aux demandes des citoyens accroît considérablement le mécontentement social. Le fait de ne pas répondre aux exigences individuelles et sociales des citoyens ouvrirait la voie à des protestations sociales sous des formes civiles et non civiles. »
L’étude pointe également du doigt les inégalités économiques, en avertissant que « les inégalités économiques, outre l’asphyxie sociale, jouent le rôle le plus important dans l’apparition d’un « sentiment de dépravation relative » dans la société. Le « sentiment de dépravation » serait démontré par des protestations civiles et sociales. »
Selon les chercheurs, « si les demandes du peuple ne sont pas prises en compte, les griefs publics augmenteront chaque jour, l’obéissance à la loi diminuera, et les bases des protestations civiles, non civiles et même violentes seront réunies. Dans de telles circonstances, davantage de classes de la société, y compris celles qui bénéficient de positions décentes, se joindront aux protestations. »
Des vagues éparses allant dans la même direction
D’autres informations ont indiqué que la société iranienne est soumise à des évolutions rapides. Deux vagues importantes de protestations à l’échelle nationale en 2018 et 2019, ainsi que l’incompétence et la mauvaise gestion de longue date des responsables, les politiques nucléaires et régionales irresponsables, et leurs conséquences dévastatrices sur le système financier du pays, ont rendu le régime théocratique vulnérable aux défis socio-économiques potentiels.
Le média Iran Emrooz a déclaré : « Au cours de la seconde moitié des années 2010, les paramètres mentionnés ont intensifié ces « vagues apparemment éparses, mais dans la même direction », qui changeraient profondément l’avenir de l’Iran. »
L’étude a également pris en compte l’influence croissante des médias sociaux parmi les Iraniens, l’effet sans précédent de la Bourse, des titres et du taux de change du dollar sur la vie socio-économique des gens, avant d’affirmer que les défis du coronavirus font partie de « vagues apparemment éparses, mais allant dans la même direction. »
De tels développements ont transformé la société iranienne en une « société du risque ». L’étude suggère que « l’Iran est entré dans une longue et incessante période d’instabilité financière coïncidant avec un taux de dépréciation de la monnaie nationale, le rial, et de la valeur des propriétés, ainsi qu’un taux d’inflation galopant. »
En un mot, les auteurs de l’étude tirent la sonnette d’alarme sur la situation actuelle en Iran. Ils soulignent : « Dans de telles circonstances, les autorités ne peuvent pas ignorer le risque d’émeutes massives, imprévisibles et violentes de la part des couches sociales iraniennes les plus touchées. »
Source : INU